Je reviendrai plus tard sur cet impact médiatique, parce qu’il n’est pas neutre.
Les débats qui se sont tenus en commission des lois ont été très éclairants. Les questionnements de nos collègues nous ont permis de mieux cerner l’esprit de cette initiative, qui n’est d’ailleurs pas inédite au Sénat : je salue nos prédécesseurs au sein du groupe socialiste qui avaient eu la même intuition en 2003.
L’inscription de la naissance à l’état civil de la commune de résidence des parents ne sera qu’optionnelle : elle ne vient donc pas « supprimer le lieu de naissance », comme un journal parisien a pu le titrer ce matin. Des dispositions sont prévues pour prendre en compte le cas de parents séparés.
Nos collègues ont rappelé en commission des lois les différences qui pouvaient exister avec le modèle suisse. Je remercie Jean-Pierre Sueur, pertinent comme toujours, d’avoir évoqué le sujet du décès, qui pourrait entraîner les mêmes questions En 2016, 594 000 personnes sont décédées en France : 59 % dans un établissement de santé, 26 % à domicile, 14 % en maison de retraite et 1 % sur la voie publique.
Certes, ce dernier point nous fait perdre de vue l’intérêt de notre démarche en matière d’attractivité des petites communes ! Mais si je suis convaincu de l’importance symbolique de cette initiative pour le monde rural, je doute en revanche qu’elle permette de compenser les fermetures de maternités.
Notre collègue Jacques Bigot a déposé un amendement visant à s’assurer de l’engagement de l’État pour éviter que des effets pervers n’abîment notre si précieux état civil. La rigueur en la matière est de mise, on le sait. Il serait regrettable que, dans quelques années, des Français cherchant à obtenir des titres de séjour dans d’autres pays se voient opposer un refus en raison d’une mention peu claire sur leur extrait d’acte de naissance. Nous comprenons que la majorité sénatoriale a choisi une autre voie avec cette expérimentation qui ne nous semble pas totalement sécurisante. Nous ne nous opposerons cependant pas à ces solutions, par souci de compromis, mais l’investissement du Gouvernement pour sécuriser le dispositif retenu est d’une importance capitale.
Je veux à ce propos rappeler à cette tribune quelques-unes des préventions ou des craintes qui ont été exprimées en commission des lois : l’absence d’étude d’impact nous empêche d’envisager toutes les conséquences pratiques de la mise en œuvre du dispositif de ce texte ; celle-ci entraînera malgré tout une relative complexification des actes administratifs, dans la mesure où il faudra en établir deux ou trois supplémentaires ; la réalité factuelle risque de se voir substituer une réalité virtuelle, en termes de lieu de la naissance, ce qui peut remettre en cause la crédibilité et l’efficacité de notre état civil ; si le lieu de naissance est fixe, celui du domicile des parents peut changer et le rattachement à la commune peut n’être que très éphémère ; enfin, dans certains territoires, le dispositif prévu peut faire peser un risque de discrimination sociale.
Ces arguments ne peuvent être balayés d’un revers de la main, mais notre groupe a majoritairement choisi de soutenir ce texte. Nous ne pinaillerons pas.
Il y a 565 communes dans mon département de Saône-et-Loire : comme ailleurs, la diversité des lieux de naissance est en recul. Par exemple, la liste des célébrités nées à Saint-Rémy ne s’enrichira plus, alors qu’elle compte deux candidats à la mairie de Paris – Benjamin Griveaux et Rachida Dati –, un député – Régis Juanico, qui n’est pas candidat à Paris – et un artiste, Florent Pagny, qui n’est, à ma connaissance, candidat nulle part !