Intervention de Christophe-André Frassa

Réunion du 17 décembre 2019 à 21h30
Lutte contre les contenus haineux sur internet — Article 2, amendements 15 16

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa :

Ces quatre amendements visent à revenir sur-le-champ et la liste des opérateurs soumis à la régulation des plateformes.

Si les amendements n° 15 et 16 étaient adoptés, plus aucun hébergeur ne serait soumis à la régulation et aux obligations de moyens sous la supervision du CSA. Nous y sommes donc défavorables.

L’amendement n° 43 de M. Montaugé vise à réintroduire les moteurs de recherche dans le champ des opérateurs supervisés par le CSA. Il s’agit d’un vrai sujet qui mérite réflexion. C’est pourquoi nous avons eu ce débat à trois reprises : lors des auditions, lors de la présentation du rapport en commission et à l’occasion de l’examen de cet amendement en commission.

La commission a estimé nécessaire d’exclure les moteurs de recherche de la régulation pour deux raisons.

La première tient à leur rôle bien moins déterminant que celui des réseaux sociaux dans la propagation virale de la haine. La seconde est liée à leurs caractéristiques techniques différentes, qui rendent quasiment impossible de désindexer un seul propos haineux précis d’un moteur de recherche sans rendre inaccessible tout le reste d’une page d’un journal ou d’un site pourtant licite.

Pour entrer dans le détail, monsieur Montaugé, les moteurs de recherche, dans leur fonctionnement technique, leur finalité et leur effet sur la viralité d’un contenu, se distinguent substantiellement des réseaux sociaux. Ils organisent la visibilité des contenus sur le net de façon algorithmique, constante et prévisible. Il n’y a normalement aucun traitement particulier en fonction de l’identité de l’auteur de la recherche. La hiérarchisation des contenus n’a pas un caractère social : on ne peut pas poster directement des contenus sur un moteur de recherche, partager ou réagir pour en augmenter l’audience avec des like ou des share, par exemple.

Les moteurs de recherche ne contribuent pas, comme le font les réseaux sociaux, à la viralité d’un contenu. L’utilisateur d’un moteur de recherche n’y voit que les informations qu’il est venu chercher en fonction de sa requête, contrairement aux réseaux sociaux sur lesquels une foule de contenus publiés par ses contacts lui sont proposés.

Si les moteurs de recherche contribuent à la visibilité des sites internet, ce ne sont pas eux qui rendent directement ces sites ou les contenus publics. Un site se retrouve référencé dans le moteur de recherche, non pas à la demande de son auteur, mais automatiquement.

Enfin, les moteurs de recherche ne stockent pas les contenus, ils les référencent. Ils ne peuvent pas bénéficier techniquement du recours à certaines bases de données de contenus illicites.

Par ailleurs, comme je l’ai dit, les caractéristiques techniques des moteurs de recherche rendent quasiment impossible de désindexer un seul propos haineux sans rendre inaccessible tout le reste d’une page ou d’un site pourtant licite. Un passage haineux peut être présent sur un site indexé à côté de bien d’autres passages qui ne le sont pas. Je pense, par exemple, à un commentaire sur la page d’un média, d’un forum ou d’un site consacré à des débats participatifs : faut-il pour autant déréférencer le site entier au risque d’atténuer significativement sa visibilité sur internet et la liberté d’expression des autres utilisateurs ?

Pour conclure, je note que la loi allemande, la NetzDG, les exclut de son périmètre et que la proposition de loi initiale de Mme Avia ne les incluait pas.

La commission vous demandera donc, monsieur Montaugé, de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi elle y sera défavorable.

Enfin, l’amendement n° 57 du Gouvernement vise à supprimer la possibilité donnée au CSA de faire entrer dans le champ de sa régulation des plateformes moins grandes, mais très virales. Il s’agit pourtant d’un dispositif qui introduit de la souplesse et auquel tient la commission : elle émettra donc un avis défavorable sur cet amendement.

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