Mes chers collègues, j'aimerais que chacun de nous se mette un instant à la place d'une personne en situation d'extrême précarité, confrontée à une telle procédure et à de tels délais !
De plus, le texte prévoit des conditions particulièrement mal définies : « suroccupation manifeste », « demande prioritaire », « ressources insuffisantes » ... Face à un public aussi fragilisé, ces conditions d'accès au droit sont évidemment d'une terrible complexité.
Nous pensons que l'opposabilité du droit au logement doit non seulement se définir selon les procédures prévues par la loi, que nous nous devons, en tant que parlementaires responsables, de rendre lisibles et efficaces, mais aussi s'appuyer sur les outils existants en la matière. Je pense notamment à la réquisition des logements laissés vacants par leur propriétaire, à la sollicitation des autres contingents et à une mobilisation importante du parc locatif privé aidé par l'État.
La crise du logement à laquelle nous sommes confrontés demande une politique plus résolue s'appuyant, dans un même mouvement, sur tous les leviers disponibles.
Il faut un plan d'urgence qui non seulement prévoie d'emblée l'arrêt des expulsions et des coupures d'eau, de gaz et d'électricité, la production massive de logements sociaux et la sécurisation des parcours résidentiels, mais aussi qui freine la spéculation immobilière, recentre la dépense fiscale, revalorise les aides au logement et encadre la baisse des loyers, de façon que ceux-ci n'excèdent pas 20 % des revenus du foyer.
Enfin et surtout, il convient de créer un grand service public du logement chargé de faire valoir le droit sur la loi du marché et d'assurer la transparence concernant l'offre locative et la satisfaction de la demande.
C'est avec ces moyens, que les amendements que nous avons déposés sur ce texte vous permettront d'adopter, mes chers collègues, que nous donnerons sens à l'opposabilité du droit au logement, envisagée dès 2002 par le Haut comité pour le logement des personnes défavorisées.
J'évoquerai rapidement, puisque j'y suis contrainte par le temps, la seconde partie du projet de loi, qui n'a pas de rapport avec la première partie.
Je souhaite simplement vous demander, monsieur le ministre, la raison pour laquelle ces mesures pour le moins diverses se trouvent à la remorque des dispositions relatives à l'opposabilité du droit au logement. Certaines d'entre elles, en tout cas, semblent plus une remise en cause des droits qu'une avancée.
Mes chers collègues, il serait regrettable que l'adoption par le Parlement du texte instituant le droit opposable au logement, qui est le reflet d'une émotion légitime, serve de cache-misère à quelques coups de canif supplémentaires dans notre modèle social.
Bien entendu, c'est en fonction de la prise en compte de nos propositions que nous nous déterminerons sur l'attitude à adopter au terme de la discussion de ce projet de loi.