Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, parce qu’elle prévoit de protéger les femmes de toute forme de violences commises au sein de la famille, parce qu’elle vise à prévenir ces violences et à les punir, la proposition de loi que nous adopterons aujourd’hui revêt une importance capitale.
Une femme sur trois dans le monde est exposée à la violence au cours de sa vie. Le plus souvent, cette violence s’exerce au sein même du couple. Parce qu’elles représentent une altérité et que leur liberté ne coïncide pas toujours avec celle des hommes, les femmes sont souvent victimes d’un engrenage de violence, qui commence par des mots, des menaces et finit par des coups. Parfois, mais toujours trop souvent, ces coups sont mortels. D’après l’Organisation mondiale de la santé, 38 % des meurtres de femme sont le fait de leur conjoint ou ex-conjoint.
Ces violences domestiques sont les derniers vestiges de mentalités arriérées, d’un sexisme primaire, d’une relation d’oppression insupportable. L’égalité entre les femmes et les hommes devrait être non pas une question, mais une évidence. Pour reprendre les mots de Simone Veil, il s’agit non pas d’effacer les différences, mais de les prendre en compte.
En parallèle des travaux parlementaires, le Gouvernement a engagé un Grenelle contre les violences conjugales en septembre dernier pour apporter le plus rapidement possible des solutions opérantes et efficaces pour protéger les victimes. Dix mesures d’urgence ont été annoncées, aux premiers rangs desquelles figurent la création de 1 000 nouvelles places d’hébergement, un audit général des commissariats et des gendarmeries et la possibilité de déposer plainte à l’hôpital. D’autres mesures suivront, début 2020, pour inscrire dans la loi les propositions issues de la concertation nationale.
La proposition de loi visant à agir contre les violences au sein de la famille est l’initiative du député Aurélien Pradié, dont nous saluons ici le travail. La commission mixte paritaire est parvenue à un accord le 27 novembre dernier, preuve que cette question rassemble toutes les sensibilités politiques – c’est heureux ! – et que chacun d’entre nous est prêt à s’engager pour protéger davantage les femmes victimes de ces violences.
Les deux principales mesures dont bénéficieront directement les victimes sont la généralisation du bracelet anti-rapprochement et la réduction du délai maximal de délivrance de l’ordonnance de protection à six jours au lieu de quarante-deux jours. Le dépôt de plainte ne sera plus nécessaire à sa délivrance.
Au cours de son examen, notre assemblée a largement contribué à enrichir le texte, avec des dispositions importantes. Je citerai notamment la sensibilisation des jeunes à la lutte contre les violences conjugales lors de la journée défense et citoyenneté et l’exclusion de la succession du conjoint condamné pour des faits de violence envers le défunt. La commission mixte paritaire a souhaité supprimer cette dernière mesure, et nous le regrettons.
Nous saluons la bienveillance de la commission à l’égard de la demande de rapport sur les conséquences du maintien de l’autorité parentale de l’auteur de violence et la possibilité de sa suspension. Nous invitons le Gouvernement à aller plus loin que la production d’études et de rapports qui, trop souvent, ne font qu’alourdir les étagères des bureaux ministériels.
La commission mixte paritaire a conforté l’article 2 relatif à l’ordonnance de protection, tout en limitant à l’article 2 quater l’utilisation d’un bracelet anti-rapprochement à une durée initiale de trois ans, renouvelable selon l’appréciation du juge. Il s’agit là du cœur de la proposition de loi.
Proposé par le Gouvernement, l’article 2 ter inscrit au Fichier national des personnes interdites d’acquisition et de détention d’armes les personnes visées par une ordonnance de protection. Nous sommes bien sûr favorables à ce dispositif de bon sens.
En juillet dernier, 150 sénateurs alertaient le Gouvernement et l’opinion publique avec la publication d’une tribune appelant à une généralisation des bracelets électroniques pour prévenir les féminicides. Quelques mois plus tard, cette initiative menée par Annick Billon et la délégation aux droits des femmes a trouvé un écho à travers cette proposition de loi issue de l’Assemblée nationale. Le groupe Les Indépendants – République et territoires renouvelle son soutien : nous voterons les conclusions de la commission mixte paritaire.