Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 17 décembre 2019 à 14h30
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution et mandat des membres de la hadopi — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission et d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons un projet de loi ordinaire et un projet de loi organique prévoyant de modifier la liste des nominations auxquelles procède le Président de la République, en application de l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution.

Cette procédure de nomination, instaurée en 2008, a constitué une évolution, malgré les réserves qu’a exprimées notre collègue Éliane Assassi – avant cette date, les nominations n’étaient pas discutées au Parlement –, même s’il est difficile de parler d’un droit de veto. Il faut en effet qu’une candidature recueille plus de 60 % de votes négatifs au sein des deux commissions des deux assemblées pour que le Président de la République essuie un refus, ce qui, jusqu’à présent, ne s’est jamais produit, même si l’on n’est pas passé loin dans certains cas.

En tout état de cause, cette procédure est un moyen d’échanger avec le candidat, de connaître sa personnalité et ses orientations, et de renforcer le contrôle parlementaire, au moins lors des discussions. Cette procédure va donc dans le bon sens.

Cela étant, force est de constater que, dans la pratique, il est compliqué de dépasser 60 % d’avis négatifs, compte tenu de la composition du Sénat et de l’Assemblée nationale. La procédure mérite donc d’être revue. En effet, lorsque nous auditionnons une personnalité dont la nomination est proposée par le Président de la République, nos échanges ont plus à voir avec une conversation inspirée et sympathique qu’avec un réel contrôle.

À cet égard, je rappelle qu’il est arrivé qu’une personnalité dont la candidature avait été validée par la commission des lois n’occupe finalement pas le poste auquel elle était nommée à la suite des révélations d’un hebdomadaire paraissant le mercredi… Force est de reconnaître que nos contrôles ont une portée limitée.

De plus, les lois organique et ordinaire limitent les questions qu’il nous est possible de poser et l’obligation de répondre des personnes auditionnées.

Nous avons donc déposé des amendements tendant à faire évoluer cette pratique, afin que nos échanges avec les personnes auditionnées puissent être non pas une simple conversation, mais un véritable exercice de contrôle.

Je remercie le rapporteur de la commission des lois d’avoir permis une convergence de vue sur l’évolution de la liste des emplois publics soumis à cette procédure de nomination. Je pense ici au poste de président de la CADA et de directeur général de l’OFII.

La CADA, cela a été rappelé, est une instance particulièrement importante, qui assure la transparence des données de l’administration et met en œuvre l’open data. Elle est donc absolument indispensable pour établir la confiance entre le citoyen et l’administration.

Compte tenu de l’évolution du rôle que joue la CADA, du nombre et du type de questions qui lui sont posées, des échanges plus fournis avec le candidat à sa présidence, en particulier sur les orientations qu’il souhaite donner à cette institution, seraient justifiés. Il nous faudra revenir sur ce sujet, car l’évolution des demandes envoyées à la CADA suscite des interrogations.

Monsieur le secrétaire d’État, l’OFII n’est pas juste un organisme consultatif : il est essentiel pour l’accueil des demandeurs d’asile et pour notre politique d’intégration. Pour assurer une bonne mise en œuvre de cette politique, il est important que les commissions parlementaires concernées puissent avoir des échanges avec les personnes nommées à la tête de cette institution.

Logiquement – hélas ! –, le texte retire la Française des jeux de la liste des entreprises et des institutions dont les dirigeants sont soumis à cette procédure de nomination. À cet égard, je n’ai rien à ajouter à ce qu’a dit notre collègue Éliane Assassi. Comme elle, je déplore que l’intérêt privé prévale sur l’intérêt général.

Je rappelle que le Loto a été créé pour venir en aide financièrement aux invalides de guerre. Or ce n’est plus du tout la philosophie dans laquelle nous nous inscrivons aujourd’hui. Confier l’exercice d’un monopole à une entreprise privée et supprimer le contrôle de l’État sur la nomination de son dirigeant constituent tout de même une démission difficile à accepter. Nous avons donc déposé un amendement tendant à supprimer cette disposition.

Tout a été dit sur la gouvernance de la SNCF. Bien entendu, la nomination des dirigeants de SNCF Réseau, qui est essentiel pour l’aménagement du territoire et pour la transition écologique, mérite aussi des échanges directs avec le Parlement. Nous soutiendrons bien entendu les propositions de nos commissions sur ces questions.

Enfin, se pose une question démocratique : pourquoi ces textes nous sont-ils soumis aujourd’hui ? On nous propose de prendre en compte les conséquences d’ordonnances qui n’ont pas été ratifiées ou d’anticiper l’adoption d’un projet de loi qui n’a pas encore été discuté !

Je veux bien que l’on fasse preuve de pragmatisme et qu’on se dise que, finalement, tout cela sera sans grandes conséquences. Dans le cas de la Française des jeux, je le comprends, compte tenu ce qu’il s’est passé au Parlement, même si on le déplore – quand on est un groupe minoritaire, on sait jusqu’où on peut aller.

En revanche, préjuger du sort d’un projet de loi, même s’il s’agit en grande partie de transposer une directive européenne, ce n’est pas correct, monsieur le secrétaire d’État. Le Gouvernement a, à l’évidence, un problème d’agenda parlementaire.

Pourquoi nous soumettre aujourd’hui un texte visant à prolonger les mandats des membres de la Hadopi et avoir anticipé l’adoption par le Parlement de la fusion de la Hadopi et du CSA ? Pourquoi ne pas avoir plutôt procédé d’abord à la transposition de la directive européenne, ce qui aurait permis au Parlement de discuter ensuite de la fusion du CSA et de la Hadopi, avant de nous proposer de tirer les conséquences de cette fusion ?

Il y a donc bien, et M. le rapporteur l’a signalé, un réel problème démocratique. Monsieur le secrétaire d’État, il semblerait que le Gouvernement auquel vous appartenez considère que les assemblées sont des chambres d’enregistrement et que le dépôt d’un projet de loi en conseil des ministres vaut adoption par le Parlement !

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