La présentation de cet amendement me permet de revenir sur l’injustice sociale induite par le mécanisme de redistribution proposé par le Gouvernement.
Dans le cadre de la contribution qu’ils ont rendue publique au mois de mai dernier, les sénateurs socialistes ont proposé de concentrer les efforts financiers sur les ménages les plus modestes.
Bien entendu, si l’on en croit les chiffres présentés dans l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, les ménages les plus modestes seraient susceptibles de percevoir un montant de compensation plus élevé que le montant de la contribution carbone acquittée, et Mme la ministre l’a réaffirmé. Mais qui peut croire qu’une aide de 46 euros permettra aux ménages modestes de pouvoir rénover leurs équipements, d’acheter une voiture moins émettrice de gaz à effet de serre ou de changer leur mode de chauffage ?
À l’inverse, j’imagine la surprise des bénéficiaires du bouclier fiscal, qui, juste après avoir perçu un chèque de remboursement de 380 000 euros en moyenne, en recevront un autre de 46 euros… Les ménages les plus favorisés pourront, même en l’absence du crédit d’impôt, engager les travaux nécessaires à l’amélioration de la performance énergétique de leur logement. Ils n’attendront pas le crédit d’impôt attribué par l’État. Par ailleurs, ils bénéficient déjà du crédit d’impôt « développement durable » pour effectuer les travaux nécessaires. Enfin, ce n’est pas parce qu’ils paieront 2 euros de plus leur plein d’essence que leurs fins de mois seront difficiles !
En revanche, les ménages les plus pauvres, qui sont très souvent de simples locataires et qui habitent, de surcroît, loin de leur lieu de travail, n’auront pas les moyens d’effectuer les travaux et ne seront pas en mesure de contraindre les propriétaires à les réaliser. Par conséquent, le montant de leur contribution carbone est « contraint » ! À ce titre, on pourrait imaginer la mise en place d’un droit opposable à l’efficacité énergétique des logements.
Dans ces conditions, le refus du Gouvernement de modifier son projet de loi relève, à nos yeux, de l’entêtement idéologique. Monsieur le ministre, ainsi que mon collègue Jean Desessard l’a rappelé en s’exprimant sur l’article 5, vous avez affirmé lors de la discussion générale qu’il s’agissait d’envoyer un signal aux consommateurs. Or, en conservant un tel mécanisme, le seul signal que le Gouvernement parviendra à envoyer à nos concitoyens sera celui de l’injustice fiscale.
Néanmoins, il est crucial de réussir le pari de l’acceptabilité sociale de la contribution carbone. J’en suis certain, les Français, même les plus aisés, comprendraient que l’on cible notre aide sur les ménages les plus pauvres, car ce sont ces derniers qui devront payer demain le plus lourdement les effets du changement climatique.
C’est la raison pour laquelle nous proposons d’exclure du champ d’application du crédit d’impôt les bénéficiaires du bouclier fiscal, ainsi que les contribuables assujettis à la dernière tranche de l’impôt sur le revenu et à l’impôt sur la fortune.