Certes, mais la commission n'était saisie qu'au moment du déclassement éventuel.
Nous avons formulé des recommandations pour chaque catégorie de biens - les collections des musées, de la Manufacture de Sèvres ou du musée de l'armée posent des difficultés très différentes. Nous avons notamment préconisé que chaque dossier soit étudié par les personnes chargées de la conservation des biens avant leur envoi à la commission, et que toutes les solutions alternatives au déclassement soient préalablement évoquées.
Il y a deux ans, j'ai décidé de ne pas demander le renouvellement de mon mandat. Dans une lettre adressée à la ministre, j'expliquai que cette commission a été conçue de manière à ne pas fonctionner. En effet, elle comptait 40 personnalités réparties au sein de quatre collèges, si bien que le quorum n'était jamais atteint. Toutes les décisions ont dû être prises par consultation postale. Dans ces conditions, malgré les critiques qui ont été formulées sur le nombre limité de réunions et d'avis rendus, je me félicite de notre bilan.
Nous n'avons été saisis d'aucun cas de musée, à l'exception du musée de la défense, dont seuls deux fusils Lebel ont été déclassés.
Nous avons également été saisis du cas du musée de Saint-Cyprien, dont le maire, qui avait frauduleusement acheté des collections, s'est suicidé en prison. Nous n'avons pu rendre qu'un avis négatif, mais je regrette l'incapacité de l'administration à dialoguer dans des situations aussi douloureuses.
Tel est le résultat de nos travaux concernant les musées.
En revanche, nous avons fait oeuvre utile en matière de déclassement historique. Le Mobilier national et la Manufacture de Sèvres ont vendu pendant des décennies quantité de biens de manière totalement désorganisée. Même si beaucoup reste à faire, nous avons contribué à organiser le déclassement de ces biens.
Nous avons également réalisé un travail essentiel dans le domaine particulier des restes humains, que mon collègue Michel Van Praët évoquera tout à l'heure.
Depuis ma démission, la commission n'a plus été réunie. Le ministère de la culture, arguant du fait qu'elle n'avait rendu que neuf avis, a jugé qu'on pouvait en faire l'économie, mais il vous appartient de décider s'il faut ou non la recomposer. Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce qu'elle soit recomposée à l'identique.
J'en viens aux restitutions, sujet que je n'aborde qu'avec beaucoup de précautions, car, bien qu'une mission m'ait été confiée par le président Chirac et que le sujet m'intéresse, je n'ai pas de réelle compétence en la matière. J'évoquerai d'abord le cas de l'Afrique.
Avec Alpha Oumar Konaré, qui était alors président du Musée national du Mali, nous avons organisé à Lomé en 1992 le premier congrès des conservateurs des musées africains. Si les restitutions ont été évoquées, une immense demande de coopération, d'appui et d'échanges a surtout été exprimée.
J'ai également monté, avec le professeur Jean Devisse et une équipe très compétente, l'exposition « Vallées du Niger ». Celle-ci a eu beaucoup d'écho en France et elle a été présentée aux Pays-Bas, à Philadelphie et dans cinq pays africains. J'estime toutefois que nous aurions dû faire beaucoup plus dans ce domaine.
J'en viens à l'affaire des manuscrits coréens. Celle-ci a commencé, en 1993, par un coup de force du Président de la République et du ministre de la culture. En tant que directeur des musées, j'ai alors pris position contre cette manoeuvre. Cinq ans plus tard, le Président de la République m'a pourtant chargé d'une mission de médiation. Les archives de ce dossier montrent qu'une discussion de spécialistes peut se bloquer dès lors que les politiques s'en mêlent de manière inopinée et injustifiée. Il reste que, au bout de quelques années, le Président de la République suivant a balayé les efforts patiemment accomplis pour construire un compromis.
J'évoquerai également le cas des collections inuites du musée-château de Boulogne-sur-Mer. Le maire de la commune et la conservatrice du musée ont entretenu avec les communautés d'origine un dialogue confiant. Au terme de ces échanges, les Inuits ont remercié la France d'avoir si bien conservé leurs collections, qui auraient probablement été détruites à la suite de rituels si elles avaient été restituées.
Ces deux derniers exemples montrent que chaque situation est singulière et ne peut être comparée à une autre. C'est la raison pour laquelle, si je devais me prononcer, je militerais davantage pour des lois de circonstance que pour une disposition législative applicable aux restitutions. Cela reviendrait à substituer un régime de balayage à un régime d'exception.
En revanche, en matière de biens ayant un caractère militaire, un mécanisme mis en place par le législateur serait un grand progrès. En effet, ces biens ont été restitués sans tambour ni trompette par des ministres, des secrétaires d'État ou même des directeurs sans que le Gouvernement en soit informé et que le Parlement soit consulté. Il serait d'ailleurs souhaitable que l'administration concernée fournisse la liste de ces biens.
Enfin, concernant les biens qui ont un caractère vraiment muséal, l'édit de Michel de l'Hospital indiquait à Charles IX qu'un souverain ne peut aliéner les biens accumulés par les souverains précédents sans avis préalable du Conseil. Je me féliciterais que le Parlement soit ainsi sollicité, et cela avant toute déclaration publique.
La France dispose d'un réseau de musées moderne et dynamique. Ses biens bénéficient des compétences scientifiques de conservation les plus remarquables au monde. Nos musées sont ouverts sur le monde, tels le Louvre, qui, au-delà de son antenne à Abou Dhabi, résonne sur l'ensemble des continents.
Nous devons inciter nos musées à entretenir les relations de coopération les plus dynamiques.
Je regrette, par exemple, que le Musée des civilisations noires à Dakar ait été financé par les Chinois et non par les Européens. Il nous faut adopter une stratégie offensive, conforter notre capacité de rayonnement et développer une politique de l'offre plutôt que nous retrancher derrière une ligne Maginot.