Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà de la simple formalité juridique, la déclaration de naissance à l’officier d’état civil marque l’entrée dans le corps social. Depuis la sécularisation de la gestion de l’état civil, jadis du ressort des registres paroissiaux, la municipalité est le lieu naturel du baptême civique.
Cet état civil laïcisé, nous le devons au décret du 20 septembre 1792. À l’époque déjà, la question de la proximité entre la naissance – l’acte événement – et la déclaration – l’acte document – animait les débats. Par nécessité sans doute, l’enregistrement de l’état civil auprès des municipalités avait été pensé pour satisfaire un besoin pratique : identifier les citoyens en recourant à ceux qui étaient le plus à même de le faire au sein de villages où « tout le monde se connaissait ».
Nous sommes appelés à légiférer sur un dispositif qui, au fond, s’inscrit dans cette symbolique historique un peu mythifiée.
L’exposé des motifs de la proposition de loi pointe l’effet pervers de la concentration des lieux de déclaration de naissance, ayant pour corollaire – c’est là un fait bien établi – l’amaigrissement des registres des petites communes, notamment rurales.
Dès lors, il est proposé de permettre aux parents qui le souhaiteront de déclarer la naissance d’un enfant dans la commune de domiciliation de l’un d’eux. Ce caractère optionnel n’enlève rien à la forte dimension symbolique de la disposition.
Comme à son habitude, la commission des lois a fait œuvre utile en sécurisant juridiquement les modifications qu’il est proposé d’apporter au code civil.
Notre groupe était néanmoins réservé quant à l’opportunité d’introduire des dispositions dont la plus-value est peu évidente et les implications concrètes incertaines.
Notre rapporteure, dont il convient de souligner la qualité du travail, suggère, à la suite de réflexions menées en concertation avec le Gouvernement, une solution qui me semble davantage conforme aux objectifs de la proposition de loi : maintenir la mention du lieu effectif de naissance via sa transcription dans le registre de l’état civil, à côté de celle du lieu de résidence des parents.
L’expérimentation de tels registres d’actes « miroirs », par analogie avec les actes de décès, conduirait l’officier d’état civil du lieu de naissance à établir l’acte original et à en adresser, dans les plus brefs délais, une copie à l’officier de l’état civil du lieu de domicile des parents, qui la transcrirait immédiatement sur ses registres. À défaut de domicile commun des parents, la copie intégrale de l’acte serait transmise à l’officier d’état civil du lieu de domicile de chacun des parents.
Nous en sommes convaincus, ce mécanisme de double inscription offre matière à une avancée positive. La méthode expérimentale, quant à elle, est le bon vecteur pour évaluer, à terme, les effets opérationnels de ce dispositif sur la gestion de l’état civil.
On l’aura compris, nous apporterons notre soutien au texte sous réserve de l’adoption de l’amendement de la rapporteure. Sinon, nous ferons le choix d’une « abstention positive », compte tenu de nos réserves à ce stade.
À titre personnel, et eu égard à l’utilité de ses dispositions pour les outre-mer, j’ai eu d’emblée un a priori favorable sur ce texte. Dans nos territoires ultramarins, les maternités ont souvent été regroupées pour des raisons matérielles. À Mayotte par exemple, trois quarts des 10 000 naissances annuelles sur l’île sont enregistrées au seul centre hospitalier de Mamoudzou, alors que les familles sont disséminées sur l’ensemble des dix-sept communes. La réalité démographique de l’île s’en trouve en quelque sorte faussée.
Je me félicite que les dispositions de cette proposition de loi, dont je tiens à remercier les auteurs, viennent corriger cet état de fait.