Le dernier rapport de la Fondation Abbé-Pierre sur le mal-logement estime toutefois à près de deux millions le nombre de personnes qui seraient susceptibles d'être concernées au 1er décembre 2008.
Ensuite, il ne faudrait pas sous-estimer les effets positifs que pourrait susciter la dynamique nouvelle enclenchée par ce texte.
Pour ces motifs, la commission des affaires sociales a considéré qu'en reportant les échéances, d'une manière d'ailleurs tout aussi aléatoire, on risquait surtout d'anéantir l'effet d'entraînement attendu de ce texte.
Pour autant, nous n'avons pas jugé utile d'anticiper d'un an la mise en oeuvre du droit au logement des personnes sans abri. Qu'on ne se méprenne pas, nous sommes très vigilants sur cette question, mais il ne faudrait pas entretenir une confusion regrettable entre droit au logement et droit à l'hébergement.
Notre attitude a donc plutôt consisté à organiser, sur une base pragmatique, un suivi précis et scrupuleux du déroulement du processus que nous enclenchons.
Nous proposons donc de confier au comité de suivi, mis en place autour du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, le soin de l'organiser, et notamment, de proposer dès juillet prochain des adaptations éventuelles du calendrier, modulables selon les degrés de tensions immobilières que connaissent les territoires. Il nous faut, en effet, tenir compte du cas particulier de la région parisienne et, de façon plus générale, des zones urbaines ou des territoires où la situation du logement est particulièrement critique.
Parallèlement, il m'a paru judicieux et légitime de recourir à la compétence reconnue du Conseil économique et social en ce domaine, à qui pourrait être confiée la rédaction d'un rapport d'évaluation à présenter au Président de la République et au Parlement avant le 1er octobre 2010, soit à mi-parcours, avant la généralisation du dispositif au 1er janvier 2012. Ce rapport aurait pour vocation d'apprécier les progrès réalisés dans le domaine du logement et de l'hébergement, ainsi que les besoins de la population à partir des données chiffrées précises concernant l'activité des commissions de médiation et des tribunaux administratifs. Nous pourrons alors proposer l'aménagement éventuel du dispositif et préciser les échéances à suivre.
D'ici là, la vraie solution passe par l'augmentation de l'offre de logements, notamment de logements adaptés aux besoins des ménages à revenus modestes. Nous ferons sur ce point plusieurs propositions pour accélérer le programme de construction de logements très sociaux, pour mieux mobiliser le parc privé et pour améliorer la solvabilité des ménages, en augmentant l'efficacité sociale des aides au logement et en étendant le système de garantie des revenus locatifs.
Avant de conclure, permettez-moi d'ajouter quelques mots sur la seconde partie du texte, qui traite de sujets plus divers, mais non moins intéressants.
D'abord, il s'agit de la reprise du mécanisme de « bouclier social », disposition adoptée par le Parlement dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, mais invalidée par le Conseil constitutionnel pour des raisons de procédure.
L'objectif, comme je l'avais d'ailleurs préconisé en mai 2003 dans un rapport au Premier ministre sur la mise en place d'un contrat d'accompagnement généralisé, est de lever un frein à l'initiative, parfois découragée par la complexité et le coût des procédures, et de permettre de légaliser un certain nombre de petites activités qui fonctionnent « au noir », faussant ainsi la concurrence avec les commerçants et les artisans qui exercent dans un cadre légal. Cette mesure mérite, à notre avis, d'être soutenue.
Ensuite, le texte reprend une proposition faite au Sénat, sur l'initiative de notre collègue Alain Gournac, visant à instituer un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile au profit des ménages non imposables qui ne peuvent, par définition, bénéficier de la réduction d'impôt actuelle. Le projet de loi étend cette disposition à tous les métiers des services à la personne, c'est-à-dire aux vingt métiers recensés, en particulier concernant l'aide aux personnes âgées ou handicapées, et permet d'y avoir accès y compris lorsqu'il est fait appel à un organisme agréé, tel un centre communal d'action sociale.
Cela a paru tout à fait opportun à la commission, et je vous inviterai donc à adopter cet article, mes chers collègues.
Une troisième disposition opère la transposition en droit national de l'article 24 de la directive européenne relative aux droits des citoyens de l'Union européenne de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres, qui autorise les États d'accueil à ne pas accorder de droits à une prestation d'assistance sociale aux personnes entrées sur leur territoire pour y chercher un emploi.
Le projet de loi applique cette mesure à trois types de prestations : le revenu minimum d'insertion, ou RMI, la couverture maladie universelle, ou CMU, et les prestations familiales. Il s'agit simplement d'éviter des mouvements de population liés à de seuls effets d'aubaine. Nos voisins ont d'ailleurs tous adopté des mesures similaires.
Enfin, la dernière mesure tend à créer un mécanisme nouveau, et à certains égards inédit, d'aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d'origine.
Il est ainsi proposé d'accorder à ces personnes une aide équivalente à la somme qu'elles auraient perçue si le minimum vieillesse était toujours exportable.
Nous comprenons parfaitement l'objectif humain de cette mesure, mais nous sommes plus réservés sur ses modalités qui soulèvent de réelles difficultés sur les plans juridique et financier. C'est pourquoi je vous ferai des propositions afin, notamment, d'éviter le risque d'une requalification de cette aide en prestation de sécurité sociale par la Cour de justice des Communautés européennes, car, dans ce cas, la France serait obligée de rétablir le caractère exportable du minimum vieillesse.
Pour conclure, je suis convaincu que ce texte, qui a rencontré l'adhésion de tous les acteurs associatifs et institutionnels du logement et de l'insertion, aura un effet stimulant et amplifiera les résultats déjà acquis et ceux qui sont à venir.
Je forme le voeu que chaque Français prenne la mesure de l'engagement pris par le Président de la République et le Gouvernement devant l'opinion publique.
À nous, parlementaires, de mettre en forme aujourd'hui ce texte, sans en dénaturer l'inspiration et en lui donnant l'énergie de notre confiance.
L'abbé Pierre se plaisait à dire ceci : « La politique, c'est rendre possible ce qui est nécessaire ».