C'est comme d'habitude un grand plaisir pour moi d'être parmi vous. Nous sommes en période de gel, mais aussi de dégel... c'est plutôt ce dernier que nous attendons pour être dans les eaux de la LPM. Je voudrais utiliser l'exemple de la frégate Jean Bart pour illustrer les enjeux que rencontre la Marine en matière de taux d'engagement opérationnel, de dangers, de valeur des marins, d'effectifs, d'obsolescence des moyens et de partenaires...
Le Jean Bart est déployé dans le détroit d'Ormuz. Pourquoi ? Vous le savez, cette zone a été le théâtre d'attaques dont certaines n'ont pas été attribuées : sabotages de quatre tankers au mouillage de Fujaïrah en mai, agression de deux tankers en route dans le détroit d'Ormuz en juin, destructions de drones dont un américain en juillet. Cela faisait suite à des attaques assez sophistiquées sur des bateaux militaires et civils au sud de la mer Rouge, et à l'arraisonnement de plusieurs tankers, dont un britannique par les Iraniens le 19 juillet.
Le Jean Bart a donc une mission de sécurité maritime - il doit pouvoir accompagner des bâtiments militaires ou civils français qui traversent le détroit -, mais aussi de connaissance et d'anticipation : voir ce qui se passe et être capable de rendre compte, afin de disposer d'une autonomie d'appréciation de situation.
Ces patrouilles ont commencé à l'été, avec la Provence, frégate multi-missions (FREMM) qui a été détachée de l'escorte du Charles de Gaulle à la fin de la mission Clemenceau, et qui a donc fait un mois de mer supplémentaire avant d'être relayée par le Surcouf, puis par le Jean Bart. Nous avons donc ajusté le programme d'environ cinq cents marins pour remplir cette mission de sécurité maritime et d'appréciation de situation.
Le Jean Bart est une frégate de premier rang. Il est doté d'un système antiaérien et antimissile SM1. Ce système de lutte antiaérienne et antimissile est entré en service en 1967 et a été construit jusqu'en 1987 ; il a été retiré de l'US Navy en 2003 et restera en service sur le Jean Bart jusqu'en 2021. Ce sont les missiles Aster qui lui succèdent sur les frégates plus récentes.
Le Jean Bart a des capacités radar et de guerre électronique très performantes. Mais son système d'armes, c'est aussi son équipage... Alors qu'une FREMM compte une centaine de marins, le Jean Bart compte quant à lui 220 marins de 49 spécialités. Leur moyenne d'âge est de 28,7 ans, le plus jeune marin a 17 ans et le plus âgé, 55 ans. Le bateau a actuellement 7 % de « trous » : 16 marins ne sont pas à bord. Cela peut fonctionner sur un équipage de 220, mais ce ne serait pas possible sur une FREMM.
À ces trous, il faut ajouter des distorsions qualitatives : sept postes d'experts, normalement détenus par des titulaires d'un brevet de maîtrise, sont occupés par des techniciens supérieurs, qui n'ont pas encore acquis le brevet de maîtrise. De même, deux postes de techniciens supérieurs sont occupés par des opérateurs.
Le bateau totalise 156 jours d'absence, chiffre bien au-delà de la moyenne. Le record à bord est détenu par le commissaire qui a eu 265 jours d'absence au cours de la dernière année. Avant d'être sur le Jean Bart, il naviguait sur le Charles de Gaulle.