Intervention de Nicole Bricq

Réunion du 23 novembre 2009 à 14h45
Loi de finances pour 2010 — Article 5

Photo de Nicole BricqNicole Bricq :

Nous abordons un point qui constitue l’innovation fiscale de ce projet de loi de finances : l’introduction d’une taxe carbone, qui, comme nous le verrons, n’a rien à voir avec la contribution climat-énergie définie à l’issue du Grenelle de l’environnement. Cela mérite, il me semble, que l’on s’y attarde un peu avant d’entamer l’examen des amendements.

Je voudrais rappeler que le groupe socialiste a beaucoup travaillé sur ce sujet et qu’il a été l’un des premiers groupes de notre assemblée à proposer l’instauration d’une contribution climat-énergie.

Nous avons notamment participé au travail mené par Mme Fabienne Keller, notre collègue de la commission des finances. Son rapport, auquel nous avons beaucoup contribué et que nous avons fort apprécié, constituait une bonne base de départ. Je profite d’ailleurs de l’évocation de ce dossier pour saluer également le travail des administrateurs de cette commission.

Malheureusement – et c’est là le problème –, on peut se demander comment, à partir de l’enjeu formidable que constitue le défi climatique, d’un objectif reconnu par tous, d’une idée intéressante, l’introduction d’une fiscalité nouvelle, qui nous donnait l’occasion de revoir complètement notre architecture fiscale, comme nos collègues du groupe CRC-SPG l’ont justement souligné, le Gouvernement est parvenu à transformer de l’or en plomb et à gâcher cette bonne idée ?

La réponse qu’il apporte n’est effectivement pas du tout à la hauteur de l’enjeu climatique. En outre, elle risque – je crois même que c’est déjà la réalité – d’être considérée par les Français comme la simple création d’un impôt supplémentaire, qui vient s’ajouter à la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP.

L’examen des amendements nous permettra de discuter de tout cela, mais nous pouvons d’ores et déjà signaler plusieurs points.

Tout d’abord, l’adoption d’un signal-prix dès le départ peu élevé et l’absence de prévisibilité quant à sa progression dans les prochaines années ne laissent aucun doute sur le fait que cette taxe, telle que le projet de loi de finances la définit, ne donnera aucun signal au monde économique et ne garantit aucune efficacité écologique.

Par ailleurs, l’absence de prise en compte du revenu comme élément essentiel des critères de la compensation financière pour les ménages conduit les gens à penser que c’est sur les riches que cet impôt pèsera le moins. Vous le savez très bien, mes chers collègues, la part des dépenses énergétiques, pour le chauffage, le transport, etc., n’est pas la même, en poids relatif, dans un budget contraint et dans un budget aisé. Cela est d'ailleurs prouvé par les études du Centre d’analyse stratégique.

En outre – nos collègues du groupe CRC-SPG y ont fait allusion –, au moment où le Gouvernement prive les collectivités locales de leur recette principale, la taxe professionnelle, il prévoit des compensations pour tout le monde, notamment pour les entreprises, mais n’en prévoit pas pour ces mêmes collectivités locales.

C’est parfaitement incompréhensible dans la mesure où ce sont elles qui assurent le plus gros de l’investissement écologique. Éco-quartiers, équipements à basse consommation énergétique… : il n’est pas un jour sans qu’une collectivité locale, qu’il s’agisse d’une région, d’un département, d’une intercommunalité ou d’une commune, engage des dépenses pour réduire la facture énergique, ces investissements étant, qui plus est, de nature à soutenir l’activité économique.

Il est vraiment regrettable que nous en arrivions simplement à créer un impôt supplémentaire qui pèsera sur les ménages, compte tenu des nombreuses exonérations qui ont déjà été voulues par le Gouvernement et votées à l’Assemblée nationale. Chacun se présente effectivement au guichet pour demander son exonération et on fait de cet impôt, dont l’assiette est déjà très réduite, l’électricité en étant exclue, un gruyère !

Madame la ministre, tel que vous l’avez conçu, tel que le Gouvernement l’a conçu, ce bébé aura du mal à vivre. Nous essaierons, par nos amendements, de l’aider à vivre et de faire en sorte qu’il corresponde à l’objectif d’efficacité affiché.

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