Intervention de Philippe Bonnecarrere

Réunion du 17 décembre 2019 à 14h30
Application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution et mandat des membres de la hadopi — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi organique dans le texte de la commission et d'un projet de loi dans le texte de la commission modifié

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous procédons aujourd’hui au toilettage de la loi organique relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

D’une certaine manière, il s’agit d’un débat original, car il est essentiellement technique, malgré de modestes aspects politiques. Telle est la règle du jeu : il arrive qu’il y ait un décalage entre le sujet inscrit à notre ordre du jour et les préoccupations qu’exprime au même moment l’ensemble de la société. Certains sujets importants doivent néanmoins être traités.

Pour en revenir aux textes inscrits à notre ordre du jour, notre groupe apprécie tout particulièrement les évolutions qui ont été permises par l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution, lequel définit les conditions dans lesquelles le Président de la République procède à certaines nominations, après avis des assemblées, selon des modalités de majorité qui ont été rappelées.

Pour notre part, nous sommes bien sûr favorables à tout ce qui va dans le sens de la transparence du processus de nomination.

Cette procédure de nomination est un élément important du contrôle du Parlement et, plus généralement, une évolution de la société. Elle permet de vérifier les compétences des personnes nommées, mais aussi d’évaluer les missions qui leur sont confiées. Ceux qui ont participé à ce type d’auditions le savent – c’est le cas de la quasi-totalité d’entre nous –, elle permet surtout, au-delà de la question du CV, de vérifier la pertinence des objectifs des candidats au regard des enjeux à traiter.

Cette procédure intervient en parallèle des efforts effectués dans d’autres domaines. Selon moi, le niveau local et le niveau national ne peuvent être dissociés. Tout ce qui, à l’échelon local, permettra, par exemple, la certification des comptes des collectivités contribuera à la transparence.

Par ailleurs, le « toilettage » de la loi organique et de la loi ordinaire ne justifie pas de très longues considérations. Le nombre d’emplois visés au cinquième alinéa ne me paraît pas essentiel. Que la liste comprenne 51, 54 ou 56 emplois ne me paraît pas revêtir une valeur symbolique particulière.

En revanche, l’extension, proposée en commission des lois et par les rapporteurs pour avis, de la procédure de nomination aux dirigeants de la CADA et de l’OFII me paraît de bon sens, compte tenu de l’importance des fonctions qu’ils exercent, mais également de la nature mixte de leur activité, laquelle est à la fois technique et très politique.

La gestion des migrations dans notre pays et les conditions d’intégration des demandeurs d’asile ne sont pas de minces sujets. Il serait étonnant de les traiter uniquement comme des questions techniques. Il nous paraît donc rationnel d’appliquer aux dirigeants de ces structures la procédure prévue à l’alinéa 5 de l’article 13 de la Constitution.

Je ne partage pas l’enthousiasme de certains quant à l’ajout de l’Anssi, qui est un service du Premier ministre. Il me paraît quelque peu curieux d’imaginer la transformation d’une structure touchant à l’exercice de la souveraineté nationale en autorité administrative.

Ainsi que plusieurs collègues l’ont souligné, le véritable sujet pour nous réside dans l’inflation des AAI et dans le processus permanent d’« agencification » du fonctionnement de l’État.

Ce phénomène nous semble tout à fait regrettable. Tout d’abord, cela revient à ôter au Parlement une partie de ses compétences ; mais je ne souhaite pas me livrer à un plaidoyer pro domo ou à une défense de préoccupations corporatistes. D’ailleurs, une telle évolution est surtout dommageable pour le pays : elle nuit à la fois au principe de transparence et au sentiment qu’ont les citoyens d’influer sur le fonctionnement de la société. Quelle vision ces derniers peuvent-ils avoir du contrôle des processus de décision dans notre pays alors qu’il existe plus d’une quarantaine d’AAI et que les agences se multiplient ?

Il nous semble donc extrêmement utile de revenir sur une telle problématique. D’ailleurs, cela fonctionne dans les deux sens. Tout à l’heure, après l’examen du présent projet de loi organique, nous discuterons de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, et nous étendrons à cette occasion les missions d’une AAI, en l’occurrence le Conseil supérieur de l’audiovisuel.

De tels mouvements ne nous posent donc aucun problème, dès lors qu’il existe des contreparties et que l’on trouve un équilibre entre l’extension des fonctions de régulation confiées à telle ou telle agence et la réduction de leur nombre.

À l’heure où notre pays connaît des troubles, j’insiste sur l’importance de la confiance dans la parole publique : qu’il s’agisse des retraites ou d’autres sujets, c’est bien cela qui est en cause. Notre difficulté, y compris dans le cadre des discussions que nous, parlementaires, avons avec nos concitoyens, est de pouvoir apporter la démonstration que l’exemple vient d’en haut.

À mon sens, le Gouvernement devrait se saisir de la question des agences et des autorités administratives indépendantes. Le Parlement a attiré son attention sur le sujet à plusieurs reprises. Une rationalisation des AAI, une réduction de leur nombre et – parlons en toute franchise – une diminution des moyens qui leur sont affectés seraient, me semble-t-il, de nature à renforcer la lisibilité de l’action publique et la confiance envers la parole publique.

Pour le reste, les dispositions de toilettage qui figurent dans le présent projet de loi organique ne soulèvent aucune difficulté à nos yeux. C’est ce qui justifiera le vote favorable de notre groupe.

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