Nous sommes à un moment important, puisque l’introduction d’une fiscalité carbone dans notre architecture générale fiscale est la seule innovation que nos finances auront enregistrée depuis vingt ans, depuis la création par Michel Rocard de la contribution sociale généralisée.
Le groupe socialiste du Sénat a été précurseur, en présentant à plusieurs reprises, lors de l’élaboration du budget annuel, l’instauration d’une taxe carbone, même si elle était imparfaite. Nous avons d’ailleurs toujours voulu qu’une partie du produit de cette taxe soit affectée d’une certaine manière aux collectivités, pour les encourager à poursuivre leurs investissements à la fois dans le domaine du logement et dans celui du transport.
Nous sommes malgré tout très déçus par les modalités d’introduction de la contribution carbone. J’ai rappelé notre proposition du printemps, notre participation au groupe de travail mis en place par la commission des finances et mené par notre collègue Mme Keller, que nous avons soutenue à plusieurs reprises dans le débat. À l’arrivée, je pense que, pour reprendre la formule qu’avait utilisée le rapporteur général, nous aboutissons finalement à une taxe additive à la taxe intérieure sur les produits pétroliers.
Il ne s’agit pas dans notre esprit de favoriser l’inflation fiscale que le ministre du budget, du reste, reproche trop souvent aux collectivités locales. Nous pensions simplement doter la puissance publique d’une arme efficace dans la lutte contre le réchauffement climatique.
Or, le tarif applicable est peu élevé, vous n’avez pas accepté d’en fixer le cap pour l’avenir, l’assiette retenue est très étroite, et, comme nous allons le voir lors de l’examen de l’article 6, la compensation qui est prévue pour les ménages modestes me semble particulièrement injuste.
Nous avons également débattu des exonérations pour certains secteurs. Nous, les sénateurs socialistes, avons toujours affirmé que certains secteurs structurellement en difficulté – c’est vrai pour le transport, pour une partie de l’agriculture et pour la pêche – pourraient souffrir de telles mesures. Nous aurions donc préféré, à la place du mécanisme d’exonérations ex ante retenu, prévoir un système de compensations permettant d’aider ces secteurs à se moderniser. Tel n’est pas le cas.
Nous ne voyons pas comment la contribution énergie carbone telle que vous l’avez définie pourra accompagner la mutation énergétique. C’est vrai pour les ménages, et c’est vrai pour les secteurs qui sont structurellement en difficulté.
Au final, cette nouvelle taxe se résume à un impôt ménages, puisque ce sont ces derniers qui paieront 60% de la contribution énergie carbone. Cette part dépasse largement l’équilibre qui aurait été souhaitable entre ménages et entreprises, surtout compte tenu de l’allègement général qui a été voté par la suppression de la taxe professionnelle.
Nous sommes à la veille de la conférence de Copenhague sur le réchauffement climatique, dont on sait qu’elle va être difficile, et dont le succès n’est pas assuré.
La France a proposé conjointement avec le Brésil une taxation de 0, 01 % des transactions financières pour aider les pays les plus en difficulté à apporter eux aussi leur contribution à la procédure de Copenhague. C’est une bonne initiative, mais la position de la France serait d’autant plus forte si elle avait mis en place une taxe carbone volontaire et ambitieuse.
En raison de la mauvaise qualité des modalités retenues pour la contribution carbone, nous ne pourrons pas voter l’introduction de cette novation fiscale.