La commission spéciale a émis un avis favorable sur cet amendement, que Mme Primas a excellemment présenté.
Nous ne sommes pas là pour réformer le droit de la filiation. La commission spéciale n’a d’ailleurs pas procédé aux auditions nécessaires pour le faire. Nous ne sommes pas là non plus pour modifier la situation des couples qui ont aujourd’hui recours à l’assistance médicale à la procréation, tout simplement parce que le système mis en place à cet effet dans le code civil fonctionne parfaitement – nous n’avons donc nullement besoin de le modifier. Nous sommes là pour ajouter de nouvelles bénéficiaires à l’AMP, notamment les couples de femmes, et pour trouver un lien de filiation cohérent qui permette à ces femmes d’avoir les mêmes droits et, surtout, les mêmes obligations que n’importe quel parent à l’égard des enfants qu’elles auront dans le cadre de cette AMP.
La proposition qui nous est faite par l’Assemblée nationale ne convient pas à cet égard, puisqu’elle permet à deux femmes qui ont recours à l’AMP de reconnaître les enfants l’une et l’autre. Je ne m’attarderai pas sur le fait que, en droit français, la reconnaissance est l’aveu de la participation à la procréation charnelle, ce qui est rigoureusement impossible pour une des deux femmes, celle qui n’accouche pas.
Cette proposition introduit finalement un critère, celui de la volonté pure, qui ne peut pas fonder un droit d’ordre public comme la filiation – je l’évoquais il y a quelques minutes. La volonté pure appartient au droit contractuel, celui qui est à la disposition des citoyens. Le droit de la filiation n’est pas à la disposition des citoyens, parce que ses conditions sont posées par l’État, et uniquement par lui. Nous ne pouvons pas décider si nous sommes d’accord ou non avec ce droit. Nous ne pouvons pas émettre une volonté en la matière – j’ajoute que cela serait à la fois délicat et dangereux, car ce que la volonté fait, la volonté peut le défaire.
Le grand mérite de l’amendement de Mme Primas est de rejeter le fondement si fragile de la volonté et d’utiliser les outils existants du droit de la filiation. Le président Bas l’a dit, la mère est la femme qui accouche, ce qui me paraît tout de même de bon aloi et ce qui fonctionne pour toutes les femmes. L’autre mère est une mère d’intention, elle n’a pas participé à la procréation.
La maternité d’intention existe depuis toujours, cela s’appelle l’adoption – on choisit d’être parent –, et il y a une procédure pour cela. Je vous rassure, cette procédure est extrêmement simple lorsqu’il s’agit de l’enfant du conjoint. Il est tout à fait possible d’avoir recours à l’adoption, certes en modifiant quelque peu ses conditions, mais sans bouleverser totalement le droit de la filiation comme le prévoit le texte de l’Assemblée nationale.
Ce qui vous est proposé par cet amendement me paraît donc parfaitement cohérent. J’ajoute, je l’ai toujours dit, que le désir d’avoir des enfants est parfaitement légitime, mais que nous légiférons pour une minorité. La majorité des parents continuera à bénéficier du régime du code civil de la procréation charnelle.
Alors, de grâce, ne fragilisons pas un système qui correspond finalement à la quasi-totalité des parents et des enfants en France. Au contraire, utilisons ce même système pour donner aux femmes qui vont dorénavant bénéficier de l’AMP les mêmes droits et obligations que les autres femmes. Le mode d’établissement de la filiation n’est pas important, mais celle-ci doit être solide.
L’avis de la commission spéciale est donc favorable sur l’amendement n° 67 rectifié ter.