La proposition de loi d'Emmanuel Capus et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Indépendants - République et territoires a été déposée à la suite des élections européennes de mai 2019. Ce texte vise à mieux accompagner les maires dans la gestion de la propagande électorale, alors que beaucoup ont manqué de panneaux pour apposer les affiches des 34 listes de candidats.
L'obligation d'installer des panneaux électoraux remonte à une loi de 1914. Il s'agissait, déjà à l'époque, de garantir une certaine équité entre les candidats. Ces panneaux métalliques sont installés pour l'ensemble des scrutins, à l'exception des élections sénatoriales. Comme pour la tenue des bureaux de vote, les communes agissent au nom de l'État, qui leur verse une dotation pour frais d'assemblée électorale. Tous les candidats bénéficient d'une surface identique pour apposer leurs affiches. L'État rembourse les dépenses des candidats ayant recueilli un nombre suffisant de voix, généralement fixé à 5 % des suffrages exprimés.
Dès la IIIe République, nos collègues parlementaires s'inquiétaient de la multiplication des panneaux électoraux. Ce débat a toutefois pris une nouvelle dimension depuis les élections européennes de mai 2019. Comme chacun a pu le constater dans son territoire, beaucoup de communes ont manqué de panneaux électoraux. Les maires ont eu moins de dix jours pour trouver des solutions. En l'absence d'aide financière du Gouvernement, ils ont dû recourir au « système D » en scindant leurs panneaux en deux parties, en fabriquant leurs propres panneaux ou en délimitant de nouveaux emplacements sur les murs des bâtiments publics. J'ai notamment à l'esprit les difficultés rencontrées par une commune de moins de 1 000 habitants de mon département.
Cette situation paraît d'autant plus absurde que beaucoup de panneaux sont restés inoccupés. D'après les professionnels de l'affichage, sur les 34 listes de candidats aux élections européennes, seule une quinzaine ont apposé des affiches sur la plupart de leurs emplacements. En pratique, certains candidats n'impriment qu'un nombre réduit d'affiches, notamment lorsqu'ils ne pensent pas atteindre le seuil de remboursement de leurs dépenses. D'autres rencontrent des difficultés matérielles pour afficher sur les panneaux, malgré le recours à des prestataires extérieurs.
Certains candidats s'abstiennent également de diffuser leurs bulletins de vote et incitent leurs électeurs à les imprimer sur internet. Lors des élections européennes de mai 2019, cette impression à domicile a toutefois accru les risques de nullité des bulletins. De manière assez maladroite, un décret d'octobre 2018 avait limité le poids des bulletins à 70 grammes par mètre carré, alors que les ramettes de papier sont plus épaisses.
Le retour à la circonscription unique a encouragé la multiplication des listes de candidats aux élections européennes et créé des difficultés matérielles, insuffisamment anticipées : par effet d'aubaine, il suffisait de trouver 79 colistiers pour participer à une campagne de niveau national et bénéficier des moyens de propagande ! Les électeurs étaient totalement perdus face à cette profusion de candidatures...
La proposition de loi aborde le problème sous un angle différent, en cherchant à rationaliser l'utilisation des panneaux et la gestion des bulletins de vote pour l'ensemble des élections. J'y suis favorable, car l'intervention du législateur me semble nécessaire pour mieux accompagner les maires et éviter de s'en remettre au « système D », notamment pour la gestion des panneaux électoraux. Avec l'accord d'Emmanuel Capus, premier signataire de cette proposition de loi, je vous proposerai plusieurs amendements pour préserver la liberté d'expression des candidats, qui constitue un droit de valeur constitutionnelle.
Avec le premier dispositif de la proposition de loi, les candidats devraient préciser, dans leur déclaration de candidature, s'ils souhaitent, ou non, utiliser leurs emplacements. Le « droit aux panneaux » ne serait pas remis en cause pour autant : tous les candidats pourraient en bénéficier, à condition d'en faire la demande en amont. L'objectif est simple : éviter d'installer des panneaux inutiles, que les candidats ne souhaitent pas utiliser. Le texte prévoit également un mécanisme de sanction : si un candidat réserve un panneau sans y apposer d'affiches, il devra rembourser les frais d'établissement de cet emplacement.
Je vous propose d'instaurer un « droit aux remords » au bénéfice des candidats : chacun pourrait solliciter l'installation de panneaux électoraux jusqu'au vendredi précédant le scrutin. Je vous propose également de supprimer le mécanisme de sanction, qui me paraît complexe à mettre en oeuvre pour les maires et disproportionné pour les candidats de bonne foi. S'agissant spécifiquement des élections européennes, je souhaite ajuster le calendrier du scrutin pour que les communes disposent d'une semaine de plus pour l'installation de leurs panneaux.
La deuxième mesure de la proposition de loi prévoit de réduire de moitié le nombre et la dimension des affiches lorsque les panneaux électoraux sont utilisés par plus de quinze candidats. Ce dispositif présente le mérite de la simplicité. Il soulève toutefois des difficultés opérationnelles, qui pourraient conduire à mettre au pilon de nombreuses affiches. Pour des raisons calendaires, la taille des affiches ne peut pas être modifiée à quelques jours du scrutin. Je vous propose donc un mécanisme plus souple, consacrant la possibilité pour le maire d'adapter les dimensions des panneaux électoraux. Cette possibilité serait réservée à des cas très spécifiques, lorsque la commune doit prévoir plus de quinze emplacements et qu'elle ne dispose pas de suffisamment de panneaux.
À titre subsidiaire, l'article 2 de la proposition de loi vise à assouplir les règles de grammage des bulletins de vote pour sécuriser leur impression à domicile. Son objectif est toutefois satisfait par un décret de décembre 2019, qui laisse plus de souplesse aux électeurs. Je vous propose donc de supprimer cet article.
Je souhaiterais, pour finir, rappeler mon attachement à la propagande électorale sous format papier. Comme l'a souligné notre collègue Pierre-Yves Collombat dans ses avis budgétaires, la dématérialisation n'est pas de nature à améliorer la participation des citoyens les plus âgés ou vivant dans des zones blanches. Je suis également attaché à la matérialité du vote et des opérations de propagande. Le Gouvernement semble d'ailleurs avoir renoncé à son projet de dématérialisation, après trois échecs consécutifs devant le Parlement.
À la suite de mes auditions, je dois toutefois vous alerter sur les conditions d'organisation des élections régionales et départementales de mars 2021. Les professionnels du secteur, que j'ai reçus avec notre collègue Alain Richard, sont très inquiets de la concomitance de ces deux scrutins. Imprimeurs, afficheurs et « routeurs » doutent de leur capacité à mettre sous pli et à envoyer en temps et en heure l'ensemble des documents de propagande, en particulier pour le second tour. Je profiterai de la séance publique pour interroger le Gouvernement sur les mesures qu'il envisage pour éviter un nouveau casse-tête dans la distribution de la propagande.
Sans préjudice de ces observations d'ordre général, je vous propose d'adopter le texte de cette proposition de loi ainsi amendé.
- Présidence de Mme Catherine Di Folco, présidente -