Sur la question de l'évaluation : l'évaluation de l'aide publique au développement est une de nos priorités. Le projet de loi de programmation qui devrait vous être soumis au premier semestre de l'année prochaine prévoira la création d'une commission d'évaluation unifiée. Elle serait placée auprès de la Cour des comptes, donc autonome, et une composante très importante, l'Observatoire des coûts de l'aide serait hébergé dans cette commission indépendante. C'est une des recommandations du rapport Berville qui a été reprise par le gouvernement.
Sur le pilotage politique. C'est un élément très important. Le fait que le gouvernement ait à nouveau réuni le CICID, comité présidé par le Premier ministre, est un élément important de pilotage politique. Par ailleurs, le ministre des affaires étrangères réunit le conseil d'orientation stratégique de l'AFD. Nous avons les outils pour affirmer ce pilotage : la définition des cinq priorités thématiques, du volume de l'APD, la part entre l'aide bilatérale et l'aide multilatérale font partie d'un cadrage stratégique défini par les instances politiques au plus haut niveau et avec une implication tout à fait importante du Président de la République sur ces sujets qui ont très souvent une forte dimension internationale.
Sur l'atteinte de l'objectif de 0,55% et la montée en puissance de l'AFD, il y a une augmentation sensible de l'activité de l'AFD, passée de 3 milliards d'euros en 2006 à 15 milliards d'euros prévus en 2020, en lien également avec l'élargissement du champ géographique de l'AFD, qui se traduit par une croissance forte du bilan. A terme, une augmentation de capital pourrait être nécessaire pour soutenir cette croissance du bilan.
La montée en puissance des prêts contribue à l'augmentation de la trajectoire d'APD et à l'atteinte de l'objectif de 0,55 %, mais ce n'est pas le seul facteur. Nos prévisions prennent en compte à la fois une augmentation des financements en dons, des volumes de prêts et des éléments potentiels d'annulation de dettes, et notamment une potentielle annulation de dette du Soudan.
Sur la question du Fonds africain de développement (FAD). Dans le cadre de la renégociation, nous influons sur les objectifs du FAD, comme nous le faisons pour l'AID. Nous avons la même priorité Sahel au FAD, que pour l'AID, même si le FAD est plus petit et aura un impact financier moins important. La hausse du financement du FAD (à environ 500 millions d'euros) intègre le passage d'un financement mixte combinant des dons et un prêt très concessionnel à un financement exclusif par dons.
Sur l'aide au développement et l'influence française. C'est un objectif que nous partageons. L'arrivée de nouveaux acteurs, et l'importance prise par la Chine en Afrique par exemple, montre que l'aide au développement est un facteur d'influence et un facteur de dialogue politique, de dialogue économique, etc.. C'est un vecteur extrêmement important, d'où l'importance accordée à la fois aux financements bilatéraux et multilatéraux et à ce que nos priorités soient bien prises en compte dans les financements multilatéraux.
Sur la position américaine. Les Américains restent actifs dans le domaine de l'aide au développement : ils ont participé à l'augmentation de capital de la Banque mondiale. Là où il y a un retrait très marqué, c'est sur les actions en faveur du climat et le retrait du Fonds vert, mais pour le reste ils restent partie prenante des discussions, avec un certain nombre de priorités partagées avec nous, comme l'évolution de l'endettement de l'Afrique.
Sur la question de l'augmentation de la taxe sur les transactions financières (TTF). Nous sommes très réservés sur l'hypothèse d'une augmentation de la TFF à 0,5 % pour plusieurs raisons. Tout d'abord, notre évaluation est que cela pourrait avoir un effet négatif sur la base, et donc le résultat global ne serait pas favorable. Un effet de taux permettrait d'augmenter les recettes mais si le taux s'applique sur une base plus réduite parce que une partie de l'activité part à l'extérieur, compte tenu du fait qu'il n'y a pas d'harmonisation de la TTF aujourd'hui, notre évaluation est qu'il pourrait y avoir un effet négatif de l'ordre d'un tiers sur les recettes. Nous n'y sommes donc pas favorables sachant que nous essayons par ailleurs de faire progresser la discussion au niveau européen dans le cadre de la coopération renforcée qui avait été lancée il y a quelques années.
Sur la transition numérique en Afrique. Elle fait partie des priorités des institutions multinationales, et notamment de la Banque mondiale. Du point de vue français, l'action nouvelle annoncée dans le cadre du G7 sont les initiatives en faveur de l'inclusion digitale financière des femmes en Afrique, qui lient inclusion financière et inclusion digitale. L'accès aux comptes et le développement de l'activité économique en Afrique passe par le saut d'une étape en matière de numérisation : l'accès aux comptes bancaires se fera directement par digitalisation. C'est donc un axe important qui a été retenu. Nous travaillons sur ce sujet avec JPAL [le laboratoire d'Esther Duflo].
S'agissant d'Expertise France, le scénario retenu n'est pas un scénario d'absorption mais un scénario d'adossement. Expertise France a connu un certain nombre de difficultés et il y a des synergies importantes avec l'activité de l'AFD. Depuis, dans ce scénario de rapprochement, les coopérations ont ainsi été multipliées par quatre, ce qui est déjà un effet positif assez important, mais Expertise France restera une structure juridique autonome, gardera la personnalité morale et sera comparable à une filiale de l'AFD mais ne sera pas intégrée dans les équipes de l'AFD et, donc gardera une autonomie de gestion. C'est extrêmement important pour l'Etat car Expertise France s'appuie beaucoup sur l'expertise de fonctionnaires, dans le cadre de relations conventionnelles avec un certain nombre de ministères.
Sur la question sur la particularité de l'organisation de la tutelle de l'AFD. Il ne s'agit pas d'une spécificité française. Le fait d'avoir une banque de développement soumise à la tutelle du ministère de l'économie et des finances est une caractéristique que l'on retrouve dans beaucoup de pays qui ont une activité de banque. C'est par exemple le cas en Allemagne où la KfW porte l'essentiel de l'aide au développement ; elle agit pour le compte du Gouvernement et avec une forte implication du ministère des finances dans son pilotage. La situation est différente dans les pays qui ne font que des dons, comme par exemple le cas du Department for International Development (DFID) qui n'a plus qu'une activité de dons au Royaume-Uni,. Le suivi de la Banque mondiale et des autres grandes institutions multilatérales de développement est aussi très souvent assuré par les ministères des finances, en raison des problématiques bancaires qui y sont associées. Dans beaucoup de pays se retrouve cette coopération entre les affaires étrangères et les finances sur ces sujets.
Sur l'Anefe. C'est un sujet compliqué. Nous avons effectivement beaucoup travaillé sur ce sujet. La structure fonctionne mais a un cadre juridique très fragile. Notre préoccupation venait du fait que nous accordions un arrêté de garantie mais dont les bases juridiques n'étaient pas très solides, comme l'a montré le rapport d'audit dont je vous transmettrai au minimum une synthèse ou les principales recommandations. Nous avons débloqué les dossiers pendants et qui étaient prêts. Notre objectif est bien pouvoir mettre en oeuvre les orientations politiques et donc l'objectif de doublement. Nous travaillons d'arrache-pied dans le cadre d'un groupe de travail quadripartite avec le Trésor, la direction du budget, Quai d'Orsay et l'Éducation nationale pour finaliser une solution qui devrait être prête dans les prochaines semaines. Il faut une solution qui fonctionne et une solution qui soit solide juridiquement et qui ne mette pas en risque les fonctionnaires qui signeraient des garanties et prendraient des responsabilités financières sans avoir le cadre juridique ou l'autorité pour le faire. Même si l'Anefe a fonctionné ainsi pendant longtemps, nous devons régler ce problème juridique. Nous très mobilisés sur la recherche d'une solution et nous sommes proches d'un accord sur la voie à suivre ; vous en serez tenu informés dès que ce sera abouti.