Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en quelques années, le logement est devenu pour les Français un sujet de préoccupation majeur.
En effet, un million de personnes ne bénéficient pas d'un logement décent et indépendant. Ainsi, 100 000 d'entre elles sont à la rue, les autres vivant dans un habitat précaire : hôtel meublé, sous-location surpeuplée, camping-caravaning, habitat de fortune. Il convient d'y ajouter les 5 % de Français qui, en matière de logement, cumulent les déficiences : surpeuplement, vétusté, absence de confort. Enfin, 9 % de la population habitent dans des logements surpeuplés : 800 000 personnes, dont un tiers de jeunes, sont privées de domicile personnel, 450 000 adultes, hors étudiants et apprentis, vivent chez des proches, parfois avec des enfants. Entre 400 000 et 600 000 logements sont indignes, insalubres ou dangereux.
Par ailleurs, jamais le logement n'aura autant pesé sur le budget des ménages. L'inflation constante des prix de l'immobilier, la progression des coûts de construction et, bien sûr, la hausse des loyers - 2, 7 % en moyenne pour les loyers, 5 % pour les charges en 2006 - condamnent de nombreux Français à une précarité durable. Selon la FNAIM, les loyers des appartements ont augmenté de 4, 6 % par an depuis 2000, soit largement le double de l'inflation.
La loi de finances pour 2007 constate que le taux d'effort net moyen des ménages est de 19, 5 % pour les bénéficiaires des minima sociaux et de 27, 4 % pour les salariés. Mais, selon la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés, ceux qui perçoivent les plus bas salaires - un SMIC pour une personne isolée ou 1, 5 SMIC pour un couple avec deux enfants - peuvent supporter un taux d'effort proche de 50 %.
Le logement constitue, aujourd'hui, un critère de ségrégation, non seulement sociale mais aussi territoriale. En effet, lorsqu'ils existent, les logements locatifs sociaux se trouvent concentrés sur certaines communes. Ce sont elles qui supportent au quotidien l'effort de la nation, réparti de manière inégale sur le territoire. Je rappelle, d'emblée, que sur les 740 communes concernées par l'application de la loi SRU, un tiers ont réalisé moins de 50 % de leurs objectifs et près d'une centaine n'ont rien entrepris pour rattraper leur retard. C'est inacceptable !
En cristallisant autant d'inégalités, le logement constitue désormais un enjeu de cohésion sociale.
Face à cet enjeu, monsieur le ministre, vous avez affirmé votre volonté politique. Vous présentez, d'ailleurs, la relance de la construction, chiffres à l'appui, comme le gage du succès de votre action. Certes ! Vous prétendez, aujourd'hui, parachever votre travail en instituant un droit opposable au logement. Pourquoi pas ?
Le droit au logement, qui a été depuis longtemps affirmé par la législation - il est inscrit dans la loi depuis 1989 ; il a été renforcé par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle depuis 1995 -, constitue un principe de progrès et de justice. Il a, d'ailleurs, été au coeur des combats menés par la gauche, tant institutionnelle que sociale.
Mais plus ce principe est érigé en obligation légale, constitutionnelle, plus la question de sa mise en oeuvre se pose. Ce n'est pas parce que l'on déclare passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat que la question pratique, liée à l'effectivité de ce droit, cesse de se poser.
Oui à un droit opposable au logement si, et seulement si, sa mise en oeuvre obéit au réalisme le plus élémentaire, si des dispositions fortes et concrètes sont prises en faveur du logement social destiné à tous les Français non logés ou mal logés.
Les amendements proposés par le groupe socialiste vous aideront, monsieur le ministre, à avancer concrètement dans cette direction. Vous en aurez d'ailleurs bien besoin, car en légiférant avec autant de précipitation, en prétendant résoudre aussi vite et aussi complètement le déficit en matière de logements, le Gouvernement éveille une suspicion bien légitime parmi tous les acteurs du secteur.
Rendre concret le droit opposable au logement signifie moins préciser les contours du recours juridictionnel que créer les conditions rendant inutile son emploi. Autrement dit, le droit opposable au logement n'intéresse les Français que s'ils n'ont pas à s'en servir !
Ce qui les intéresse, c'est d'être logés et non de voir l'astreinte versée par l'État, ou par son délégataire, enrichir un fonds d'aménagement urbain devant, à son tour, contribuer à leur logement. Or, la réponse à cette demande ne se trouve pas dans la seule augmentation quantitative de l'offre globale de construction. En effet, il convient de distinguer, en général, les logements financés et les logements lancés. Ensuite, seule la pleine adaptation de l'offre à la demande est en mesure de rapprocher véritablement les plus défavorisés du logement.
De ce point de vue, le nombre et, surtout, la structure des logements sociaux locatifs ne sont pas encore à la hauteur des besoins. Certes - c'est un point positif - vous venez de revoir vos ambitions à la hausse en ce domaine, mais le déficit structurel demeure et vous avez pris du retard.