J’appuie les propos de Bernard Jomier.
J’ai pour ma part nourri ma réflexion de mon expérience de présidente d’un conseil de famille, dans lequel on examine la situation des enfants nés sous X et celle des parents – des mères seules, souvent – qui ont décidé d’accoucher sous X. Certaines de ces femmes choisissent – ce sera le cas des donneurs – de fournir leurs données. Cela est absolument nécessaire pour certains enfants. Il n’y a qu’à voir la progression de ces personnes quand, à l’adolescence ou à l’âge adulte, elles accèdent à ces données, même si celles-ci sont infimes ; cela leur permet de se construire.
Dans le cadre des conseils de famille, avant de confier les enfants nés sous X à des familles d’accueil, on leur demande souvent de constituer un album sur les premiers jours de vie. Rien que le fait de disposer de ces albums, qui atterrissent dans les mains du jeune en construction, qui devient, à sa majorité, adulte, permet à ces individus de se construire.
J’ai aussi nourri ma réflexion des propos de la sociologue Irène Théry, selon qui, aujourd’hui, on « distill[e] parcimonieusement “des renseignements non identifiants”, sans paraître se rendre compte de ce raffinement de cruauté ». C’est terrible pour certains enfants, pas pour tous – certains ne demandent rien –, mais pour ceux qui veulent se construire ; c’est un besoin essentiel. Sans cela, il s’agit, je le répète, d’un « raffinement de cruauté ».