Intervention de Daniel Gremillet

Réunion du 3 décembre 2019 à 21h30

Photo de Daniel GremilletDaniel Gremillet :

Monsieur le ministre, deux domaines stratégiques pour notre pays, s’inscrivant dans le long terme, relèvent de votre portefeuille : la nourriture et la forêt.

S’agissant de la nourriture, votre responsabilité s’exerce tant en France qu’au sein de l’Union européenne. Je partage complètement les propos qu’ont tenus l’ensemble des rapporteurs. Nous avions le rendez-vous de l’exigence ; il est manqué !

La France est exigeante en matière de qualité des produits et d’évolution des pratiques de l’agriculture doit évoluer pour répondre aux attentes sociétales. Pour que notre agriculture puisse réussir dans l’ensemble de nos territoires, il était indispensable de prendre des mesures d’adaptation et de construire un budget permettant de financer la recherche et les innovations nécessaires. Or – j’y insiste, monsieur le ministre – le rendez-vous est complètement manqué !

Parallèlement, dans le cadre du programme de recherche Horizon Europe, l’Union européenne est en train de décider de diminuer de 264 millions d’euros l’enveloppe de crédits dévolue à la recherche agricole. D’un côté, donc, les investissements européens décroissent ; de l’autre, la France, qui impose à ses agriculteurs des contraintes supplémentaires, n’est pas au rendez-vous. Pendant ce temps, partout à travers le monde, nos concurrents adoptent des stratégies offensives et accordent à leur agriculture des moyens budgétaires supplémentaires, parce qu’ils veulent donner envie à leurs paysans de conquérir des marchés et de garantir la sécurité alimentaire.

Par ailleurs, monsieur le ministre, comment pouvez-vous imaginer que les agriculteurs vont pouvoir garantir à notre pays la sécurité alimentaire en assumant seuls le financement du système assurantiel ? C’est absolument impossible ! Certes, les paysans doivent contribuer, comme c’est le cas actuellement pour la DPA, la déduction pour aléas, ou pour le régime des calamités agricoles, mais quand ils apportent un, l’État met un. Il est inconcevable que la sécurité alimentaire relève de la seule responsabilité des paysans. Il est normal que la solidarité nationale et la solidarité européenne y contribuent.

La forêt est également une richesse assez exceptionnelle de notre pays, monsieur le ministre. La France dispose d’atouts formidables, mais la situation sanitaire de notre forêt est aussi mauvaise, pour ne pas dire pire, qu’elle ne l’était à la suite de la tempête de 1999.

Le rendez-vous à ne pas manquer est surtout celui des moyens à consacrer à une politique de développement et de reconquête, permettant à la forêt française de s’adapter aux nouvelles exigences. Ce rendez-vous est stratégique, parce qu’il y a des emplois et des investissements en jeu.

Monsieur le ministre, on ne peut pas balayer le problème d’un revers de main en disant qu’il appartient aux régions de jouer leur rôle, d’accompagner le secteur forestier dans la crise qu’il traverse. Certes, les régions ont un rôle à jouer, mais la solidarité nationale doit s’exercer.

Il faut également que l’Europe se saisisse enfin du dossier forestier. Elle ne peut pas rester spectatrice et dire à la France qu’elle n’a pas le droit d’intervenir parce que ce serait anticoncurrentiel ! Il importe que l’Europe ait une stratégie forestière : l’enjeu est devenu sociétal et économique au niveau communautaire.

Mon père m’a appris que ce n’est pas quand la charrette est renversée qu’il faut déterminer où il fallait passer. La tâche du Sénat est de vous aider à trouver le bon chemin, monsieur le ministre. Ceux qui voudraient balayer d’un revers de main les expérimentations et le travail du comité de suivi de la loi Égalim se trompent. Tout comme vous, nous y croyons, nous voulons que le revenu des paysans augmente, mais nous savons que des adaptations restent nécessaires. Ayons le courage d’agir, évitons de renverser la charrette !

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