Intervention de Philippe Marini

Réunion du 23 novembre 2009 à 10h00
Loi de finances pour 2010 — Articles additionnels après l'article 4

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

… je voudrais d’abord revenir sur les conditions dans lesquelles nous avons réalisé cette réforme à l’époque.

La mesure dont il s’agit avait été préconisée par le Conseil des impôts dans son rapport de 2004. Outre qu’elle facilitait la restructuration du capital des grands groupes, elle constituait avant tout – et avait d’ailleurs été présentée comme telle – une mesure d’alignement sur ce que faisaient déjà nos principaux partenaires européens : l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie, les Pays-Bas, le Royaume-Uni et la Suède. La France était isolée dans la compétition fiscale, et il fallait bien en tirer les conséquences.

Au demeurant, le Conseil des prélèvements obligatoires, qui a succédé au Conseil des impôts, a rappelé, en octobre 2009, dans son rapport intitulé Les prélèvements obligatoires des entreprises dans une économie globalisée, que ce régime d’exonération est aujourd’hui appliqué dans quelque vingt et un pays de l’OCDE sur vingt-neuf.

De plus, le régime français n’est clairement pas le plus favorable, puisqu’une quote-part de 5 % est imposée au taux normal de l’impôt sur les sociétés, soit un taux d’imposition effectif de 1, 67 % sur la plus-value. Il prévoit un niveau minimal de participation de 5 %, alors que l’Allemagne, la Belgique et l’Italie n’en imposent pas, ainsi qu’une condition de durée de détention de deux ans, plus contraignante que dans la plupart des autres pays, où elle est en général d’un an, l’Allemagne et la Belgique n’en prévoyant même aucune.

Le dispositif a été conçu par la commission des finances du Sénat en étroite concertation avec le gouvernement de l’époque avant d’être consacré, après plusieurs aller-retour, dans un collectif budgétaire. Je m’inscris donc en faux contre les assertions selon lesquelles il aurait été porté par un parlementaire pour le compte du Gouvernement : ce fut un travail conjoint, voulu comme tel ; tous les documents de l’époque en attestent.

Ce dispositif était assorti d’une période de transition entre 2005 et 2007 et d’une taxe libératoire exceptionnelle, ou exit tax, qui a rapporté environ 1, 5 milliard d’euros à l’État en 2006-2007. Je relève que les sommes exonérées représentent davantage un manque à gagner qu’une perte nette de recettes. §

D’ailleurs, la manière dont on a jeté en pâture le chiffre de 21 milliards d’euros à l’opinion publique est tout à fait critiquable, car il n’est pas du tout certain que toutes les transactions réellement constatées auraient eu lieu sous le régime fiscal antérieur ; l’assiette de l’imposition aurait très vraisemblablement été inférieure. Il est en effet très probable que si le régime antérieur d’imposition à 19 % avait perduré, les plus-values n’auraient été que partiellement réalisées et n’auraient donc pas engendré de recettes d’un tel montant.

Enfin, il faut bien avoir à l’esprit que revenir dès à présent au régime antérieur aboutirait, en fait, à créer un double avantage. En effet, sur les stocks de plus-values existantes, qui se reconstituent notamment du fait de la remontée des cours de bourse, viendraient s’imputer les moins-values – sur ce plan, un encadrement existe dans le régime actuel –, ce qui permettrait d’échapper en partie à l’impôt.

Le régime en question constitue non pas un cadeau accordé aux groupes financiers, mais bien la mise en œuvre d’une mesure de compétitivité rendue indispensable pour éviter que les sièges des holdings ne désertent encore davantage notre territoire.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces trois amendements.

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