L'article 1er tend à créer une nouvelle obligation de suppression de certains contenus haineux manifestement illicites par les grandes plateformes, dans les vingt-quatre heures après leur notification. Tout manquement à cette obligation de résultat serait pénalement réprimé par un nouveau délit : chaque non-retrait dans les temps prévus serait puni d'un an de prison et de 250 000 euros d'amende, une somme portée à 1,250 million d'euros pour les personnes morales. La rédaction proposée reste encore juridiquement très inaboutie, je l'ai évoqué dans mon propos liminaire : ce dispositif reste déséquilibré au détriment de la liberté d'expression - risque de « sur-censure », recours massif à des filtres automatisés, contournement du juge.
L'applicabilité concrète de ce nouveau délit est douteuse - certains représentants du parquet que nous avons auditionnés parlent d'un « droit pénal purement expressif » - et pose un problème d'imputabilité et de caractérisation de l'intentionnalité.
Le délai couperet de vingt-quatre heures interdit de prioriser entre les contenus les plus nocifs qui ont un caractère d'évidence et ceux qui nécessitent d'être analysés et contextualisés par des juristes.
Je ne reviens pas sur les observations de la Commission européenne, pour laquelle ce dispositif viole plusieurs principes majeurs du droit européen, notamment la responsabilité aménagée des hébergeurs résultant de la directive « e-commerce » et la liberté d'expression garantie par le Charte des droits fondamentaux.
Face aux risques pour la liberté d'expression, cette nouvelle sanction pénale inapplicable et contraire au droit européen ne peut qu'être supprimée, à ce stade, par le Sénat. Je vous propose toutefois de conserver certaines dispositions intéressantes en les améliorant et en les intégrant au régime général prévu par la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN), à savoir la substitution de messages informatifs aux contenus illicites retirés, et la possibilité de leur conservation pour les enquêtes judiciaires. Il en va de même de l'ajout des injures publiques à caractère discriminatoire et du négationnisme aux contenus devant faire l'objet d'un dispositif technique de notification spécifique mis en place par les hébergeurs.
Aussi, je vous propose d'adopter l'amendement COM-26 visant à rédiger cet article et, en conséquence, je ne peux qu'être défavorable à l'amendement COM-20 de M. Thani Mohamed Soilihi.
L'amendement COM-26 est adopté ; les amendements COM-20, COM-8, COM-12, COM-14 et COM-1 deviennent sans objet.