M. le rapporteur général a indiqué qu’il s’agissait non pas d’une perte de recettes, mais d’un manque à gagner : en définitive, cela pèse le même poids !
En outre, M. le ministre a mis en question la fiabilité des modalités de calcul. Or ce que nous demandons au travers de notre amendement, c’est bien une évaluation de la dépense fiscale. Si les chiffres annoncés sont exacts, cette dépense est énorme : 12 milliards d’euros en 2008, cela correspond à plus du tiers du produit net de l’impôt sur les sociétés la même année ; en 2009, le rendement de cet impôt s’est effondré… La crise a bon dos, mais les niches fiscales, très importantes en matière d’impôt sur les sociétés, jouent leur rôle !
À cet égard, je maintiens, monsieur le rapporteur général, qu’en Allemagne le taux de l’impôt sur les sociétés diffère selon que les bénéfices sont ou non réinvestis.
Cela étant, notre amendement n’a pas pour objet d’obtenir des justifications de votre part pour ce qui s’est passé lors de l’élaboration du collectif budgétaire de 2004. Certes, M. Copé était alors ministre délégué du budget et à la réforme de l’État, mais il ne parlait pas encore à l’époque, comme il le fait volontiers aujourd’hui, de « coproduction législative ». Votre amendement avait été sous-amendé par le Gouvernement pour lisser les effets de son dispositif dans le temps. Nous ne contestons pas que votre préoccupation était de maintenir l’attractivité de notre pays et d’éviter que les grands groupes n’implantent leur siège hors de nos frontières, avec les conséquences sur l’emploi que cela implique. Il est également exact que, en contrepartie de ce régime fiscal, une taxe exceptionnelle avait été instaurée, qui a rapporté 1, 4 milliard d’euros. Cependant, si l’on rapporte ce chiffre à celui de 20 milliards d’euros, le compte n’y est pas !
Il s’agit pour nous de soulever la question de la légitimité de cette niche fiscale. Nous proposons non pas d’abroger le dispositif actuel, mais de contenir la dépense fiscale afférente, en portant la quote-part représentative de frais et charges à incorporer dans les résultats soumis à l’impôt sur les sociétés de 5 % à 20 %, ce qui correspondrait à un taux d’impôt sur les sociétés de quelque 6, 8 %. Ce n’est tout de même pas démesuré !
Par ailleurs, nous proposons d’allonger la durée de détention des titres ouvrant le bénéfice de cette mesure d’exonération, en la faisant passer à cinq ans, afin de ne pas favoriser les opérations ne visant qu’à réaliser des plus-values rapides.
Comme le souligne souvent M. le président de la commission des finances, le groupe de travail appelé « G 24 », qui réunit des députés et des sénateurs avant chaque G 20, a condamné avec force le diktat du court terme. Notre amendement ne fait que reprendre cette position. D’ailleurs, il répond parfaitement au contexte actuel, dans la mesure où il prévoit également de ne plus faire bénéficier de ce régime fiscal les plus-values afférentes à des titres de sociétés constituées ou établies dans un territoire non coopératif ou à fiscalité privilégiée. On nous a affirmé que le dernier G 20 avait permis de grandes avancées en matière de lutte contre les paradis fiscaux, et des conventions ont été signées depuis sur ce thème. Monsieur le ministre, notre amendement s’inscrit donc bien dans le droit fil des décisions qui ont été prises lors du dernier G 20.
Certes, un différend nous oppose peut-être sur les chiffres, mais évaluons le coût de cette niche fiscale ! Nous ne demandons pas autre chose ! Je n’ai pas trouvé les chiffres que j’ai cités dans le magazine Marianne, mais sous la plume du président de la commission des finances de l’Assemblée nationale, dont on peut penser qu’il dispose d’une administration aussi compétente et efficace que celle du Sénat ! Il n’a rien inventé !
En conclusion, j’estime que, dans ce contexte, notre amendement se justifie pleinement.