Intervention de Jacques Sallois

Commission de la culture, de l'éducation et de la communication — Réunion du 15 janvier 2020 à 9h35
Restitution des biens culturels — Audition de M. Jacques Sallois ancien président de la commission scientifique nationale des collections

Jacques Sallois, ancien président de la Commission scientifique nationale des collections (CSNC) :

Monsieur Schmitz, la commission ne devrait sans doute pas être rétablie dans sa forme actuelle. Cela étant, je ne sais pas très bien quelle forme elle pourrait prendre. Votre initiative de lancer une mission d'information, à l'image de ce qu'avait fait l'Assemblée nationale en 1998 en amont de la loi Musées, me semble positive. Il vous appartient en effet d'organiser la réflexion. Quant à moi, je me garderai bien d'adopter une position fermée sur le sujet, compte tenu de sa complexité.

Le principe d'inaliénabilité est ancien : il remonte à la monarchie et aux débats de 1792 entre les intégristes de l'époque, qui voulaient abolir les signes honnis de l'Ancien Régime, et l'abbé Grégoire qui expliquait, lui, qu'il s'agissait des biens de la Nation, biens à conserver précieusement. Ce principe a été confirmé par la loi de 2002, ce dont je me réjouis.

La mise en place d'une commission, dont la mission consiste à restituer des biens culturels, est par nature extrêmement difficile. On peut faire des recommandations générales, comme je l'ai fait tout à l'heure, mais il faut en même temps rester très ferme sur le principe d'inaliénabilité. Par ailleurs, la définition de critères objectifs pour la restitution de ces oeuvres ne peut découler que d'une très longue réflexion, car tous les cas sont particuliers.

Vous avez évoqué le rapport Sarr-Savoy : pour moi, il est absurde de prétendre qu'il faut réaliser un recensement des biens. C'est physiquement impossible ! Par définition, on ne peut pas inverser la charge de la preuve.

À qui restituer les biens ? Il s'agit d'une interrogation permanente. Vous évoquez le cas du Bénin, mais on pourrait aussi citer le Cameroun ou d'autres États africains. En revanche, il faut s'assurer que le pays qui se voit restituer un objet d'art soit aussi scrupuleux sur l'inaliénabilité dudit bien que nous l'avons été de notre côté tout au long des siècles.

Monsieur Ouzoulias, vous avez parlé de vendre certaines oeuvres. Le rapport Rigaud de 2007 a longuement traité de la question, en rappelant que cela faisait longtemps que même les musées américains ne vendaient plus leurs oeuvres. Les musées enrichissent leurs collections bien plus par des dons et des legs que par des acquisitions. Comment voulez-vous susciter ces dons et ces legs si les donateurs et les légataires ne sont pas assurés que vous n'allez pas vendre leurs oeuvres ? Soyons réalistes sur ce point.

Il faut certes défendre la vocation universaliste de nos musées, mais il faut également avoir en tête que la France a certainement l'un des réseaux de musées les plus importants au monde, et certainement l'une des collections les plus ouvertes sur le monde. Il faut poursuivre notre politique de développement systématique de relations, d'échanges et de soutien avec les autres pays. Je suis persuadé que, en agissant ainsi, nous ferons disparaître certains problèmes soulevés par des demandes de restitution ou que, en tout cas, ceux-ci seront envisagés sous un angle tout à fait différent.

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