Après l'air et l'espace, nous plongeons maintenant dans les océans. Amiral, soyez le bienvenu. Nous sommes attentifs à l'exécution de la loi de programmation militaire (LPM) ; nous le serons alors que commence la période des gels et annulations. Nous avons l'oeil sur les 420 millions d'euros bloqués en réserve, et sur les 400 millions d'euros de surcoûts liés aux opérations extérieures (Opex) qui doivent être financés en interministériel.
Pour la Marine, la modernisation des équipements est en route, certes sur un rythme lent. J'ai eu la chance de voir le sous-marin Suffren... Est-il à flot ?
Le programme se déroule de manière normale et le Suffren pourra conduire ses essais à la mer début 2020.
Je pense aussi aux Atlantique 2 rénovés, aux missiles Aster, aux hélicoptères Caïman qui seront livrés en 2020. Avez-vous des inquiétudes sur l'exécution de la LPM ; les promesses seront-elles tenues ?
Les enjeux relatifs aux ressources humaines nous mobilisent. La Marine a été la première à passer sur le logiciel de paie « Source-solde » : nous nous intéressons donc au Retex : nous avons de mauvais souvenirs de Louvois. Comment se passe le doublement des équipages ? Enfin, comment lutter contre les problèmes de recrutement qui touchent très durement les micro-spécialités de la marine, en concurrence avec les recruteurs privés ? La prime de lien au service sera-t-elle suffisante pour les fidéliser ?
Enfin, y voyez-vous plus clair sur le porte-avions de nouvelle génération, dossier qui sera sur la table du Président de la République en 2020 ? Le Sénat suit ce dossier de près. L'état d'avancement du système de combat aérien du futur (SCAF) vous inquiète-t-il ? Il est légitime d'être inquiet lorsqu'on entend ce que disent certains collègues du Bundestag...
C'est comme d'habitude un grand plaisir pour moi d'être parmi vous. Nous sommes en période de gel, mais aussi de dégel... c'est plutôt ce dernier que nous attendons pour être dans les eaux de la LPM. Je voudrais utiliser l'exemple de la frégate Jean Bart pour illustrer les enjeux que rencontre la Marine en matière de taux d'engagement opérationnel, de dangers, de valeur des marins, d'effectifs, d'obsolescence des moyens et de partenaires...
Le Jean Bart est déployé dans le détroit d'Ormuz. Pourquoi ? Vous le savez, cette zone a été le théâtre d'attaques dont certaines n'ont pas été attribuées : sabotages de quatre tankers au mouillage de Fujaïrah en mai, agression de deux tankers en route dans le détroit d'Ormuz en juin, destructions de drones dont un américain en juillet. Cela faisait suite à des attaques assez sophistiquées sur des bateaux militaires et civils au sud de la mer Rouge, et à l'arraisonnement de plusieurs tankers, dont un britannique par les Iraniens le 19 juillet.
Le Jean Bart a donc une mission de sécurité maritime - il doit pouvoir accompagner des bâtiments militaires ou civils français qui traversent le détroit -, mais aussi de connaissance et d'anticipation : voir ce qui se passe et être capable de rendre compte, afin de disposer d'une autonomie d'appréciation de situation.
Ces patrouilles ont commencé à l'été, avec la Provence, frégate multi-missions (FREMM) qui a été détachée de l'escorte du Charles de Gaulle à la fin de la mission Clemenceau, et qui a donc fait un mois de mer supplémentaire avant d'être relayée par le Surcouf, puis par le Jean Bart. Nous avons donc ajusté le programme d'environ cinq cents marins pour remplir cette mission de sécurité maritime et d'appréciation de situation.
Le Jean Bart est une frégate de premier rang. Il est doté d'un système antiaérien et antimissile SM1. Ce système de lutte antiaérienne et antimissile est entré en service en 1967 et a été construit jusqu'en 1987 ; il a été retiré de l'US Navy en 2003 et restera en service sur le Jean Bart jusqu'en 2021. Ce sont les missiles Aster qui lui succèdent sur les frégates plus récentes.
Le Jean Bart a des capacités radar et de guerre électronique très performantes. Mais son système d'armes, c'est aussi son équipage... Alors qu'une FREMM compte une centaine de marins, le Jean Bart compte quant à lui 220 marins de 49 spécialités. Leur moyenne d'âge est de 28,7 ans, le plus jeune marin a 17 ans et le plus âgé, 55 ans. Le bateau a actuellement 7 % de « trous » : 16 marins ne sont pas à bord. Cela peut fonctionner sur un équipage de 220, mais ce ne serait pas possible sur une FREMM.
À ces trous, il faut ajouter des distorsions qualitatives : sept postes d'experts, normalement détenus par des titulaires d'un brevet de maîtrise, sont occupés par des techniciens supérieurs, qui n'ont pas encore acquis le brevet de maîtrise. De même, deux postes de techniciens supérieurs sont occupés par des opérateurs.
Le bateau totalise 156 jours d'absence, chiffre bien au-delà de la moyenne. Le record à bord est détenu par le commissaire qui a eu 265 jours d'absence au cours de la dernière année. Avant d'être sur le Jean Bart, il naviguait sur le Charles de Gaulle.
On peut consentir un tel effort une année, mais pas le répéter.
Revenons à la mission du Jean Bart. Sa chaîne de commandement est nationale : le bâtiment est sous les ordres du chef d'état-major des armées à Paris et est localement sous le contrôle opérationnel d'ALINDIEN, c'est-à-dire l'amiral commandant la zone maritime de l'Océan Indien, installé à Abu Dhabi.
Le Jean Bart échange toutefois en permanence avec des bateaux alliés : si un bateau détecte un missile, il le signale sur un réseau de données protégé et partagé avec d'autres forces navales. Le Jean Bart agit en soutien de la Combined Task Force 150 qui lutte depuis une vingtaine d'années contre les trafics dans la région. Il y a deux semaines, il a ainsi repéré un boutre à l'attitude suspecte. Il a transmis l'information au Montrose, frégate britannique, qui après l'avoir visité, y a trouvé 180 kilos d'héroïne et de méthamphétamine. Sa mission nationale est donc évidemment compatible avec des opérations conduites avec nos alliés.
Outre le Montrose, d'autres navires européens sont en effet présents dans le nord de l'océan Indien : le bâtiment espagnol Canarias et l'italien Marceglia patrouillent dans le golfe d'Aden dans le cadre de l'opération Atalante, commandée depuis Rota.
Dans le détroit d'Ormuz, il faudrait idéalement deux frégates au lieu d'une, ce qui assurerait une permanence. Nous avons déjà une capacité de commandement à Abu Dhabi. La liaison avec le monde du shipping civil se fait avec le MICA Center (Maritime Information Cooperation and Awareness) basé à Brest. Par cet intermédiaire, les navires civils peuvent interagir avec les bâtiments militaires européens qui transitent dans la zone.
L'exemple du Jean Bart illustre la tension sur les effectifs, ou la présence d'équipements vieillissants dans la Marine, mais aussi l'importance de partenariats stratégiques comme celui avec les Émirats, et les progrès de la défense européenne avec la coopération avec les Britanniques, les Italiens et les Espagnols.
Monsieur le président, c'est vous qui m'avez le premier, l'année dernière, demandé de commenter une vidéo - il s'agissait du défilé de la marine chinoise. Je vous commenterai cette année le dernier déploiement du Charles de Gaulle, la mission Clemenceau. Parti au mois de mars de Toulon, le groupe aéronaval est rentré en juillet après être allé jusqu'à Singapour. En Méditerranée, il a frappé Daech lors de la bataille de Baghouz?; il est allé dans le golfe d'Oman pour un exercice de lutte anti-sous-marine avec des Australiens et des Américains?; il a participé au grand exercice annuel Varuna avec nos partenaires indiens - le plus grand que nous ayons organisé, avec des exercices porte-avions contre porte-avions et sous-marin contre sous-marin et des dimensions guerre des mines et forces spéciales?; il a participé à l'exercice La Pérouse dans le golfe du Bengale avec des bâtiments australiens, américains et japonais?; il a ensuite fait escale à Singapour pendant les dialogues du Shangri-La et participé à des exercices avec l'armée de l'air singapourienne, tandis qu'une des frégates l'accompagnant allait patrouiller en mer de Chine méridionale.
Quand j'étais avec le président Larcher au Koweït, le général américain LaCamera nous a dit combien il était admiratif du travail mené par le groupe aéronaval et le Charles de Gaulle au sein de la coalition.
Ce général dirigeait les opérations de frappe contre Daech pendant la bataille de Baghouz.
Le Charles de Gaulle était accompagné des frégates Forbin et Duncan, l'une française, l'autre britannique, toutes deux bâtiments de lutte anti-aérienne conçus dans le cadre du programme Horizon. Elles sont dotées d'un radar de conduite de tir, installé en haut du mât pour diriger les missiles. Une frégate danoise était aussi du déplacement, car la mission Clemenceau était européenne, avec le Charles de Gaulle comme fédérateur. Enfin, vous pouvez voir un navire américain, Arleigh Burke, qui dispose de 90 missiles en soute contre 30 pour les nôtres.
À l'arrière du Forbin et du Duncan, un radar de longue portée complète un autre radar à vision plus fine, permettant un meilleur guidage des missiles.
Le porte-avions peut recevoir sur son pont 30 avions Rafale, un hélicoptère NH90 et des avions radars Hawkeye E-2C qui seront bientôt remplacés par les E-2D, dont la commande figure dans le budget 2020. Un rail permet de catapulter ces avions grâce à un piston à vapeur qui fait décoller en deux secondes un avion de 25 tonnes. Les porte-avions américains ont des capacités de catapultage encore plus importantes.
Les mâts du Forbin sont équipés d'antennes munies de capteurs électroniques pour détecter les radars. Les frégates des années 70, comme le Latouche-Tréville, ont une signature radar beaucoup plus importante et une silhouette peu épurée.
La frégate multi-missions est dotée d'un radar Herakles qui tourne très vite, car il sert tout à la fois à détecter et à guider les missiles. C'est avec ce bateau que nous avons réussi à détecter et intercepter un missile supersonique dans le cadre de l'exercice de l'OTAN Formidable Shield, en mai dernier.
Nous disposons aussi d'un sonar qui peut être remorqué à plusieurs centaines de mètres de profondeur, et qui peut émettre des ondes sonores à très basses fréquences pour détecter des sous-marins très éloignés. C'est le meilleur sonar du monde.
Thalès.
À l'image, vous pouvez voir le pétrolier ravitailleur Marne ravitaillant simultanément le Charles de Gaulle et une frégate. Ce pétrolier peut délivrer plusieurs centaines de mètres cubes par heure et ravitailler jusqu'à trois navires en même temps.
Non, mais cela va venir sur les nouvelles classes de ravitailleurs (BRF). Le savoir-faire en matière de ravitaillement à la mer a été développé dans le cadre de l'OTAN. Le ravitaillement concerne aussi les vivres et le matériel, munitions et pièces de rechange.
Les avions de patrouille maritime que nous vous montrons ont opéré notamment à Niamey et à N'Djamena. Ils peuvent accompagner le Charles de Gaulle et sont spécialisés dans la lutte anti-sous-marine.
Le sous-marin nucléaire d'attaque (SNA) qui faisait partie de la mission jusqu'en Inde est doté d'une antenne d'écoute de 600 mètres de long, à l'arrière. Elle comporte des microphones permettant des détections à des centaines de kilomètres.
La frégate portugaise Corte Real était aux côtés du Charles de Gaulle pendant les frappes sur Daech. La frégate danoise Niels Juel a la particularité d'être équipée d'un radar à plaques qui détecte par rotation électronique sur 360 degrés simultanément, sans tourner physiquement. C'est l'avenir, car ce type de radar est nécessaire pour détecter des missiles hypersoniques. Elle est aussi dotée d'antennes de guerre électronique.
Le CEMM poursuit son commentaire du film : et parle du Rafale Marine, capable d'emporter des missiles ASMP-A : nous venons de fêter les 40 ans de la force aéronavale nucléaire, opérée depuis le porte-avions.
Le CEMM parle ensuite du commandant du porte-avions en expliquant qu'il faut 23 ans pour le former, à travers de nombreux postes qualifiants, notamment des commandements, et une formation d'ingénieur atomicien.
Au nom de mes collègues, je vous remercie pour votre présentation, très dynamique.
Mes questions touchent à la politique de la marine nationale. Est-ce que le nouveau logiciel Source Solde est satisfaisant ? De quelle amplitude disposez-vous en matière d'hébergement des marins, notamment dans les zones tendues comme Toulon ? La loi de programmation militaire prévoit-elle des investissements suffisants ?
Vous vous êtes fixé un objectif de doublement des équipages sur les frégates multi-missions, soit 900 marins supplémentaires. Cela suppose des redéploiements et de la formation. Qu'en est-il ?
Comment se déroule votre plan de recrutement en 2019 ? Y a-t-il des spécialités sous tension ? Avez-vous prévu des partenariats avec le privé pour le recrutement dans certaines spécialités, notamment le nucléaire ?
Ma question portait sur la fidélisation et les primes. Elle a déjà été posée.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique fait beaucoup parler de lui. Nous connaissons la vétusté des Alouette et des Lynx, et les difficultés rencontrées dans le soutien industriel du Panther. Des améliorations ont-elles été constatées depuis la mise en place de la direction de la maintenance aéronautique ? Vos besoins ont-ils été entendus ? Le MCO naval paraît plus satisfaisant, mais va connaître une révolution avec la mise en service du Barracuda. Le Suffren, premier SNA de ce type, a rejoint en juin dernier son dispositif de mise à l'eau pour prendre le relais des sous-marins d'ancienne génération. La chaîne de MCO est-elle en place ?
La disponibilité technique reste préoccupante outre-mer, malgré la livraison de six nouveaux patrouilleurs. Les matériels neufs sont de gros consommateurs de MCO lors des mises en service. Comment évoluera la disponibilité technique opérationnelle (DTO) outre-mer ?
Il existe déjà des bâtiments à double équipage : l'ensemble des sous-marins, les bâtiments multimissions, les bâtiments de soutien logistique outre-mer... D'autres bâtiments seront-ils dotés d'un double équipage en 2020 ?
La réforme améliore la prévisibilité des programmes d'activité des marins et permet d'augmenter de 120 à 180 le nombre de jours en mer par an des bateaux. Nous nous en félicitons, mais cela suffit-il à nous faire remonter au niveau des standards d'entraînement internationaux ?
Le faible stock de munitions complexes n'empêche-t-il pas nos marins de bénéficier d'une préparation opérationnelle complète ?
Enfin, l'effet induit évident est l'augmentation des besoins de maintien en condition opérationnelle. Cette hausse sera-t-elle financée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020 et tout au long de la LPM ?
Le PLF prévoit un effort significatif sur les renseignements d'origine électromagnétique et la surveillance aérienne.
Pourriez-vous nous donner la date de livraison des nouveaux Hawkeyes et des deux ATL2 ? Quel gain cette livraison permettra-t-elle ?
Nous devrions recevoir deux NH90 en 2020. Or il semblerait que l'Allemagne ait constaté des problèmes sur les rotors. Sommes-nous également concernés ?
Enfin, est-il exact que la frégate que nous avons déployée au large de Chypre, notamment dans le cadre du forage par les Turcs d'un certain nombre de puits de pétrole, a dû être enlevée du large de la Syrie ? Dans ces conditions, notre capacité opérationnelle est-elle suffisante dans la région ?
Après l'importante commande de chasseurs de mines, y a-t-il de nouvelles perspectives de coopération avec les Marines belge et néerlandaise ?
Plus largement, avons-nous des projets de coopération ? Si oui, avec quels pays ?
Pouvez-vous nous confirmer que les Chinois sont en train de construire une usine de production « en série » pour leurs porte-avions ? Pensez-vous qu'ils soient en capacité de rattraper les États-Unis ?
Quelle est votre analyse de la situation à Chypre ? Je pense notamment aux forages dans le bloc 7 de la zone économique exclusive.
Peut-on considérer que la présence de notre Marine nationale et les accords avec les Marines de nos pays alliés soient suffisants compte tenu des enjeux sécuritaires ? Pourriez-vous nous donner des détails sur la part du naval dans les études amont ? Pourriez-vous, enfin, nous dire quelques mots sur l'aventure du Vendémiaire en mer de Chine ?
Où en sommes-nous en matière de drones aéromaritimes ? Le financement du démonstrateur est-il bien prévu pour 2020 ?
Nos forces spéciales, notamment nos commandos de Marine, sont régulièrement projetées sur de nombreux théâtres d'opérations, dans la plus grande discrétion. Ces hommes sont rompus à toutes les techniques de combat et participent activement à la lutte contre le terrorisme.
Voilà quelques mois, vous avez annoncé souhaiter procéder à une réorganisation des commandos de Marine, en leur attribuant une double compétence, en matière de neutralisation et de libération d'otages. Allez-vous mener cette réorganisation à effectifs constants ou, au contraire, augmenter l'effectif de ces commandos ?
Le passé naval militaire de la France et de l'Italie a permis le mariage de Naval Group et de Fincantieri, alors que les relations politiques entre les deux pays étaient très difficiles. L'essentiel de l'activité de la société ainsi créée portera sur les corvettes et les frégates. C'est dans ce domaine que la concurrence est la plus forte au plan international : alors que les Américains étaient les premiers constructeurs et exportateurs voilà encore trois ans, ils ont été dépassés en 2018 par les Chinois, qui seront eux-mêmes dépassés, en 2020, par les Russes, eux aussi très offensifs.
Le mariage de Naval Group et de Fincantieri est un mariage d'intelligence : il permettra de conserver notre avancée technologique, la France étant leader européen dans le domaine des frégates et l'Italie troisième, derrière l'Allemagne.
Cependant, sera-t-il suffisant ? Il faut construire en quantité. Or, pour ce faire, il faudrait quasiment un Airbus naval. N'oublions pas qu'Airbus a commencé par un groupement d'intérêt économique entre la France et l'Allemagne, rejointes, dans un second temps seulement, par les Anglais et les Espagnols. Ne faudrait-il pas aller plus loin ?
La loi de programmation militaire prévoit le renouvellement des patrouilleurs de la Marine nationale, dont l'acquisition de six navires destinés à l'outre-mer. Dans le cadre du programme Batsimar, dont le lancement a été constamment reporté depuis plus de dix ans, il était initialement prévu de remplacer les patrouilleurs P400 et les avisos A69 par un seul type de navires. Mais, pour des raisons de coût, cette approche a été abandonnée.
En 2017, vous avez déclaré devant les députés que vous proposiez « de déployer outre-mer des bateaux deux à trois fois moins chers, pour les avoir plus vite » et que vous étiez « donc prêt à échanger du niveau de spécification contre un raccourcissement des délais ». Où en êtes-vous dans cette recherche du meilleur rapport prix-délai de livraison ?
Avant de vous donner la parole, Amiral, je vous rappelle ma question sur le porte-avions de nouvelle génération : quels seront le calendrier et le tuilage avec le Charles de Gaulle ? Quid du système de propulsion ?
Nous devons prévoir une admission au service actif du premier porte-avions de nouvelle génération en 2038. Le Charles de Gaulle arrivera alors en fin de vie, quarante ans après que ses chaufferies nucléaires auront été mises en fonction. Il est possible que l'on soit dans l'obligation technique de le retirer du service actif à cette date.
Sur ce futur porte-avions, il y a aura toujours des Rafale - on sait qu'un Rafale pèse 25 tonnes quand il est chargé d'armes. Concernant le SCAF, les études menées actuellement évoquent une trentaine de tonnes. Comment faire pour catapulter un tel avion ? Il existe aujourd'hui des catapultes électromagnétiques, d'ores et déjà utilisées par les porte-avions américains et en passe de l'être par les porte-avions chinois. Ces catapultes, qui mesurent 90 mètres de long, permettent de catapulter des avions très lourds, d'une trentaine de tonnes, en n'éprouvant pas trop leur structure, mais aussi des objets beaucoup plus petits, comme des drones.
De combien d'avions avons-nous besoin et pour quelles situations ? Actuellement, il y a jusqu'à 30 Rafale sur le Charles de Gaulle. On estime que c'est cohérent aujourd'hui dans tous les scénarios, qu'il s'agisse de mener des frappes massives ou d'exercer le contrôle sur un espace maritime. Le nombre d'avions et leur taille permettent de connaître la taille du pont et le tonnage du bateau. Les avions étant plus gros, on comprend aisément que le tonnage du futur porte-avions devra être supérieur aux 42 000 tonnes du Charles de Gaulle.
Avec quelle source d'énergie faire avancer un tel bateau ? Des études très poussées sont conduites sur le choix du type de propulsion, nucléaire ou classique. On sait que l'énergie classique permet de faire naviguer très rapidement les grands paquebots d'aujourd'hui, ceux qui transportent 4 000 passagers, alors qu'ils pèsent 100 000 tonnes. Une propulsion nucléaire présente par ailleurs des avantages indéniables en termes d'emploi et d'autonomie.
Enfin, il nous faut prendre en compte l'enjeu de la pérennisation de notre savoir-faire en matière de propulsion navale nucléaire, de manière à pouvoir concevoir une nouvelle chaufferie et la réaliser.
Autant de questions que nous devons nous poser pour avoir une vision éclairée du dossier et une idée du coût.
La Marine est passée à Source Solde au mois de mai dernier. Depuis, tout va bien : les quelque 10 000 changements d'affectation prononcés entre juin et août ont été intégrés dans le calculateur. Cette période de bouchons est la plus compliquée ! car des retards obligent à des calculs rétroactifs. Or tout s'est bien passé. C'est un bon signe !
C'est pour moi un motif de satisfaction. Je mesure l'effort considérable qui a été réalisé par les services du ministère et de la Marine.
Entre 2019 et 2025, les investissements en matière d'hébergement s'élèveront à 1 milliard d'euros pour l'ensemble du ministère et à 118 millions d'euros pour la seule Marine. En 2020, un effort particulier sera consenti pour la base aéronautique navale de Hyères, la base de la force des fusiliers marins et commandos de Lorient et le Pôle écoles Méditerranée à Saint-Mandrier, pour renouveler environ 225 places d'hébergement. Nos besoins sont pris en compte - dans la même mesure, d'ailleurs, que les autres besoins du ministère en la matière. J'en suis très satisfait.
J'en viens à l'attractivité et au recrutement. Voilà vingt ans que l'on diminue nos effectifs. Quand je suis entré dans la Marine, il y avait 70 000 marins, dont 10 000 appelés, soit 60 000 engagés. Aujourd'hui, ils sont 40 000 ! Autrement dit, en quarante ans, nous avons perdu cinq cents marins en moyenne chaque année.
Ainsi, tout était organisé pour diminuer nos effectifs : notre réglementation, notre manière de travailler... Cela doit changer. Force est de constater qu'il y a encore une certaine inertie sur ce plan.
En tout état de cause, nous ne pouvons pas reproduire, en 2019, la trajectoire insuffisante de 2018. Pour ce faire, nous nous sommes mis au poste de combat.
Nous avons mis en place des primes de lien au service pour fidéliser les marins.
Nous avons distribué 160 bourses à de jeunes étudiants dans des spécialités qui nous intéressent en échange d'un engagement à servir dans la Marine. Prenant en compte l'expérience de l'Armée de l'Air, nous avons initié des recrutements locaux.
Nous allons également pratiquer du sourcing, de manière totalement dématérialisée, pour retrouver et relancer, par téléphone ou internet, ceux qui, un jour, ont manifesté un intérêt pour la Marine.
Même si nous ne parvenons pas encore à combler le trou de 2018, nous infléchissons la pente.
De nombreux partenariats ont été lancés avec l'éducation nationale, les lycées professionnels, les IUT... Nous avons même créé des cursus en mécatronique navale, encadrés par l'Education Nationale, sur un programme défini par la Marine.
Nous avons noué des partenariats avec EDF. Leurs apprentis qui ne sont pas embauchés m'intéressent ! Nous faisons de même avec Areva.
Mme Darrieussecq vient de signer un partenariat avec l'Association des maires de France pour étendre notre maillage territorial. Je m'en félicite. De fait, les marins sont concentrés sur Brest, Toulon et, dans une moindre mesure, Lorient et Cherbourg. Ce partenariat nous permettra d'avoir un auditoire plus large et de diversifier nos viviers de recrutement.
Je veux aussi augmenter le nombre de femmes dans la marine, d'ici à 2030, de 14 % à 21 % des effectifs. Je ne peux à la fois ériger les ressources humaines en enjeu stratégique des dix ans à venir et laisser de côté la moitié de la population française. Traditionnellement, nous nous sommes focalisés sur les jeunes hommes ; à nous d'élargir notre vision du recrutement pour aller chercher des jeunes femmes.
Vous m'avez interrogé sur le MCO aéronautique. Les choses se mettent en place, notamment en ce qui concerne la verticalisation des contrats. Je pense notamment à ce que nous avons fait pour le Rafale. Nous allons faire de même pour l'Atlantique 2. Les résultats ne seront pas instantanés.
Nous allons retirer du service les Alouette, le fameux hélicoptère de Fantomas, et les Lynx, dont le coût du MCO est en train d'exploser, pour réinvestir les économies obtenues dans la location d'hélicoptères Dauphin et H160. Nous retrouverons ainsi un meilleur taux de disponibilité.
La ministre avait demandé à M. Malcor de réaliser un audit du MCO naval. Nous sommes en train de suivre plusieurs de ses recommandations, notamment en matière d'innovation sur la maintenance prédictive et sur les imprimantes 3D et en matière de formation. Je veux mettre en place un master spécialisé en maintenance navale.
Le problème des patrouilleurs outre-mer relève plus du vieillissement que d'une question de capacité industrielle. Les futurs patrouilleurs que nous avons évoqués ne seront pas des bateaux très compliqués. Ils doivent d'ailleurs être construits à la mesure des capacités industrielles de l'outre-mer. La question est davantage celle du remplacement de ces bateaux vieux de quarante ans que celle d'une nouvelle organisation du MCO naval outre-mer.
Nous allons commander sous peu les premiers patrouilleurs outre-mer pour remplacer les P400. Ils seront différents de futurs patrouilleurs métropolitains, dont le spectre de missions sera plus large. Le plan se déroule conformément à nos ambitions et à nos objectifs.
Madame Prunaud, il est important de donner aux marins une meilleure prévisibilité de leur activité. C'est l'objectif premier du doublement des équipages de certaines frégates : sur ces bâtiments, les marins connaîtront plusieurs mois à l'avance les périodes de quatre mois pendant lesquelles ils seront en charge du bateau et donc potentiellement en mer, et les périodes de quatre mois pendant lesquelles, n'étant plus en charge du bateau, ils resteront à terre pour se consacrer à la formation, à l'entraînement et au soutien. Les marins sont heureux et fiers de partir en mer, d'aller à l'autre bout du monde, mais ont besoin de pouvoir organiser leur vie personnelle en conséquence.
Nous saurons adapter le MCO des frégates multi-missions pour qu'elles naviguent 180 jours de mer par an, car leurs spécifications le permettent. Le nouveau contrat conclu entre le Service de Soutien de la Flotte et Naval Group pour l'entretien de ces bateaux intègre déjà un niveau d'activité plus élevé qu'aujourd'hui. S'agissant des coûts supplémentaires de MCO liés à l'augmentation de l'activité, des marges de manoeuvre sont obtenues en retirant certains bâtiments du service de façon légèrement anticipée et en reportant les coûts économisés sur les frégates à double équipage.
Par ailleurs, je ne dispose pas actuellement de stocks suffisants pour atteindre rapidement l'objectif d'un tir de munition complexe par bâtiment de premier rang tous les deux ans, que j'ai fixé dans le plan Mercator. Nous sommes en train de relever nos stocks, mais cette ambition ne pourra pas aboutir avant 2022-2023.
Monsieur Perrin, le développement autonome d'un programme de type Hawkeye en France aurait un coût extrêmement élevé. Puisque les chaînes de montage et d'entretien américaines n'existent plus, nos Hawkeye vont péricliter. Comme les Japonais et les Américains, nous devons donc passer à une nouvelle génération plus fiable et plus facile à entretenir. Les missions resteront les mêmes : le Hawkeye est catapulté du Charles de Gaulle pour offrir au groupe aéronaval un parapluie de 800 kilomètres - lorsque le Charles de Gaulle navigue dans les approches de Toulon, le Hawkeye détecte les avions qui décollent de Paris. Le Hawkeye peut également accompagner un raid de Rafale, pour frapper Daech en Syrie, par exemple ; dans ce cas il prend en charge la circulation aérienne, guide les Rafale vers les ravitailleurs, sert de relais radio entre le commandement des opérations à Al Udeid, au Qatar, et les Rafale pour désigner les cibles ; c'est un avion de commandement.
S'agissant des tensions avec la Turquie concernant la zone économique exclusive chypriote, l'Union Européenne s'est exprimée sur ce sujet pour condamner et regretter la situation. La France a de son côté envoyé deux frégates, à deux occasions différentes, patrouiller au large de Chypre.
Non, absolument pas ; mais les frégates que nous déployons en Méditerranée orientale remplissent différentes missions dans cette zone. J'aimerais pouvoir disposer de trente-cinq frégates, monsieur le sénateur. Il faudrait idéalement avoir que une frégate dans le détroit d'Ormuz, une autre dans celui de Bab el-Mandeb, une autre devant la Syrie, une autre encore à proximité de la Libye, en Méditerranée orientale, une en Atlantique nord, tout en assurant l'escorte du Charles de Gaulle et la surveillance des approches maritimes au large de Brest et Toulon... Depuis maintenant plusieurs années, nous devons choisir nos priorités.
Madame Conway-Mouret, vous m'avez interrogé sur nos coopérations. En Atlantique, nous avons un partenariat avec les pays africains du golfe de Guinée pour les aider à améliorer la sécurité maritime, avec les Portugais et les Espagnols. Nous avons également noué des partenariats plus au nord de l'Europe. Je rentre d'Écosse, où j'ai participé à un exercice de certification de notre état-major de conduite d'opérations conjointes franco-britannique dans le cadre de la force expéditionnaire conjointe interalliée, la CJEF - Combined joint expeditionary force -, un des éléments des accords de Lancaster House.
Autour du Charles de Gaulle, vous avez aussi pu voir le Niels Juel, un bâtiment danois. J'ai signé récemment une feuille de route avec mes homologues belges et néerlandais pour développer nos compétences communes en matière de lutte sous la mer.
Nous travaillons beaucoup avec les Norvégiens, avec les Danois, avec les Néerlandais, avec les Belges, les Indiens, les Espagnols, les Portugais, les Britanniques, tous partenaires de haut niveau. Vous verrez dans les prochains mois des réalisations concrètes, notamment autour du Charles de Gaulle.
Monsieur Allizard, je ne connais pas l'objectif précis des Chinois. Je pense qu'ils veulent parvenir à construire six porte-avions, contre douze pour les Américains. Ils sont sur cette voie. Leurs deux premiers porte-avions, de design russe, ne sont pas à catapultes ; on dit que les suivants, de design chinois, seront à catapultes électro-magnétiques, c'est-à-dire capables de lancer des avions très lourds pour des missions offensives.
Le Vendémiaire a croisé en mer de Chine méridionale, puis a emprunté le détroit de Taïwan, comme il le fait tous les ans, avant de participer à la mission de contrôle de l'embargo vers la Corée du Nord. C'est à cette occasion que les Chinois ont pensé que nous étions entrés dans leurs eaux territoriales. Après analyse de la cinématique du Vendémiaire, je ne partage pas leur interprétation. Nos manières de faire dans cette région du monde n'ont pas changé et nous nous en sommes expliqués avec les marins chinois.
Monsieur Boutant, en ce qui concerne le SDAM, ou système de drone aérien pour la marine, mon objectif est d'arriver à un drone par bateau, plus les drones de recherche scientifique, les planeurs sous-marins, les drones des forces spéciales et les drones de surface. D'ici à dix ans, je pense que le nombre de drones dans la marine aura explosé et qu'ils se compteront par centaines. Certains sont tout petits, presque des jouets ; d'autres sont très lourds, comme les drones de chasse aux mines que nous développons avec les Britanniques. Au milieu de tout cela se trouve le SDAM, projet porté à la fois Naval Group et par Airbus. Il s'agit d'un petit hélicoptère, capable de voler dix heures, d'aller à cent nautiques et d'emporter cent kilos de charge utile, c'est-à-dire un radar et une caméra. Les premiers essais d'appontage doivent avoir lieu dans les mois qui viennent. La loi de programmation militaire prévoit une mise en place assez tardive, notamment sur les frégates de défense et d'intervention, les FDI. J'espère que nous pourrons accélérer ce programme.
Monsieur Cigolotti, concernant les forces spéciales, il s'agit d'une réorganisation qualitative qui se fera à effectifs constants ; je n'ai pas besoin de ressources humaines supplémentaires pour les commandos. Auparavant, nous avions des commandos spécialisés soit en libération d'otages, soit en neutralisation à distance. Le commando Hubert, basé à Toulon, rassemble ces deux spécialités. Nous allons étendre ce modèle à l'ensemble des commandos.
Monsieur Poniatowski, en ce qui concerne notre alliance avec les Italiens, nous cherchons à rassembler les besoins de nos marines pour gagner sur les coûts et sur les performances à l'export.
Cela étant dit, les périmètres de Naval Group et de Fincantieri diffèrent quelque peu : Ficantieri a une activité civile assez importante, notamment dans les bâtiments de croisière ; Naval Group a une activité systèmes de combat dont l'équivalent italien serait Leonardo.
Je reste vigilant sur un point : notre savoir-faire en matière de sous-marins nucléaires ne se partage pas. Je veux toutefois souligner qu'Airbus produit nos missiles M-51 qui ne sont évidemment pas partagés. Des organisations industrielles cloisonnées sont donc possibles. Il faut être extrêmement vigilant sur ce point.
- Présidence de M. Robert del Picchia, vice-président -
Nous recevons à présent Mme Odile Renaud-Basso, directrice générale du Trésor, au sujet de l'un des deux programmes budgétaires de la mission « Aide publique au développement » : le programme 110, « Aide économique et financière au développement », dont elle est la responsable.
Il s'agit d'une situation assez singulière et, pour tout dire, un peu difficile à comprendre : il n'y a pas de principe de répartition clair entre le programme 209, géré par le ministère chargé des affaires étrangères, et le programme 110, dont vous avez la charge. On trouve au sein des deux programmes des dépenses multilatérales, des dépenses bilatérales et des crédits destinés à l'Agence française de développement. De nombreux parlementaires des deux assemblées ont d'ailleurs plaidé, en vain pour le moment, en faveur d'une répartition plus claire, voire une attribution à un seul ministère, car cette diffraction affaiblit la tutelle sur les opérateurs puissants de ce secteur.
D'une façon générale, nous pensons que le pilotage, notamment politique, devrait être réaffirmé.
Deux types de dépenses dominent le programme 110. Ce sont, d'une part, les autorisations d'engagement liées aux grands fonds multilatéraux, en particulier le Fonds vert pour le climat et les instruments de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement, qui représentent à eux seuls la grande majorité des crédits du programme, soit un total de 2,6 milliards d'euros sur les 4,4 milliards du programme. Pourriez-vous évoquer les négociations actuellement en cours pour la reconstitution de l'ensemble de ces fonds, ainsi que les principaux objectifs que leur assignent leurs contributeurs et en particulier la France ?
D'autre part, les crédits de bonification des prêts concessionnels de l'Agence française de développement (AFD) sont en forte croissance depuis deux ans : ils représentent désormais plus de 1,1 milliard d'euros en autorisations d'engagement. Cette montée en puissance est censée correspondre à la trajectoire vers les 0,55 % du revenu national brut (RNB) qui doivent être consacrés à l'aide au développement en 2022 : selon vos évaluations, à quel montant devront alors se monter les crédits de paiement attribués à l'AFD sur cette ligne pour que cet objectif soit atteint ?
Enfin, nous attendons un projet de loi d'orientation sur le développement, mais il semble que la programmation financière qu'il doit comporter ne soit pas encore finalisée. Est-ce bon signe ? Quand pensez-vous que ce texte arrivera sur le bureau des assemblées ?
Merci de m'avoir conviée à cette audition sur les crédits de la mission « Aide publique au développement » et, en particulier, sur les crédits dont la direction générale du Trésor a la responsabilité.
Le ministère de l'économie et des finances participe à l'élaboration de la stratégie d'aide publique au développement (APD), au côté du ministère de l'Europe et des affaires étrangères (MEAE). Les deux ministères assurent le secrétariat du comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID), qui est l'outil concret opérationnel de coopération et de pilotage de l'aide publique au développement.
La responsabilité de la direction générale du Trésor dans le dispositif de l'APD, est le volet économique et financier de l'APD : les grands fonds multilatéraux, le financement des prêts de l'AFD et annulations de dette -, ainsi que des interventions en matière d'environnement et de climat, du fait notamment de la dimension fortement financière de certains des instruments utilisés, ainsi que de la volonté d'ancrer ces sujets de développement durable au sein des questions de croissance et de politique économique. De son côté, le MEAE pilote principalement les actions sectorielles hors climat, notamment la santé et l'éducation, ainsi que les dons-projets, et donc l'activité de l'AFD en dons. Cette double tutelle a donc une logique : pour le MEAE, la partie dons et une priorité sectorielle sur la santé et l'éducation, et pour le MEF, la compétence en matière économique et financière, et notamment toute l'activité bancaire de l'AFD qui est un établissement de crédit soumis à la supervision de l'ACPR.
Le programme 110 est géré par la Direction générale du Trésor, le programme 209 par le MEAE, et nous gérons en commun, en lien avec le MEAE et la direction du Budget, le Fonds de solidarité pour le développement (FSD), dont les crédits extrabudgétaires contribuent au financement de fonds multilatéraux sur la santé et sur le climat.
En matière de priorités, le CICID a défini cinq grandes priorités thématiques en 2018 : la lutte contre les changements climatiques, l'égalité entre les femmes et les hommes, la réponse aux crises et vulnérabilités, la santé et l'éducation.
Le programme 110 couvre particulièrement les trois premières priorités.
Tout d'abord, la lutte contre les changements climatiques avec une priorité clairement française qui a été un des axes majeurs du sommet du G7 de Biarritz : la France s'est engagée à doubler sa contribution au Fonds vert pour le climat. Cette contribution s'élèvera à un montant de 1,5 milliard d'euros environ sur la période 2020-2023, financée à la fois par prêt et par don. La conférence de reconstitution du Fonds se tiendra demain et après-demain à Paris [24 et 25 octobre] ; nous avons bon espoir que cette reconstitution s'achève sur des résultats positifs. L'enjeu principal est de combler le manque à gagner qui découle du retrait de la contribution des États-Unis, qui représentait un engagement de 3 milliards de dollars sur les 10 milliards dans la première constitution du Fonds. Les engagements déjà annoncés par d'autres pays représentent un montant d'environ 7,5 milliards de dollars et l'un des enjeux sera de se rapprocher de l'objectif de 10 milliards annoncé par le Président de la République.
Deuxième grande priorité : la réponse aux crises et vulnérabilités. C'est dans cet objectif que nous inscrivons la reconstitution de plusieurs grands fonds multilatéraux, qui sont l'Association internationale de développement (AID), qui est gérée par la Banque mondiale, et le Fonds africain de développement (FAD), qui est le seul guichet concessionnel uniquement consacré aux pays africains. Nos priorités pour la reconstitution de l'AID est la priorité au Sahel - nous visons un objectif d'une augmentation de 30 % des financements accordés à la région Sahel, qui est en grande difficulté - et un objectif climat, qui serait que 30 % des financements de l'AID aient un effet positif sur le climat. Un troisième élément de réponse aux crises et vulnérabilités sont les contributions françaises en faveur de la mobilisation des ressources intérieures dans les pays en développement. Un des enjeux majeurs pour les pays fragiles est d'arriver à avoir une base de ressources fiscales propres qui soutiennent un Etat et les besoins minimum en matière de fonctionnement de l'Etat et de services publics. C'est pourquoi nous avons augmenté notre financement en faveur de la mobilisation des ressources intérieures dans les pays en développement en appuyant l'activité de l'AFD et d'Expertise France, et, dans un cadre multilatéral, avec des contributions spécifiques en la matière.
Troisième priorité : l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est aussi une des priorités du sommet du G7 avec deux annonces spécifiques faites dans le cadre du G7 : d'une part, une contribution française de 25 millions de dollars en faveur de l'inclusion numérique financière des femmes en Afrique à l'appui d'un certain nombre d'initiatives qui favorisent la bancarisation, le développement des infrastructures de paiement et l'identification digitale . La deuxième initiative sur laquelle nous allons apporter un soutien spécifique, est l'initiative Afawa, qui vise à favoriser l'accès des femmes au financement en Afrique, et pour laquelle plusieurs pays du G7 dont la France apporteront un concours. Sur le programme 110, 45 millions d'euros sur cinq ans sont prévus pour financer des garanties à des projets entrepreneuriaux portés par des femmes en Afrique. Il a par ailleurs été décidé par le CICID de 2018 que la moitié des volumes annuels d'engagements de l'AFD auront un objectif genre principal ou significatif.
Notre direction générale intervient de manière plus marginale et indirecte en matière de financement de l'éducation et de la santé, à travers notre action au sein de fonds multilatéraux, ainsi la part des financements de la Banque mondiale et de la Banque africaine de développement pour la santé et l'éducation.
Je souhaite à présent revenir sur la question de la trajectoire d'APD. Nous sommes proches des cibles intermédiaires fixées par le CICID de 2018 avec une marge de 0,01% du revenu national brut puisque, en 2018, l'APD française a atteint 10,3 milliards d'euros, soit 0,43 % du RNB malgré un effet défavorable lié au mode de comptabilisation des prêts concessionnels qui entre en vigueur à partir de 2018. Le ratio de 0,43 % serait maintenu en 2019, avec une augmentation de la part bilatérale et malgré l'effet défavorable du contrecoup en 2019 du décaissement du prêt accordé à l'AID en 2018. L'objectif pour 2020 est une augmentation assez sensible de ce ratio, à 0,46 % du RNB, et c'est ce qui est prévu en application du budget présenté cette année. Donc, nous sommes proches de la trajectoire et nous gardons l'objectif de 0,55 % du RNB fixé par le Président de la République pour 2022.
S'agissant du calendrier du projet de loi relatif à l'aide au développement, je ne saurais aller plus loin que ce qu'a annoncé le Président de la République lors de la Conférence des ambassadeurs fin août, qui était : consultations à l'automne, saisine du Conseil d'Etat et examen du projet de loi au premier semestre de 2020. Ce projet de loi devrait contenir des éléments de trajectoire budgétaire, mais les discussions doivent se poursuivre.
Sur la mission budgétaire « Aide publique au développement » et le programme 110 en particulier : dans le projet de loi de finances pour 2020, la mission représente 7,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 3,3 milliards d'euros en crédits de paiement et, en 2020 , si l'on y ajoute les crédits du Fonds de solidarité pour le développement, soit 738 millions d'euros, on arrive à un total de plus de 4 milliards d'euros de crédits pour l'aide publique au développement. La hausse des crédits de paiement, qui représente déjà une hausse de 7 % entre 2019 et 2020, va s'accélérer dans les années suivantes : on anticipe une hausse totale de 57 % des crédits de paiement entre 2019 et 2022, à comparer à une hausse de 5 % pour le budget de l'État. L'aide publique au développement est la politique publique qui enregistre la plus forte progression sur la période, en cohérence avec les objectifs fixés par le Président de la République.
Pour le programme 110, les crédits de paiement augmenteront de 76 % entre 2019 et 2022. Le projet de loi de finances pour 2020 prévoit pour ce programme 4,47 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 1,14 milliard d'euros en crédits de paiement.
Je voudrais souligner le caractère très contraint du programme 110, qui est fortement conditionné par les engagements internationaux de la France. Les crédits de paiement sont souvent la traduction d'engagements antérieurs que la France a souscrit et auxquels elle ne peut se soustraire, tels que des fonds multilatéraux, comme l'AID, le FAD, le Fonds vert pour le climat, et la bonification de prêts qui ont déjà été octroyés par l'Agence française de développement.
La forte hausse des autorisations d'engagement sur le programme 110 en 2020 est liée à la reconstitution triennale de trois fonds multilatéraux importants : le Fonds vert pour le climat avec le doublement de la contribution française, la reconstitution du Fonds africain de développement (FAD) pour 0,5 Md€, et la reconstitution de l'Association internationale de Développement (AID) pour 1,4 Md€.
Le maintien de notre engagement dans ces fonds est une condition pour maintenir notre influence dans les institutions multilatérales de développement et pour que ces institutions servent les priorités géographiques et thématiques de l'APD française - on voit l'enjeu de l'AID pour la priorité Sahel - et il permet d'avoir un effet de levier sur les contributions des autres pays.
Sur la question de la part des prêts et des dons dans l'APD française. Le prêt reste l'un des outils importants de l'APD française : c'est un outil vertueux puisqu'il permet de financer des projets de grande ampleur, notamment d'infrastructures, qui pourraient être difficilement financés par dons ; il permet de maximiser l'impact de notre effort budgétaire par un effet de levier ; il permet à des États qui ne pourraient accéder à des prêts sans bonification de disposer de ces financements ; dernier élément positif, il permet de responsabiliser les États bénéficiaires. Cet instrument doit être manié avec prudence et nous sommes très vigilants dans l'utilisation des prêts de ne pas sur-endetter les pays récipiendaires. Il y a des enjeux de surveillance de l'endettement. Il y a un certain nombre de pays qui se retrouvent, non pas du fait de nos interventions ou des interventions de pays de l'OCDE, mais de l'intervention de nouveaux créanciers, dans une situation de risque de surendettement. Nous utilisons donc cet instrument de façon raisonnée, raisonnable et avec beaucoup de précaution sur la soutenabilité de la dette des pays récipiendaires. Il reste un instrument pertinent pour un certain nombre de pays qui ont la capacité de s'endetter et pour lesquels les conditions de financement, aujourd'hui assez favorables, permettent de financer des projets dont la rentabilité interne est supérieure au taux d'endettement.
Le dernier point sur lequel je voulais revenir est la question de la coopération avec le MEAE et la manière dont nous exerçons conjointement la tutelle de l'AFD. Notre tutelle conjointe et notre coopération se sont beaucoup renforcées. Je vois de façon très régulière, avec le secrétaire général du MEAE, le directeur général de l'AFD pour travailler sur les sujets d'intérêt conjoints et définir les priorités conjointes de l'AFD, les sources de financement, les priorités sectorielles, l'organisation de l'agence pour améliorer son efficacité en tant qu'opérateur de l'aide au développement. Nous avons, par exemple, beaucoup travaillé sur le rapprochement d'Expertise France avec l'AFD. Nos deux compétences se complètent de façon nécessaire et pertinente: nous apportons la compétence bancaire et financière, à la fois nationale et internationale, et le MEAE, et notamment la direction générale de la mondialisation, apporte une compétence plus sectorielle, notamment en matière de santé et d'éducation. Ces deux regards et cette double tutelle paraissent pertinents et nécessaires pour une structure de l'aide au développement française qui repose sur un opérateur qui a un rôle à la fois de banque et de gestionnaire de dons pour le compte de l'Etat, et représente donc une structure complexe biface qui regroupe tous les outils. C'est le choix qui a été fait il y a plusieurs années de regrouper l'essentiel des outils dans un opérateur, une intégration des différents outils qui répond à un continuum de l'aide, les prêts et les dons se complétant.
L'AFD est bénéficiaire dans son activité de prêt. Ce bénéfice est réinvesti à 80 %.
Nous, rapporteurs pour avis, sommes en quelque sorte assis entre deux chaises, puisque nous attendons toujours la loi de programmation de l'aide publique au développement, et devons en même temps examiner les crédits de l'APD pour 2020 dans le cadre de la loi de finances. Notre commission entend aussi approfondir son travail en matière d'évaluation de l'aide.
Tout aussi fondamental est le pilotage politique. Vous avez souligné, madame la directrice générale, le travail mené à cet égard par votre ministère, conjointement avec celui des affaires étrangères. M. Le Drian lui-même, que nous recevions hier, a relevé l'importance des orientations politiques, sur laquelle notre président, Christian Cambon, insiste également.
Ma première question porte sur les prêts concessionnels, qui constituent, pour ainsi dire, la marge de manoeuvre de l'AFD. Pouvez-vous nous fournir des informations plus précises sur leur montée en puissance dans la perspective de l'objectif de 0,55 % que prévoira la loi de programmation ?
Ensuite, s'agissant de l'aide apportée au Fonds africain de développement, qui passe de 369 à 504 millions d'euros par périodes de trois ans, comment nous permet-elle de peser sur les orientations du fonds ? Je pense en particulier au Sahel, où le lien entre la Banque africaine et notre action ne semble pas aussi étroit que souhaitable.
Plus généralement, le ministère des affaires étrangères essaie de conjuguer aide publique au développement et influence française. Comment votre ministère prend-il en compte les relations entre ces deux dimensions ?
Enfin, parallèlement au retrait des Américains, que vous avez abordé, les Russes ont signé l'accord de Paris. Peut-on attendre de cet engagement politique une traduction financière dans les fonds multilatéraux en matière d'environnement ?
De façon récurrente, des ONG diverses préconisent un relèvement à 0,5 % du taux de la taxe sur les transactions financières, qui contribuerait grandement à crédibiliser l'objectif de 0,55 % du revenu national brut consacré à l'aide publique au développement. La crédibilité dont vous avez parlé ne nous paraît pas complètement avérée à ce jour.
Cette augmentation de la taxe sur les transactions financières s'inscrirait en outre dans un cercle vertueux en termes de développement durable et de lutte contre le réchauffement climatique.
Le Président de la République a pris plusieurs engagements dans le cadre du G7. En matière d'entrepreneuriat féminin, vous nous avez apporté certaines précisions. En revanche, s'agissant de la transformation numérique en Afrique, nous ne comprenons pas bien comment seront ventilés les crédits, ni même s'il y en aura.
Depuis le début, nous considérons que, dans l'intérêt de la « team France », Expertise France et l'AFD doivent se rapprocher, mais en conservant chacun ses spécificités. Or vos propos nous laissent craindre une absorption pure et simple d'Expertise France, donc la fin de cette entreprise, de son agilité et de son savoir-faire. Nous avons le sentiment désagréable que le regroupement des différents opérateurs de l'expertise française, voulu par le Sénat dans un souci d'efficacité, a déplu dans certains ministères, et que d'aucuns travaillent à un démantèlement subreptice. Pouvez-vous nous rassurer ?
Pour siéger au nom du Sénat au conseil d'administration de l'Agence française de développement, je mesure combien sont imbriquées les différentes dimensions que symbolise la double tutelle. On ne peut pas dissocier l'aspect financier des enjeux de l'aide publique au développement.
En tant que banque, l'AFD a une gestion rigoureuse, comme en attestent ses résultats. Mais, sans remettre en cause le rôle du Trésor, qui est dans notre tradition, ni parler d'impérialisme de sa part, ce qui serait inutilement provocateur, je me demande si la complexité du système actuel n'est pas une spécificité française, et si elle est bien adaptée au monde qui vient.
Par ailleurs, s'agissant des relations entre l'AFD et Expertise France, a-t-on analysé toutes les causes de l'échec récent ? La restructuration en cours vous paraît-elle satisfaisante ? L'excellence française en la matière est en jeu.
Depuis sa création, en 1976, l'Association nationale des établissements français à l'étranger (Anefe) a garanti 166 prêts au bénéfice de 112 établissements dans 95 pays. Cette structure n'a pas coûté un denier à l'État, ni en fonctionnement ni en garantie.
Or, l'année dernière, la direction générale du Trésor a suspendu l'octroi de la garantie de l'État aux emprunts réalisés par l'Anefe pour le compte des établissements. Résultat : tous les projets d'extension et de rénovation sont bloqués depuis plus d'un an. Un audit réalisé en 2018 par vos services, nous a-t-on expliqué, critiquait l'Anefe non pour sa gestion, mais pour sa structure et pour le respect des règles prudentielles. Par souci de transparence, la direction générale du Trésor peut-elle nous communiquer ce rapport d'audit ?
En bloquant toute garantie de l'État, vous mettez en danger la réalisation d'objectifs politiques en matière d'action extérieure. Ainsi, de nombreux investissements sont nécessaires pour atteindre l'objectif, fixé par le chef de l'État, d'un doublement du nombre d'élèves accueillis dans le réseau scolaire français. Au reste, lors de la conférence de presse détaillant les mesures du Gouvernement pour atteindre cet objectif, M. Lemoyne, secrétaire d'État, a reconnu que l'absence de garantie de l'État pour les prêts immobiliers restait une difficulté à surmonter.
Faute d'avoir proposé une alternative, vous menacez tous les projets de développement d'école, alors que le besoin de financement en matière de rénovation et d'extension est estimé, pour les seules écoles conventionnées avec l'Agence pour l'enseignement français à l'étranger, à 120 millions d'euros.
Cette année, vous avez débloqué la garantie de l'État pour deux dossiers : Panama et Mascate. Tant mieux pour ces établissements, même si les surcoûts liés au délai devront être supportés par les parents d'élève.
Quand proposez-vous une solution pour régler le problème créé par la décision de l'an dernier ? Grâce à son pragmatisme, l'Anefe prouve son efficacité depuis près d'un demi-siècle ; elle est proche de tous les acteurs et ne coûte rien. Faut-il lui préférer un autre système, dont il y a lieu de craindre qu'il ne présente pas les mêmes avantages ?
Cette question déborde un peu du domaine de l'aide publique au développement, mais elle a son importance.
Sur la question de l'évaluation : l'évaluation de l'aide publique au développement est une de nos priorités. Le projet de loi de programmation qui devrait vous être soumis au premier semestre de l'année prochaine prévoira la création d'une commission d'évaluation unifiée. Elle serait placée auprès de la Cour des comptes, donc autonome, et une composante très importante, l'Observatoire des coûts de l'aide serait hébergé dans cette commission indépendante. C'est une des recommandations du rapport Berville qui a été reprise par le gouvernement.
Sur le pilotage politique. C'est un élément très important. Le fait que le gouvernement ait à nouveau réuni le CICID, comité présidé par le Premier ministre, est un élément important de pilotage politique. Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères réunit le conseil d'orientation stratégique de l'AFD. Nous avons les outils pour affirmer ce pilotage : la définition des cinq priorités thématiques, du volume de l'APD, la part entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale font partie d'un cadrage stratégique défini par les instances politiques au plus haut niveau et avec une implication tout à fait importante du Président de la République sur ces sujets qui ont très souvent une forte dimension internationale.
Sur l'atteinte de l'objectif de 0,55% et la montée en puissance de l'AFD, il y a une augmentation sensible de l'activité de l'AFD, passée de 3 milliards d'euros en 2006 à 15 milliards d'euros prévus en 2020, en lien également avec l'élargissement du champ géographique de l'AFD, qui se traduit par une croissance forte du bilan. A terme, une augmentation de capital pourrait être nécessaire pour soutenir cette croissance du bilan.
La montée en puissance des prêts contribue à l'augmentation de la trajectoire d'APD et à l'atteinte de l'objectif de 0,55 %, mais ce n'est pas le seul facteur. Nos prévisions prennent en compte à la fois une augmentation des financements en dons, des volumes de prêts et des éléments potentiels d'annulation de dettes, et notamment une potentielle annulation de dette du Soudan.
Sur la question du Fonds africain de développement (FAD). Dans le cadre de la renégociation, nous influons sur les objectifs du FAD, comme nous le faisons pour l'AID. Nous avons la même priorité Sahel au FAD, que pour l'AID, même si le FAD est plus petit et aura un impact financier moins important. La hausse du financement du FAD (à environ 500 millions d'euros) intègre le passage d'un financement mixte combinant des dons et un prêt très concessionnel à un financement exclusif par dons.
Sur l'aide au développement et l'influence française. C'est un objectif que nous partageons. L'arrivée de nouveaux acteurs, et l'importance prise par la Chine en Afrique par exemple, montre que l'aide au développement est un facteur d'influence et un facteur de dialogue politique, de dialogue économique, etc.. C'est un vecteur extrêmement important, d'où l'importance accordée à la fois aux financements bilatéraux et multilatéraux et à ce que nos priorités soient bien prises en compte dans les financements multilatéraux.
Sur la position américaine. Les Américains restent actifs dans le domaine de l'aide au développement : ils ont participé à l'augmentation de capital de la Banque mondiale. Là où il y a un retrait très marqué, c'est sur les actions en faveur du climat et le retrait du Fonds vert, mais pour le reste ils restent partie prenante des discussions, avec un certain nombre de priorités partagées avec nous, comme l'évolution de l'endettement de l'Afrique.
Sur la question de l'augmentation de la taxe sur les transactions financières (TTF). Nous sommes très réservés sur l'hypothèse d'une augmentation de la TFF à 0,5 % pour plusieurs raisons. Tout d'abord, notre évaluation est que cela pourrait avoir un effet négatif sur la base, et donc le résultat global ne serait pas favorable. Un effet de taux permettrait d'augmenter les recettes mais si le taux s'applique sur une base plus réduite parce que une partie de l'activité part à l'extérieur, compte tenu du fait qu'il n'y a pas d'harmonisation de la TTF aujourd'hui, notre évaluation est qu'il pourrait y avoir un effet négatif de l'ordre d'un tiers sur les recettes. Nous n'y sommes donc pas favorables sachant que nous essayons par ailleurs de faire progresser la discussion au niveau européen dans le cadre de la coopération renforcée qui avait été lancée il y a quelques années.
Sur la transition numérique en Afrique. Elle fait partie des priorités des institutions multinationales, et notamment de la Banque mondiale. Du point de vue français, l'action nouvelle annoncée dans le cadre du G7 sont les initiatives en faveur de l'inclusion digitale financière des femmes en Afrique, qui lient inclusion financière et inclusion digitale. L'accès aux comptes et le développement de l'activité économique en Afrique passe par le saut d'une étape en matière de numérisation : l'accès aux comptes bancaires se fera directement par digitalisation. C'est donc un axe important qui a été retenu. Nous travaillons sur ce sujet avec JPAL [le laboratoire d'Esther Duflo].
S'agissant d'Expertise France, le scénario retenu n'est pas un scénario d'absorption mais un scénario d'adossement. Expertise France a connu un certain nombre de difficultés et il y a des synergies importantes avec l'activité de l'AFD. Depuis, dans ce scénario de rapprochement, les coopérations ont ainsi été multipliées par quatre, ce qui est déjà un effet positif assez important, mais Expertise France restera une structure juridique autonome, gardera la personnalité morale et sera comparable à une filiale de l'AFD mais ne sera pas intégrée dans les équipes de l'AFD et, donc gardera une autonomie de gestion. C'est extrêmement important pour l'Etat car Expertise France s'appuie beaucoup sur l'expertise de fonctionnaires, dans le cadre de relations conventionnelles avec un certain nombre de ministères.
Sur la question sur la particularité de l'organisation de la tutelle de l'AFD. Il ne s'agit pas d'une spécificité française. Le fait d'avoir une banque de développement soumise à la tutelle du ministère de l'économie et des finances est une caractéristique que l'on retrouve dans beaucoup de pays qui ont une activité de banque. C'est par exemple le cas en Allemagne où la KfW porte l'essentiel de l'aide au développement ; elle agit pour le compte du Gouvernement et avec une forte implication du ministère des finances dans son pilotage. La situation est différente dans les pays qui ne font que des dons, comme par exemple le cas du Department for International Development (DFID) qui n'a plus qu'une activité de dons au Royaume-Uni,. Le suivi de la Banque mondiale et des autres grandes institutions multilatérales de développement est aussi très souvent assuré par les ministères des finances, en raison des problématiques bancaires qui y sont associées. Dans beaucoup de pays se retrouve cette coopération entre les affaires étrangères et les finances sur ces sujets.
Sur l'Anefe. C'est un sujet compliqué. Nous avons effectivement beaucoup travaillé sur ce sujet. La structure fonctionne mais a un cadre juridique très fragile. Notre préoccupation venait du fait que nous accordions un arrêté de garantie mais dont les bases juridiques n'étaient pas très solides, comme l'a montré le rapport d'audit dont je vous transmettrai au minimum une synthèse ou les principales recommandations. Nous avons débloqué les dossiers pendants et qui étaient prêts. Notre objectif est bien pouvoir mettre en oeuvre les orientations politiques et donc l'objectif de doublement. Nous travaillons d'arrache-pied dans le cadre d'un groupe de travail quadripartite avec le Trésor, la direction du budget, Quai d'Orsay et l'Éducation nationale pour finaliser une solution qui devrait être prête dans les prochaines semaines. Il faut une solution qui fonctionne et une solution qui soit solide juridiquement et qui ne mette pas en risque les fonctionnaires qui signeraient des garanties et prendraient des responsabilités financières sans avoir le cadre juridique ou l'autorité pour le faire. Même si l'Anefe a fonctionné ainsi pendant longtemps, nous devons régler ce problème juridique. Nous très mobilisés sur la recherche d'une solution et nous sommes proches d'un accord sur la voie à suivre ; vous en serez tenu informés dès que ce sera abouti.
Quelle est la part des dons et des prêts dans l'aide au développement ? Avez-vous réussi à faire baisser le surendettement de ces pays africains auquel vous accordez, à juste titre une attention particulière, ou réduire la dette de ces pays est-il en réalité impossible ?
Sur la question de notre stratégie en matière d'endettement, nous prenons en compte les analyses de soutenabilité de la dette faites par le FMI et la Banque mondiale. Nous avons fait un effort d'annulation extrêmement important dans les années 1990 avec les pays pauvres très endettés, qui a été un effort international de tous les pays membres du Club de Paris et des institutions multilatérales pour désendetter les pays. La préoccupation aujourd'hui est que, pour les 19 pays prioritaires pour l'aide française, on constate à nouveau une tendance à la ré-augmentation de la dette, avec un niveau moyen de dette publique passé de 35 à 51 % du PIB entre 2012 et 2017, avec des risques de soutenabilité divers : faibles pour certains pays, comme le Sénégal, modérés pour d'autres. Des pays sont à nouveau à risque élevé des risques élevés comme, par exemple, la République centrafricaine. Ce sont typiquement des pays où la France n'intervient que sous la forme de dons.
Cette question est liée notamment à l'arrivée de nouveaux créanciers, et en particulier la Chine qui est devenue un nouvel acteur très important du financement bilatéral de ces pays avec des projets d'infrastructure très importants en volume, et donc un impact assez important sur l'endettement. D'où les efforts qui sont faits au niveau international et bilatéral pour que la Chine se rapproche des disciplines et mettent en oeuvre des principes de financement soutenables, prenne en compte l'analyse de soutenabilité de la dette et participe aux travaux du Club de Paris. Aujourd'hui, la Chine est associée à ces travaux et nous essayons de nous coordonner plus étroitement pour qu'elle se coordonne avec l'ensemble des créanciers.
Sur les questions de volume des prêts. Le volume brut des prêts accordés par l'AFD est plus important que le volume de dons mais en 2019 l'effort budgétaire de l'État est plus concentré sur les dons que sur les prêts.
Je vous remercie pour vos réponses.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 12 h 30.