Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 23 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Article 3

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

Je veux exposer sommairement l’objet de l’article 3 : il s’agit de la levée de l’anonymat du donneur de gamètes, avec la possibilité de révéler soit des informations non identifiantes, soit l’identité exacte du donneur, soit les deux.

Jusqu’à présent, vous le savez, mes chers collègues, il existe un principe général de bioéthique qui est l’anonymat. Cela signifie que l’identité de celui qui donne n’est pas connue de celui qui reçoit et que l’identité de celui qui reçoit n’est pas connue de celui qui donne.

Dans le don de gamètes, les choses sont plus complexes du fait qu’il y a une troisième personne issue du don : l’enfant. Le principe de l’anonymat lui a été étendu, de sorte qu’il ne connaît pas non plus le nom du donneur de gamètes, tout comme ce dernier ne connaît pas l’identité des enfants qu’il a pu engendrer par son don.

Cette situation a créé un malaise chez un certain nombre d’enfants issus du don, qui s’en sont fait l’écho médiatiquement – vous les avez sans doute déjà entendus – et qui ont fait part de la nécessité pour eux, pour leur construction psychique, de connaître l’identité de la personne qui avait donné un gamète pour permettre leur naissance. Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont conclu à la nécessité d’une levée de l’anonymat.

Je dois préciser que, sur le nombre d’enfants nés du don, évalués à environ 70 000 en France, quoique les chiffres soient assez fluctuants, il semblerait – là aussi, nous avons des données assez parcellaires – qu’il n’y ait pas de majorité, loin de là, désireuse de connaître l’identité du donneur de gamètes. Un certain nombre d’enfants, ainsi qu’une association que nous avons auditionnée, ont même indiqué qu’ils ne souhaitaient pas la levée de l’anonymat.

La difficulté de la levée de l’anonymat est connue : il s’agit du risque de pénurie, mais nous ne savons pas quelle ampleur elle pourrait prendre. En effet, le public qui donnait ne sera pas nécessairement celui qui continuera à le faire avec ce nouveau régime, qui suppose tout de même d’indiquer son identité.

Ce risque de pénurie entraîne un autre risque qui va à l’encontre d’un principe bioéthique extrêmement important : la marchandisation des gamètes, c’est-à-dire la patrimonialisation du corps humain, que nous interdisons en droit français.

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