En 2005, seuls 7 700 logements ont été construits grâce à un prêt locatif aidé d'intégration, un PLAI, la part de logement social intermédiaire atteignant, quant à elle, 30 % des logements financés. Or, les deux tiers des demandeurs ont des ressources inférieures à 60 % des plafonds relatifs au prêt locatif à usage social, le PLUS.
Par ailleurs, l'offre n'existe pas toujours, car il faut passer des programmes financés aux programmes lancés, puis déduire les démolitions, les ventes et les expirations de convention. En raisonnant en termes de solde, le parc social n'a augmenté que de 41 000 logements en 2005, alors que, en 2004, il avait crû de 30 000.
Soulignons, au passage, qu'il nous manque des données précises et harmonisées en ce qui concerne tant la réalité de la demande que la structure exacte de l'offre.
La mobilisation du contingent préfectoral annoncée dans le projet de loi, par le biais des conventions de délégation, ne suffira pas à garantir l'offre et à assurer ainsi l'effectivité du droit opposable au logement.
De plus, un tel levier fait toujours peser la charge du logement social sur les mêmes communes. L'un des paradoxes de l'application du droit opposable au logement pourrait être le renforcement de la ségrégation territoriale. Cette amplification du phénomène de ghettoïsation urbaine aurait alors un coût social extrêmement élevé.
La pleine application de l'article 55 de la loi SRU constitue donc une priorité, si l'on souhaite à la fois répondre au défi du logement pour tous et garantir la mixité sociale.
De nombreux outils existent : étendre le champ des communes soumises à l'obligation de disposer de 20 % de logements locatifs sociaux, affecter un coefficient supérieur au logement financé par un PLAI ou un PST et minorer les PLS, multiplier le prélèvement effectué par logement social manquant ou moduler la DGF en fonction de la réalité de l'effort entrepris, substituer à la défaillance communale l'autorité de l'État pour la mise en oeuvre de programmes de rattrapage.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, un certain nombre de maires, qui vous sont proches, préfèrent payer une amende plutôt que de souscrire aux programmes de solidarité dans le domaine du logement.
Dans un esprit proche, pour assurer l'égalité de traitement des collectivités territoriales devant l'effort en matière de logement, les plans départementaux de l'habitat, les PDH, et les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées, les PDALPD, pourraient être généralisés et devenir très contraignants.
Au-delà de la loi SRU, l'exigence de mixité de l'habitat devrait être encouragée à toutes les échelles : tout programme neuf financé en PLUS pourrait comprendre un pourcentage de logements financés en PLAI ; tout programme de construction aidé, notamment fiscalement, pourrait comporter un pourcentage de logements sociaux et très sociaux.
Par ailleurs, il serait illégitime et inefficace de limiter l'action en faveur de l'offre au seul parc public. La mobilisation du parc privé est nécessaire, afin non seulement d'accroître l'offre quantitative, mais aussi d'en garantir la qualité, notamment en termes de mixité et de confort.
À cet effet, notamment par le biais de l'ANAH, les programmes d'action des PLH peuvent à la fois orienter la construction neuve privée et contribuer au développement d'une offre locative à loyers maîtrisés, voire très maîtrisés. Ils peuvent favoriser la résorption de la vacance et aider à la lutte contre l'habitat indigne.
Les collectivités territoriales, ou l'État en cas de défaillance, pourraient aussi répondre graduellement aux besoins par la location temporaire de logements ordinaires, financée notamment par l'aide personnelle.
En cet instant, je souhaite ouvrir une parenthèse et citer l'expérience intéressante menée en Grande-Bretagne. Ce pays a mis en place, depuis 1977, le homeless persons act, notamment à Londres, qui met en réseau les mairies d'arrondissement, les housing associations, les propriétaires et l'État. Les mairies, auxquelles incombe l'obligation du droit opposable au logement, établissent des listes de homeless et s'adressent aux associations précitées pour trouver des opportunités de location, moyennant rémunération. Les housing associations passent des contrats avec les propriétaires privés et remettent les logements en état a minima. Les propriétaires ont une garantie de loyer. Les populations défavorisées sont logées et réparties dans le parc privé. Elles y restent entre six mois et cinq ans, ce qui permet de trouver des solutions plus définitives. L'État verse aux housing associations l'équivalent d'une aide personnelle au logement. En 2004, 280 000 personnes étaient ainsi hébergées en logements temporaires.
Un tel dispositif, qui se substitue au système de l'hébergement en hôtel, permet actuellement d'apporter une bouffée d'air en matière de logement, secteur également confronté à de grandes difficultés en Grande-Bretagne, notamment à Londres. À Paris, un effort a été effectué, puisque la société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris, la SIAMP, s'est vu confier la mission d'inciter des propriétaires privés à louer leur appartement, moyennant un loyer garanti.
De manière générale, les collectivités locales sont de plus en plus mises à contribution, notamment celles qui ont demandé la délégation des aides à la pierre. Nombre d'entre elles ne sont pas servies financièrement à hauteur des conventions de délégation signées.
De plus, la subvention unitaire moyenne accordée par l'État aux opérations financées par un PLUS ou un PLAI est en baisse relative, compte tenu de la forte augmentation des coûts de construction.
Ces mêmes collectivités continuent à financer les surcharges foncières et elles gèrent, au niveau des départements, les fonds de solidarité pour le logement, après le retrait de l'État et des ASSEDIC.
À rebours de ce mouvement, les maires bâtisseurs de logements sociaux devraient, au contraire, être financièrement encouragés, par exemple, à travers la dotation d'équipement, la modulation des taux de subvention pour les équipements publics ou la modulation de la DGF.
Si l'on ajoute à cela la fiscalisation croissante de la politique du logement, au détriment, notamment, de l'investissement budgétaire, on conviendra que nous assistons, en termes de moyens, à un désengagement relatif de l'État.
Rappelons à ce titre que, en 2007, l'amortissement Robien devrait coûter à l'État 400 millions d'euros, montant comparable aux crédits finançant les logements locatifs sociaux. Un logement financé selon le dispositif de l'amortissement Robien coûte bien plus cher à la nation qu'un logement social : son coût s'élève à 33 000 euros par an. Je vous communique ce chiffre pour que vous puissiez le méditer !
Cette défiscalisation a contribué à l'enrichissement personnel d'investisseurs plutôt aisés sans contrepartie sociale : les logements haut de gamme ainsi construits, loués à un prix élevé, trouvent parfois difficilement des locataires.