Je voudrais d’abord rappeler que ces deux amendements identiques ont été approuvés deux fois, la semaine dernière et ce matin, par la commission des affaires sociales, n’en déplaise à Jean-Louis Lorrain, que je ne peux pas appeler rapporteur, puisqu’il ne rapporte pas ce que la commission a décidé !
La proposition de loi signée par mes collègues Jean-René Lecerf, Christiane Demontès et Gilbert Barbier, que j’avais rapportée ici même l’an dernier, prévoyait des soins sous contrainte, obligatoires, ambulatoires, mais pour des malades mentaux délinquants qui, en contrepartie d’une libération précoce, se voyaient imposer une obligation de soins, à l’image d’une obligation de contrôle judiciaire.
Ce dispositif nous paraissait cohérent. D’ailleurs, le Sénat a voté cette proposition à l’unanimité, contre l’avis du Gouvernement. Comme vient de le rappeler Jean-René Lecerf, il s’agissait de prévoir une alternative à l’enfermement et à l’emprisonnement. Cette obligation de soins était de surcroît assortie d’une sanction : si le malade délinquant ne s’y soumettait pas, il retournait en prison ! Voilà pour les malades mentaux délinquants.
Mais, dans le cas présent, il s’agit des malades mentaux en général. Or, on le sait bien, et Mme la secrétaire d’État l’a reconnu elle-même, le malade mental doit d’abord prendre conscience de sa maladie. Tous les psychiatres et les thérapeutes s’accordent sur ce point : faire accepter le soin par le malade, et donc lui faire prendre conscience de l’état dans lequel il se trouve, est déjà un soin en soi, le début de la thérapie.
Précisément, cette démarche ne sera pas possible en ambulatoire. En effet, qui va contrôler le respect de l’obligation de soins ? Les infirmiers des centres médico-psychiatriques ou des établissements du type de celui dont parlait notre collègue Guy Fischer tout à l’heure en prenant l’exemple de sa commune ? Nous savons très bien qu’ils sont trop peu nombreux.
Et quand bien même le contrôle serait possible, quelle serait la sanction d’une violation de l’obligation ? Il n’y en a pas ! Ce ne peut pas être le retour vers l’hospitalisation d’office, qui constitue un soin et non une sanction !
Ces soins ambulatoires sans consentement pour des malades mentaux qui n’ont pas été jugés pour des délits ou des crimes sont donc totalement impraticables. Aucun des psychiatres interrogés – pour ma part, j’ai questionné les psychiatres de l’établissement que je préside -, n’arrive à comprendre le sens d’une telle mesure. Comment va-t-on contraindre un malade à des soins en dehors d’un établissement ? Où contraindre ? Quand ? Avec quels moyens ? Tout cela est totalement impraticable.
Enfin, quand bien même le dispositif entrerait en application, qui sera responsable dans le cas où un malade, astreint à des soins sans consentement et en ambulatoire, aura commis une infraction grave ?