Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 11 décembre 2019 à 15h00
Usages dangereux du protoxyde d'azote — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons vise à protéger les mineurs d’un usage dangereux du protoxyde d’azote. Je salue l’initiative de notre collègue Valérie Létard, dont je partage pleinement les objectifs.

Depuis janvier 2019, dix cas graves, dont huit dans les Hauts-de-France, ont été recensés, suite à l’inhalation de cette substance par des mineurs. Le protoxyde d’azote, aussi connu sous le terme de « gaz hilarant », est sans doute l’agent volatile le plus ancien de la pharmacopée anesthésique. Ses propriétés euphorisantes, découvertes en 1799 par le chimiste anglais Humphry Davy, ont par la suite largement contribué au progrès de l’odontologie et de la chirurgie.

Si ce produit est encore utilisé en chirurgie, en complément de produits anesthésiants, il est également employé en tant que gaz de pressurisation en cuisine, dans les siphons pour crème chantilly. De même, son usage reste récurrent dans le monde sportif, afin de soulager les douleurs et les blessures des athlètes durant leurs performances.

Ce produit peut être acheté, pour une somme modique, par n’importe qui, en supermarché ou sur internet. Sa facilité d’accès et la publicité sur ses effets hilarants diffusée sur les réseaux sociaux ont popularisé un usage détourné, comme s’il s’agissait d’un produit purement récréatif et festif, chez des mineurs de plus en plus jeunes. Sa consommation, souvent en groupe, peut atteindre jusqu’à 200 capsules par jour. Le gaz a une action immédiate et agit sur une courte durée, provoquant des crises de fou rire et des modifications des perceptions.

Les jeunes consommateurs sont souvent peu conscients des risques qu’ils encourent en inhalant cette substance : brûlures par le froid, manque d’oxygène, irrégularités cardiaques, confusion mentale, notamment. Depuis le mois de janvier, vingt-cinq signalements d’effets sanitaires sévères ont été notifiés à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé. Sa consommation chronique provoque des carences en vitamine B12 susceptibles d’entraîner des dommages irréversibles sur le système nerveux central et la moelle épinière. Cela a été rappelé, notamment par Valérie Létard.

De nombreuses études scientifiques à travers le monde convergent sur les conséquences neurologiques de l’inhalation sans contrôle de trop fortes doses.

La Grande-Bretagne recense huit décès par an directement liés à la consommation de cette drogue. Le problème arrive en France, en particulier dans la métropole lilloise. Aussi, à la fin du mois de septembre, le maire de Tourcoing a pris un arrêté municipal pour en interdire l’usage détourné chez les mineurs. Les villes de Roncq et Neuville-en-Ferrain ont suivi, alertées par les familles et les nombreuses capsules vides jonchant les trottoirs.

Il semblerait que certains commerçants vendent directement les capsules contenant cette substance avec les ballons de baudruche qui servent à leur inhalation.

Aussi, le texte adopté à l’unanimité par la commission des affaires sociales, et légèrement remanié, prévoit l’interdiction de la vente de ce produit aux mineurs, ainsi qu’une peine d’un an d’emprisonnement et une amende de 1 500 euros pour incitation de mineurs à la consommation.

Pour accompagner cette mesure, des campagnes d’information sur les risques de cet usage détourné sont prévues dans les établissements scolaires. Quant aux industriels, ils seront tenus d’apposer sur chaque contenant incluant ce produit un pictogramme indiquant l’interdiction de vente aux moins de 18 ans. Toutes les actions de sensibilisation auprès des mineurs, y compris par des personnes célèbres, sont une bonne chose.

Nous soutenons l’ensemble de ces dispositions, qui vont permettre de protéger les mineurs, vulnérables et influençables, des risques liés à l’inhalation de protoxyde d’azote en limitant sa banalisation en France. Plus largement, cette proposition de loi traduit la volonté du législateur et du Gouvernement de contrôler et de réglementer les usages détournés des substances commercialisées librement, tels les solvants, les colles ou les médicaments à base de codéine, etc.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion