Intervention de Thani Mohamed Soilihi

Réunion du 5 décembre 2019 à 14h30
Loi de finances pour 2020 — Justice

Photo de Thani Mohamed SoilihiThani Mohamed Soilihi :

Madame la présidente, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, pour la troisième année consécutive, le budget pour la justice connaît une nouvelle augmentation de ses crédits.

En effet, après une hausse significative de 3, 9 % en 2018 et de 4, 5 % en 2019, le budget s’élève, pour l’année 2020, à 7, 6 milliards d’euros, ce qui représente une progression de près de 4 %, ou 300 millions d’euros supplémentaires.

On peut choisir de voir le verre à moitié vide : malgré une hausse des crédits consacrés à la justice, ces derniers restent proportionnellement bas par rapport à d’autres missions et n’atteignent pas le niveau de ceux accordés par nos voisins européens. C’est le point de vue exprimé à l’instant par notre collègue Jean-Pierre Sueur.

On peut souligner aussi que cette hausse est inférieure à la trajectoire qui était fixée dans la loi de programmation budgétaire 2018-2022, adoptée en février dernier, qui prévoyait une augmentation de 5 %.

Mais, comme vous nous l’avez expliqué, madame la garde des sceaux, le budget a été revu à la baisse en raison de retards dans des chantiers de projets immobiliers pénitentiaires. C’est un fait.

À l’inverse, nous avons décidé de voir le verre à moitié plein et de constater – sans satisfecit excessif, car il y a encore beaucoup de chemin à parcourir pour mettre la justice à niveau dans notre pays – que l’évolution, depuis 2013, des moyens globaux alloués à la justice judiciaire montre une hausse significative.

On peut également se réjouir de l’augmentation réelle des effectifs présents en juridiction.

Avec ce budget, 1 520 emplois seront créés, ce qui portera, vous l’avez rappelé, madame la garde des sceaux, à 3 920 le nombre d’emplois créés depuis 2018.

L’administration pénitentiaire bénéficiera donc d’un millier de postes supplémentaires, et de près de 84 millions d’euros consacrés au programme immobilier, qui permettront de tenir compte des revendications légitimes des surveillants pénitentiaires et d’améliorer le fonctionnement et la sécurité des établissements dans lesquels ils travaillent.

Les effectifs de magistrats sont également renforcés dans les juridictions, avec la création de 384 emplois, afin de poursuivre le véritable effort de résorption du taux de vacance de postes de magistrats entrepris par le Gouvernement.

La protection judiciaire de la jeunesse profitera aussi de cette augmentation en moyens humains et se verra dotée de 94 postes d’éducateurs de plus.

Le ciblage de 70 emplois de magistrats et de 100 emplois de greffiers, la poursuite de la diversification de la prise en charge des mineurs délinquants, la construction de centres éducatifs fermés et la rénovation du parc immobilier, permis grâce aux crédits de 17 millions d’euros, concourront à la prochaine mise en œuvre de la réforme de la justice pénale des mineurs, qui entrera en vigueur au 1er octobre 2020.

Ces créations d’emplois permettront également aux juridictions et aux services pénitentiaires d’œuvrer dans le sens de la diversification des peines et du développement des alternatives aux peines de prison, l’un des cinq objectifs prioritaires de la loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice du 23 mars 2019.

Je pense notamment au bracelet anti-rapprochement, qui permettrait de géolocaliser et maintenir à distance les conjoints et ex-conjoints violents, et dont le périmètre d’éloignement serait fixé par un juge.

Il me semble tout aussi important de souligner que ce budget consacre des moyens considérables pour poursuivre la modernisation numérique de la justice.

Vous nous avez assuré, madame la garde des sceaux, que le réseau haut débit serait effectif sur un millier de sites judiciaires à la fin de 2020, y compris en outre-mer. J’y veillerai, car, dans ces territoires où l’insularité et l’éloignement géographique complexifient grandement l’accès au droit, cette transformation numérique est capitale.

Je dirai un dernier mot sur l’aide juridictionnelle, qui, à mon sens, nécessiterait une réforme d’ampleur, et qui pourtant vient de faire l’objet, à l’Assemblée nationale, de modifications aux conséquences importantes, mais incertaines, faute d’étude d’impact.

Ces modifications suscitent évidemment des interrogations. Quel sera l’impact du nouveau critère de « revenu fiscal de référence » par rapport à l’ancien critère de « ressources de toute nature » sur le périmètre des bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ? Les dispositions nouvelles ne sont-elles pas entachées d’incompétence négative et, dans ce cas, n’y a-t-il pas un risque d’inconstitutionnalité ?

Autre interrogation : l’implantation des bureaux d’aide juridictionnelle (BAJ) au sein des tribunaux de grande instance date de 1851. Le renvoi à un décret pour leurs futures implantations inquiète la profession d’avocat, sans garantie du principe de l’existence d’un BAJ dans le ressort de chaque cour d’appel. Ne serait-il pas, par ailleurs, préférable de prévoir que le décret soit pris en Conseil d’État ?

En conclusion, avec cette progression des crédits, nous pensons que le Gouvernement confirme la priorité accordée à la justice de notre pays. Ce budget consacre un effort particulier aux dépenses de personnel et d’investissement, dont notre justice a cruellement besoin.

C’est la raison pour laquelle, nonobstant les interrogations dont je me suis fait l’écho – j’espère que vous pourrez y apporter des réponses, madame la garde des sceaux –, le groupe La République En Marche votera en faveur de ces crédits.

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