Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 10 mai 2011 à 14h30
Soins psychiatriques — Article 1er

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, l’article 1er porte sur les modalités de prise en charge des personnes faisant l’objet de mesures de soins sans leur consentement et sur le contrôle de ces mesures par le juge des libertés et de la détention : il est donc au cœur de la réforme.

Malheureusement, cette réforme intervient à la suite d’un fait divers survenu à Grenoble et crée, aujourd’hui, de nouvelles conditions d’hospitalisation et de soins sous contrainte. Une minorité de patients sont concernés et ce texte ne résout pas les nombreux problèmes actuels de la psychiatrie.

Ce projet de loi s’articule principalement autour de préoccupations sécuritaires qui vont jusqu’à étendre la contrainte aux soins ambulatoires. On s’oriente ainsi vers l’élargissement de la prise en charge sans consentement et vers la difficulté de plus en plus grande pour les patients de sortir des hôpitaux.

On peut se demander si l’obligation de soins, qui consiste à imposer à la personne de se rendre aux consultations, ne va pas renforcer son angoisse face aux soins et la braquer un peu plus.

Depuis une circulaire de 2010 adressée aux préfets pour leur demander de redoubler de précautions avant d’autoriser les personnes en hospitalisation d’office à bénéficier de sorties d’essai accordées par les médecins, de nombreux préfets refusent systématiquement les sorties préconisées par les médecins. Malheureusement, ce projet de loi renforce les prérogatives des préfets pour maintenir à l’hôpital des patients qui, médicalement, pourraient sortir. Il n’est pas tolérable d’enfermer des personnes dans un lieu pour des raisons qui n’ont rien à voir avec les soins. Même si le projet de loi prévoit que le juge se prononcera régulièrement sur toutes les hospitalisations sous contrainte – d’abord au quinzième jour, puis tous les six mois –, le préfet aura toujours le dernier mot, car il pourra faire appel de la décision du juge par l’intermédiaire du parquet.

Il est inacceptable de renforcer l’intrusion étatique dans le contrôle des soins, car il s’agit bien, ici, de donner la priorité à la défense de l’ordre public.

Par ailleurs, le fait que la liberté individuelle soit préservée par la présence du juge dans le dispositif ne nous rassure pas, car la justice est déjà bien encombrée.

De plus, ce projet de loi prévoit la possibilité de garder un malade en observation pendant soixante-douze heures à partir de son arrivée à l’hôpital. Cette garde à vue, qui devrait permettre de décider des modalités de soins, est devenue une « garde à vue psychiatrique », apparemment sans garantie particulière pour le patient. On veut donc stigmatiser la maladie mentale pour faire peur au public, on érige en principe la contrainte, en supprimant le consentement et la confiance, nécessaires pour la thérapie.

Or, ceux qui travaillent auprès des malades non seulement dénoncent la volonté de légiférer sur une question complexe comme l’obligation de soins, mais nous informent aussi que, lorsque l’hospitalisation est forcée, on rencontre plus d’échecs. Ils dénoncent également la possibilité de prodiguer des soins sans consentement au domicile d’un patient, car cette pratique, à leurs yeux, résume les soins à la contrainte et aux seuls traitements médicamenteux, alors que, depuis de nombreuses années, ils travaillent sur la confiance et le consentement. La solution ne repose pas uniquement sur l’enfermement des malades, qu’il soit physique ou chimique.

Enfin, je souhaiterais évoquer le problème du « casier psychiatrique ad vitam æternam », qui empêche la réintégration dans la société des personnes victimes de troubles mentaux. Il est essentiel d’instituer un « droit à l’oubli » pour les antécédents psychiatriques, qui ne devraient pas être mentionnés au-delà de dix ans.

Pour conclure, l’article 1er tend davantage à garantir la sûreté des non-malades que des malades eux-mêmes, tout en insistant sur l’importance du rôle du préfet. Il est certain que la prise en considération du trouble à l’ordre public l’emporte sur la question de la qualité des soins. Les professionnels souhaitent un grand plan pour la santé mentale et non une réforme sécuritaire. Il devient urgent de traiter la psychiatrie d’une manière thérapeutique, avec une volonté politique et des moyens. En effet, les malades ont besoin d’un accompagnement humain de qualité et, pour cela, il faut des moyens humains, madame la secrétaire d’État.

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