Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 23 janvier 2020 à 10h30
Bioéthique — Article 2

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Avec cette prise de parole liminaire, je souhaite tout simplement exposer les tenants et aboutissants de l’article 2, qui est relatif à l’autoconservation des gamètes.

Alors que nous avons beaucoup parlé, jusqu’à présent, du don de gamètes, il s’agit aujourd’hui de les conserver à des fins d’utilisation personnelle. Cette autoconservation existe déjà dans deux cas. Tout d’abord, en cas de maladie ou de traitement affectant la fertilité, on peut autoconserver ses propres gamètes. Ensuite, depuis 2016 – le texte avait toutefois été voté en 2011, mais les décrets d’application ont tardé à paraître –, dans le cadre de dons de gamètes, il est possible de conserver à son propre bénéfice ses gamètes. Ainsi, un homme, après trois recueils de sperme, peut bénéficier d’une conservation à son propre bénéfice. Une femme doit, pour sa part, donner cinq ovocytes pour espérer conserver ceux qui sont en surplus.

Pour résumer, c’est un système qui permet l’autoconservation dans le cadre du don. Il a été extrêmement critiqué, parce qu’il introduit une contrepartie au don. En effet, l’espoir de pouvoir conserver à des fins personnelles peut justifier le don. Or, vous le savez, il existe un principe de non-patrimonialisation du corps humain, qui implique une gratuité totale du don, lequel ne peut faire l’objet d’une contrepartie.

La conservation, qui apparaît comme une contrepartie, a été critiquée par l’Académie nationale de médecine, le Comité consultatif national d’éthique pour les sciences de la vie et de la santé (CCNE), de nombreux organismes médicaux et de nombreux médecins.

Il est donc prévu de revenir sur ce système, en permettant, sans contrepartie, la conservation de gamètes au bénéfice de la personne qui fait prélever ses gamètes. Une telle disposition n’est pas dénuée d’enjeux.

Tout d’abord, la conservation à des fins personnelles n’est pas, pour reprendre une expression qui a été largement utilisée, une solution miracle. En effet, la période de fertilité des femmes – ce sont surtout elles qui sont concernées – n’est pas allongée par l’allongement de la durée de la vie. Par ailleurs, les grossesses tardives sont des grossesses plus difficiles, à risques. Il ne faut pas penser que, parce qu’on a conservé ses gamètes à un âge antérieur, on pourra reporter indéfiniment une grossesse. Ne soyons pas leurrés par un tel mirage !

Ensuite, il existe une pression sociale. Il est arrivé, dans le milieu du travail, même si ce n’était pas en France, qu’on demande aux femmes de repousser une grossesse pour se consacrer à leur activité professionnelle. Ce n’est positif ni pour les femmes ni pour la société, et nous ne devons pas permettre l’autoconservation des gamètes à cette fin.

Pour autant, la commission spéciale a autorisé un tel dispositif. En effet, si la pression sociale existe, nous nous sommes rendu compte que la cause principale des grossesses tardives, aussi étonnant que cela puisse paraître, était la difficulté pour les femmes à trouver des conjoints qui veulent s’engager et faire un enfant avant qu’elles-mêmes ne puissent plus en faire.

Nous reviendrons sur les conditions du régime de l’autoconservation de gamètes au fil de l’examen des amendements.

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