Permettez-moi tout d’abord, monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, de vous dire que j’applaudis des deux mains l’expression de « coup de semonce » que vous avez employée et qui me paraît tout à fait appropriée. Un tir de semonce, c’est en effet un avertissement sans frais : on n’a pas l’intention d’atteindre la cible. En l’occurrence, nous ne voulons pas détruire le mécanisme qui a été mis en place à travers le contrat d’avenir signé avec la profession. Il s’agit cependant d’une mise en garde très formelle, très légitime et très opportune, monsieur Jégou, consistant à dire : « Attention, nous ne serons pas dupes ! »
En tirant un coup de semonce, vous ne coulez pas le système, mais vous montrez simplement que vous êtes extrêmement vigilants parce qu’il ne vous a pas échappé que le contrat d’avenir n’avait, jusqu’à présent, été respecté que par un tiers des professionnels de la restauration.
Alors, un coup de semonce, oui, mais n’allez pas jusqu’à la cible, pour l’instant. Je dis bien : pour l’instant.
J’espère que ce débat, qui vient particulièrement à propos, est bien entendu par les journalistes de qualité qui suivent nos débats et qu’ils s’en feront l’écho. De toute façon, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que, compte tenu de vos excellentes prestations sur les antennes de radio ou de télévision ou dans la presse, l’ensemble des professionnels concernés sont très attentifs à nos débats.
Plusieurs d’entre vous l’ont dit, un contrat, ça s’exécute et il faut rendre des comptes. Je voudrais donc attirer votre attention sur le calendrier. Hervé Novelli a une clause de rendez-vous : le 15 décembre, il tirera avec le représentant de la profession le bilan de cinq mois et demi d’application de l’accord.
Monsieur Charasse, vous ne voulez pas vous retrouver, vis-à-vis des restaurateurs, dans la situation d’un « c… », avez-vous dit pudiquement. Mais connaissez-vous beaucoup de contrats dont on vérifie l’exécution totale au bout de cinq mois et demi ? C’est pourquoi je vous engage à attendre au moins le 15 décembre pour juger de l’exécution d’une première partie du contrat, avant de tirer les conclusions, de tirer l’échelle et de laisser les cocontractants le bec dans l’eau.
J’en viens à l’aspect international de ce dossier, et vous l’avez vous-même évoqué, monsieur le président de la commission. Nous avons négocié, nous avons ferraillé pour soutenir nos arguments vis-à-vis de nos partenaires européens. Pourquoi ? D’abord pour tenir une parole. Mais également pour rétablir un équilibre. Il faut savoir qu’aujourd'hui plus de la moitié des pays membres de l’Union européenne appliquent la TVA à taux réduit sur la restauration, et pas seulement la restauration à emporter. Un de nos arguments consistait à dire qu’il n’y avait pas de raison que la moitié de l’Europe puisse manger à 5, 5% quand un certain nombre d’autres pays étaient contraints d’appliquer un taux de 19, 6%.
Le Conseil européen et la Commission nous ont donc finalement entendus aussi pour des raisons d’équité entre les États membres. L’un d’entre vous a mentionné l’Allemagne. L’Allemagne était effectivement l’un des pays qui s’étaient le plus opposés à l’obtention par la France d’une TVA à taux réduit pour la restauration. Mais qu’a fait l’Allemagne il y a trois semaines, juste après l’élection de la nouvelle coalition ? Elle a décidé d’appliquer son propre taux réduit de TVA à la restauration !
J’attire votre attention sur la position de la France sur la scène européenne. Après avoir demandé très solennellement l’application du taux réduit de TVA sur la restauration, comment changer de posture et revenir soudainement en arrière, alors même que nos voisins allemands viennent de nous suivre dans cette voie ?
Je vous demande de ne pas voter ces amendements, même si j’accueille ce débat avec beaucoup de satisfaction, car c’est précisément le langage que j’ai tenu aux professionnels. Je leur ai dit : « Méfiez-vous, si vous ne tenez pas votre parole, le Parlement saura vous la rappeler ! » C’est ce que vous faites à travers cette discussion, dont la presse s’est fort opportunément fait l’écho. Cela devrait beaucoup aider Hervé Novelli lors de ses rencontres avec la profession et cela soutiendra aussi l’élan des négociations sociales en cours. Mais ne tirez pas l’échelle maintenant : ce serait manifestement trop tôt dans le cadre de l’exécution d’un contrat conclu il y a moins de six mois.