Intervention de Philippe Marini

Réunion du 23 novembre 2009 à 14h45
Loi de finances pour 2010 — Article 4 bis etarticle additionnel après l'article 4 suite

Photo de Philippe MariniPhilippe Marini, rapporteur général de la commission des finances :

Il s’agit d’un amendement substantiel, que le président Jean Arthuis et moi-même présentons au Sénat. D’ailleurs, nous avons déjà pris position à plusieurs reprises sur la question en commission.

Nous observons qu’en période de crise, l’État – cela a été le cas l’an dernier – se comporte comme garant du bon fonctionnement du système financier. C’est bien l’État, en France comme ailleurs, qui a fait en sorte que la liquidité bancaire ne soit pas interrompue, que le marché interbancaire continue à fonctionner et que tout l’édifice du crédit demeure opérationnel au plus profond de la crise, notamment lors du paroxysme du mois d’octobre 2008.

Compte tenu de cette leçon récente, l’État est, nous semble-t-il, fondé à prélever sur le système bancaire une ressource que l’on pourrait assimiler à une prime d’assurance systémique. Dans notre esprit, l’État demeurerait son propre assureur selon le principe qui s’applique habituellement à lui, mais il serait encouragé dans l’exercice de cette responsabilité par cet abondement budgétaire.

À quel niveau situer ce dernier ? Par souci de continuité et de simplification administrative et fiscale, nous suggérons d’occuper toute la place qui est aujourd’hui celle de la taxe sur les salaires prélevée sur le secteur financier, c'est-à-dire 2, 4 milliards d’euros en 2007 ; c’est la dernière référence dont je dispose.

Pourquoi un tel remplacement ? Finalement, il s’agirait, si j’ose m’exprimer ainsi, d’une sorte de « swap » budgétaire. Nous considérerions au départ, et avant que le système n’évolue, que la somme annuelle de 2, 4 milliards d’euros – c’est la valeur de 2007 – est raisonnable par rapport aux enjeux de l’assurance systémique dont l’État est en charge. Cela serait d’autant plus opportun que la suppression de la taxe sur les salaires pesant sur le secteur financier permettrait sa suppression générale hors de ce secteur.

La taxe sur les salaires existe, mais elle est compensée. Elle bénéficie aux comptes de la sécurité sociale s’agissant de sa part prélevée, notamment sur des établissements d’hospitalisation, mais également sur différentes catégories d’établissements sociaux ou sanitaires.

Il serait donc possible de simplifier de manière importante notre système fiscal et d’y apporter plus de lisibilité. Ce faisant, nous veillerions à ne pas déplacer de charges entre le budget de l’État et celui de la sécurité sociale, mais les écritures réciproques entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale permettraient d’atteindre ce résultat.

Nous aurions donc, en quelque sorte, gagné sur les deux tableaux, d’une part, celui de l’affichage de la responsabilité de l’État à l’égard de l’économie et du système financier et, d’autre part, celui de la simplification du système fiscal.

Au-delà de ce principe, de nombreuses questions demeurent à traiter. Elles ne peuvent l’être que sur la base d’informations détaillées susceptibles de nous être apportées par un rapport. C’est pourquoi nous proposons, par cet amendement, que le Gouvernement élabore et remette un rapport avant le 30 juin 2010.

Comment apprécier le champ de la prime d’assurance systémique ? Quels critères précis seront retenus pour caractériser la taille, les activités et l’exposition aux risques des établissements qui seraient amenés à concourir à un tel financement ? En outre, quelle sera la répartition de la prime entre les établissements mis à contribution ? Quelle formule faut-il choisir ? Les fonds propres ? Une assiette mixte incorporant différents indicateurs ? Le produit net bancaire ? La prise en considération plus spécifique des actifs porteurs des risques les plus significatifs ?

Par ailleurs, faut-il, comme je l’indiquais, envisager la prime d’assurance systémique comme devant abonder le budget de l’État et permettre à celui-ci d’être son propre assureur ? Faut-il imaginer une entité spécifique, un fonds d’indemnisation, ce qui supposerait d’en définir les objectifs et les moyens ?

Enfin, dans la mise en œuvre de la répartition entre les établissements du secteur financier, quels seront les effets structurels, ceux de répartition et comment imaginer l’impact du dispositif sur l’évolution du secteur financier français ?

Nous croyons beaucoup à cette orientation, mais bien des éléments manquent pour construire aujourd’hui un dispositif opérationnel.

Je terminerai en rappelant que la commission des finances du Sénat avait suggéré à l’époque, s’appuyant sur le rapport d’Alain Lambert, la disparition de la taxe sur les salaires. C’est l’un des impôts les plus archaïques de notre système fiscal, mais c’est un impôt dont le rendement est loin d’être négligeable, plus spécifiquement en ce qui concerne le secteur financier.

Ce serait une heureuse opportunité de lier les deux sujets. C'est la raison pour laquelle nous avons élaboré un tel amendement.

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