Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer l’initiative de Mme Françoise Laborde. Je la remercie, au nom du groupe La République En Marche, pour l’ensemble de son travail.
C’est la première fois, en effet, que le Sénat se saisit de la question de la résilience alimentaire. Le sujet n’est pourtant pas nouveau. Depuis plusieurs décennies, la communauté scientifique nous alerte sur les risques que le réchauffement climatique fait peser sur nos systèmes de production et de consommation ; nous y reviendrons.
La question occupe par ailleurs une place de plus en plus importante dans le débat public. Au-delà de l’enjeu purement alimentaire, c’est la résilience même de nos sociétés face aux crises environnementales, économiques ou politiques qui est en cause. La littérature sur ce sujet est foisonnante ; je ne m’y attarderai pas.
Cette proposition de résolution n° 588 sur la résilience alimentaire des territoires et la sécurité nationale est donc un premier pas vers le traitement de ce sujet par les parlementaires. Ses auteurs entendent alerter le Gouvernement sur notre vulnérabilité alimentaire et sécuritaire en cas d’événements de force majeure. Ils proposent de mettre en place une stratégie de « territorialisation » des productions alimentaires, d’établir une cartographie des flux de production et de développer une culture du risque. Ils entendent, par ailleurs, inciter le Gouvernement à présenter un projet de loi de sauvegarde du foncier agricole, à engager une révision de la loi de programmation militaire et à intégrer la notion de résilience alimentaire des territoires dans la loi du 13 août 2004 de modernisation de la sécurité civile.
Force est de constater, mes chers collègues, que l’actualité de ces dernières années leur donne en grande partie raison.
En août 2019, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) s’est ainsi penché sur la question de la sécurité alimentaire dans son rapport spécial consacré aux terres émergées. Ce rapport souligne notamment que le changement climatique a une incidence sur les quatre piliers de la sécurité alimentaire, à savoir la disponibilité des produits agricoles, l’accès à la nourriture, l’utilisation qui en est faite et la stabilité de l’approvisionnement.
Ces dernières années, la résilience des systèmes alimentaires a par ailleurs occupé une place centrale dans la stratégie des institutions et des ONG d’aide aux populations les plus démunies. La répartition géographique de celles-ci coïncide, en effet, avec la carte des régions du monde le plus durement affectées par le changement climatique. Les périodes de sécheresse, combinées à un fort accroissement du nombre et de la gravité des catastrophes naturelles, augmentent leur vulnérabilité face aux pénuries alimentaires.
La récurrence des crises dans le monde a ainsi mis en lumière la nécessité de faire porter la réflexion sur l’urgence et le développement. L’aide humanitaire ne préparant que rarement les populations aux crises futures, il est nécessaire de traiter la question de la sécurité alimentaire de manière plus intégrée et durable.
Les risques pesant sur la sécurité alimentaire ne s’arrêtent toutefois pas aux frontières des pays défavorisés. La France, comme l’ensemble des pays industrialisés, est elle aussi directement concernée, malgré une production de denrées agricoles importante et supérieure à ses besoins.
La réduction des surfaces agricoles, l’artificialisation des terres, la raréfaction des ressources hydriques, l’hyper-sophistication des chaînes d’approvisionnement et la dépendance extrême aux énergies fossiles sont autant de facteurs qui rendent notre système alimentaire particulièrement vulnérable face aux menaces systémiques.
Cette vulnérabilité est exacerbée dans les territoires d’outre-mer, en raison de leur isolement et de leur insularité. Ces dernières années, ces territoires ont été confrontés à des crises naturelles et politiques qui ont affecté parfois durablement leur approvisionnement. Permettez-moi de m’y attarder un instant.
En septembre 2017, l’ouragan Irma a frappé de plein fouet les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, provoquant des difficultés d’accès aux produits de première nécessité dans les heures et les jours qui ont suivi la catastrophe. Le manque d’organisation et de réserves de nourriture a été à l’origine de scènes de violences et de pillages.
En mai 2018, les îles de la Désirade et de Terre-de-Bas, en Guadeloupe, ont vu leurs ports bloqués par l’arrivée d’immenses radeaux d’algues sargasses, les coupant presque entièrement du monde. Si le phénomène n’est pas ancien, il devrait s’accentuer dans les années à venir.
En décembre 2018, l’île de la Réunion a connu elle aussi une rupture d’approvisionnement en biens de première nécessité en raison du mouvement des « gilets jaunes ». Près d’un millier de conteneurs renfermant des produits frais, des matières premières destinées à la fabrication d’aliments pour animaux ou des médicaments et du matériel médical sont ainsi restés en attente de livraison.
Ces situations sont d’autant plus problématiques que les territoires d’outre-mer connaissent une dépendance croissante aux importations. Tous territoires confondus, les marchandises produites localement ne représentent que le quart des marchandises vendues par les distributeurs. Près de 95 % de ces marchandises sont d’ailleurs acheminées par voie maritime. Ces importations agroalimentaires sont rendues nécessaires par l’insuffisance de la production locale, malgré la mise en place de régimes d’aide. Il est donc, là aussi, nécessaire d’encourager davantage le développement des filières de diversification.
Compte tenu de ces éléments, notre groupe votera en faveur de l’adoption de cette proposition de résolution.