Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avant toute chose, j’aimerais remercier le groupe CRCE d’attirer l’attention du Sénat et du Gouvernement sur la question de la pédopsychiatrie en France.
Nous devons être attentifs aux difficultés d’accès aux soins pour les enfants et les adolescents atteints de troubles psychiatriques. La pédopsychiatrie souffre du numerus clausus, trop bas, mais aussi d’une crise des vocations, comme en témoignent les nombreux postes vacants. Et ce sont les patients vivants dans les territoires ruraux qui sont les plus pénalisés.
Ce débat est l’occasion de soulever un problème de santé publique majeur, que notre groupe a déjà évoqué lors de l’examen de l’article 25 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 sur la réforme de la psychiatrie. Le Gouvernement souhaite réformer et renforcer la psychiatrie dès 2020, ce que nous saluons ; nous devons agir ensemble, parlementaires et Gouvernement, pour trouver des réponses d’urgence comme de long terme à ce secteur en difficulté.
Un million de jeunes sont confrontés, chaque année, à des problèmes de santé mentale. Nous le savons, dans ce domaine, plus la prise en charge est précoce, c’est-à-dire dans les cinq premières années de développement de la maladie, plus les chances de guérison sans séquelles sont élevées.
Or, faute de pédopsychiatres disponibles, les délais de prise en charge sont de plus en plus longs. Dans de nombreux départements, les services n’ont plus les moyens d’assurer leurs missions, il est très souvent impossible d’avoir une consultation ou même, pour un médecin généraliste, un avis téléphonique en urgence.
Une situation de souffrance psychique prolongée peut favoriser l’apparition de pathologies psychiatriques, durables si elles ne sont pas surveillées et prises en charge. Nous savons également que certains troubles rencontrés au cours des premiers âges de la vie peuvent réémerger au moment de l’adolescence ou lors de périodes de rupture. Nous devons répondre à toutes les situations, tout en étant réactifs dans la prise en charge des cas urgents.
La société évolue rapidement et nous observons l’apparition de nouveaux besoins en réponse à ces évolutions. Nous le constatons en milieu scolaire, avec des problèmes récurrents de phobie, d’addiction, de trouble de l’apprentissage et de harcèlement, problèmes qui sont accentués par l’essor des réseaux sociaux. Nous avons soulevé ce problème lors de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet. Chaque année, 700 000 élèves en sont victimes dans le cadre scolaire et un grand nombre de pathologies se développe du fait de l’insuffisance de réaction de la part des adultes et des pouvoirs publics. « Je suis responsable de ce qui arrive à autrui », écrivait Emmanuel Levinas ; nous devons sûrement nous inspirer davantage de cette phrase.
Les attentes sont très fortes en matière d’efficacité de la prise en charge. Nous devons tout faire pour protéger et soigner les plus jeunes afin de préserver leur développement et leur intégration ultérieure dans la vie active. Selon l’OMS (Organisation mondiale de la santé), 50 % des maladies psychiatriques de l’adulte apparaissent avant 16 ans.
Aussi, la première priorité est la nécessité d’intervenir au stade le plus précoce, lorsque les chances de rémission et la réponse aux traitements sont les meilleures.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, qui prévoit un examen systématiquement des enfants lors de leur entrée en centre départemental de l’enfance, va dans le bon sens, notamment pour les mineurs non accompagnés (MNA). Il s’agit aussi d’éviter les complications liées à l’absence de traitement qui influencent à long terme le parcours de l’enfant. Soigner le plus tôt possible, c’est aussi prévenir les risques d’isolement, de décrochage scolaire et d’addiction.
La deuxième priorité, c’est la continuité des soins, souvent absente faute de moyens et de liens, pourtant indispensables, entre la pédopsychiatrie et le médico-social. Dans les familles d’accueil et surtout dans les maisons d’enfants à caractère social (MECS), où se retrouvent les enfants après le centre départemental de l’enfance, le personnel doit avoir rapidement accès aux pédopsychiatres, car un enfant avec des troubles du comportement ou violent peut déstabiliser un établissement et user complètement l’équipe éducative.
Pour répondre à ces besoins, nous devons développer des équipes mobiles de psychiatrie et de pédopsychiatrie, en particulier en zone rurale. La télémédecine pourrait dans ce cas jouer un rôle important, notamment dans les maisons de l’enfance.
Ces équipes mobiles pluridisciplinaires gérées par l’agence régionale de santé (ARS) comporteraient à la fois des infirmiers, des psychologues et des pédopsychiatres. Elles apporteraient un renfort ponctuel à l’équipe en place au sein du lieu de prise en charge du mineur. Ces équipes se déplaceraient également au domicile pour faciliter l’accès aux soins. Leur intervention paraît pertinente durant les périodes de crise pour être une alternative à l’hospitalisation, assurer une continuité des soins après stabilisation de l’état du patient et faciliter son retour dans la structure médico-sociale ou au sein de sa famille.
Monsieur le secrétaire d’État, je suis convaincu que les équipes mobiles de pédopsychiatrie contribueraient à améliorer considérablement la prise en charge des patients et le bon fonctionnement des établissements, centres départementaux de l’enfance ou maisons de l’enfance à caractère social. Avez-vous, dans le cadre du projet de rénovation et de développement de la psychiatrie, la volonté de mettre en place ces dispositifs, notamment en milieu rural ? Souhaitez-vous les généraliser ?