Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 17 décembre 2019 à 14h30
Lutte contre les contenus haineux sur internet — Article 1er, amendements 41 2

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

L’amendement de Mme de la Gontrie vise à réaffirmer le rôle de l’autorité judiciaire pour apprécier le caractère illicite des contenus haineux. Il s’agit d’introduire une sorte de référé-confirmation : les contenus haineux notifiés devraient être retirés temporairement par tout intermédiaire technique, lequel ferait valider sa décision par le juge des référés.

Je souscris pleinement aux arguments de principe des auteurs de l’amendement sur le rôle du juge. Toutefois, je ne suis pas convaincu par le mécanisme qu’ils proposent.

Sur le rôle du juge, nous nous rejoignons : la faculté donnée à chacun de communiquer et de s’exprimer librement en partageant des contenus sur internet suppose un équilibre délicat entre la liberté reconnue aux personnes et la protection des droits d’autrui ; en France, traditionnellement, l’une des garanties essentielles pour assurer cet équilibre repose sur l’intervention de l’autorité judiciaire.

C’est notamment pour cette raison que la commission des lois a rejeté le dispositif initial de la proposition de loi, qui faisait reposer l’appréciation du caractère illicite d’un contenu, essentiellement, sur les seules plateformes, en lieu et place d’un juge. Il y va aussi de notre souveraineté numérique, comme plusieurs orateurs l’ont fait observer.

En revanche, le mécanisme proposé pour réintroduire le juge ne me semble pas opérationnel. La saisine du juge serait, si l’on suit les auteurs de l’amendement, systématique, pour faire confirmer tout retrait de contenus. Cette mesure conduirait immanquablement à engorger nos juridictions au-delà du raisonnable. En outre, la procédure resterait à l’initiative des seuls intermédiaires techniques ; elle représenterait donc une charge importante pour eux. Enfin, les places dans cette instance de l’auteur du contenu et, surtout, de l’auteur de la notification ne sont pas précisées, alors que ces personnes sont celles qui ont les meilleurs arguments à faire valoir.

Dans ces conditions, je demande aux auteurs de l’amendement n° 41 de le retirer au profit des amendements déposés à l’article 2, qui me paraissent de nature à mieux satisfaire leur volonté sur la question particulière du délai de vingt-quatre heures. Il s’agira de fixer non pas un délai couperet de vingt-quatre heures pour tous les contenus, mais un objectif, une moyenne de vingt-quatre heures, sous le contrôle du régulateur : une obligation non pas de résultat, mais de moyens.

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