Intervention de Dominique Bussereau

Délégation aux collectivités territoriales — Réunion du 16 janvier 2020 : 1ère réunion
Table ronde avec une délégation conduite par m. dominique bussereau président de l'assemblée des départements de france

Dominique Bussereau, président de l'Assemblée des départements de France :

En préambule, permettez-moi de dire quelques mots sur l'actualité des départements.

Le projet de loi 3D est important, sa préparation est donc essentielle cette année, et je vous remercie du travail que vous conduisez déjà. Je vous remercie, au nom de l'ADF, d'avoir corrigé, lors de la commission mixte paritaire sur la loi Engagement et Proximité, certains des travers de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi NOTRe. Les associations d'élus demandent maintenant une nouvelle phase de décentralisation, ambitieuse - et le Gouvernement y répond avec ce texte, dit « 3D », dont le contenu est à travailler.

Sur la déconcentration, peu de choses à dire : tous les gouvernements l'ont pratiquée. Il s'agit surtout de mesures réglementaires. Nous pensons que le rôle des préfets de département a besoin d'être renforcé. Je le constate dans ma région, vaste comme la Belgique : les préfets de département reçoivent en décalé des informations importantes, du seul fait que la direction régionale a son siège dans un autre département et qu'elle communique directement avec le ministère. Les préfets de département ont besoin d'équipes plus étoffées : nous aurions préféré que le ministère aille dans ce sens, plutôt que de renforcer l'administration centrale.

Peu de choses à dire également sur la différenciation : nous voyons combien elle est légitime, par exemple, avec les collectivités ultramarines, qui ont chacune un statut particulier.

Concernant la décentralisation, tout l'enjeu est de savoir ce que l'on y met, ce que l'on entend par là. Pour nous, il s'agit d'abord de renforcer la souplesse, la subsidiarité, davantage qu'on ne l'a fait dans la loi NOTRe. Les collectivités doivent pouvoir contractualiser plus facilement entre elles. Je vous renvoie au rapport de Jean-Léonce Dupont, intitulé New Deal départemental, que l'ADF a adopté le 13 février 2019 et qui préfigure une nouvelle donne départementale conjuguant des principes de responsabilité, d'efficacité et d'égalité, incarnant pleinement les solidarités sociales et territoriales : il y a des marges de progrès importantes dans l'organisation même des départements. Attention, il ne s'agit nullement de reprendre des compétences à d'autres collectivités, mais de mieux les articuler. Dans de nombreux domaines comme l'énergie, le logement, le médico-social, nous pourrions commencer par reprendre des compétences que l'État n'assume plus et qu'il ne veut plus assumer. Je pense, par exemple, à la médecine scolaire ou, dans certains départements, à la voirie nationale - en Charente-Maritime, nous avons 134 kilomètres de voies nationales surtout enchâssées dans des voies départementales, et nous pourrions en reprendre la compétence et les équipes. Les départements sont donc demandeurs de plus de décentralisation, mais nous sommes tout de même un peu méfiants face à un gouvernement qui n'a pas été décentralisateur en deux ans et demi.

J'évoquerai maintenant les finances départementales. Nous avons à déplorer la suppression de la part du foncier bâti à compter de 2021, qui met en cause l'autonomie fiscale des départements. Un exemple : en Charente-Maritime, après la tempête Xynthia - qui avait fait douze morts dans le département -, nous avions dû augmenter la taxe foncière pour faire face à nos besoins. Il nous faut donc un tel outil d'ajustement. Le Gouvernement nous promet une compensation intégrale, mais on sait ce qu'il en est : Bercy trouve toujours un moyen de diminuer même de quelques points la compensation. Grâce à votre saisine, le Conseil constitutionnel a posé des garde-fous ; nous serons vigilants. Un point positif pour cette année, la péréquation horizontale, volontaire, pour un montant de 1,6 milliard d'euros - nous voulions 2,5 milliards d'euros en jouant sur les droits de mutation, mais le Premier ministre a refusé.

Parmi les autres dossiers à suivre de près, celui des mineurs non accompagnés. Ils représentent 2 milliards d'euros annuels de dépenses, l'État en compense 14,6 %, niveau que nous avons obtenu après d'âpres négociations... Il semble que les arrivées se réduisent, mais pas partout. Ces enfants sont accueillis par l'Aide sociale à l'enfance (ASE). Des tensions existent, c'est le moins que l'on puisse dire, et c'est ce que montre un reportage qui sera bientôt diffusé.

D'une manière générale, les dépenses sociales augmentent. C'est le cas de l'allocation personnalisée d'autonomie (APA). Par ailleurs, la réforme de l'assurance chômage inquiète pour ses conséquences sur le nombre de bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA).

Sur la limitation de vitesse à 80 km/h, nous observons trois types de réaction, qui se répartissent à peu près équitablement : les départements qui veulent garder l'intégralité de leur réseau à cette vitesse, ceux qui veulent rétablir les 90 km/h et ceux qui veulent moduler, après concertation approfondie.

Autre dossier d'importance : celui des pompiers, qui sont en grève depuis mars - ils demandent que leur prime de feu soit portée de 19 % à 28 % quand le ministre de l'Intérieur veut en rester à 25 % ; la dépense supplémentaire représente environ 80 millions d'euros pour les départements. Nous demandons une compensation par l'amélioration de certains services ou par des moyens budgétaires.

Enfin, sur le financement du plan France très haut débit (THD), nous remercions le Sénat. Alors que le Gouvernement annonçait une aide de 140 millions d'euros, elle est passée, sous votre pression, à 280 millions d'euros. Cependant, cela ne suffira guère, en particulier pour financer les projets des départements qui se sont engagés tardivement ; nous sommes à leurs côtés.

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