Intervention de Muriel Jourda

Réunion du 23 janvier 2020 à 14h30
Bioéthique — Article 4

Photo de Muriel JourdaMuriel Jourda :

La discrimination, c’est traiter différemment des personnes se trouvant dans une situation identique.

Nous avons bien conscience, les uns et les autres, qu’un couple de femmes n’est pas dans une situation identique à celle d’un couple hétérosexuel face à la procréation. Le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel et, me semble-t-il, la Cour européenne des droits de l’homme l’ont d’ailleurs dit.

Instaurer l’égalité, en termes de filiation, c’est parvenir à ce que tous les parents aient les mêmes droits et, surtout, les mêmes obligations à l’égard de leurs enfants. Il faut qu’ils se retrouvent in fine tous placés dans la même situation. Au regard de cet objectif, le droit n’est qu’un outil, pour reprendre une expression qui nous est chère, à Mme le garde des sceaux et à moi-même. Mais il importe tout de même que cet outil soit conforme à la réalité. Or tel n’est précisément pas le cas, me semble-t-il, de la solution du Gouvernement, au contraire de l’amendement de Mme Primas. Encore une fois, dans un couple de femmes, celle qui n’a pas accouché sera reconnue en tant que mère d’intention. Voilà comment les choses peuvent se passer.

Monsieur Chasseing, la procédure d’adoption paraît toujours complexe, mais il s’avère que l’adoption de l’enfant du conjoint ne l’est pas, les exigences étant bien moindres ; il n’y a pas d’enquête sociale, par exemple. Le dispositif de l’amendement approuvé par la commission simplifie encore la procédure et permettra que la décision soit rendue plus rapidement. La requête en adoption sera déposée le jour de la naissance de l’enfant. La démarche sera d’autant moins complexe qu’un notaire aura déjà été saisi du dossier. Le jugement interviendra au plus tard un mois après et il sera rétroactif. Cela signifie que la filiation sera établie le jour de la naissance si les diligences nécessaires ont été faites.

J’ajoute que ce mode d’établissement de la filiation n’est pas discriminant, parce qu’il en existe déjà de nombreux. Un père marié n’a aucune démarche à accomplir pour reconnaître son enfant, parce que le simple fait qu’il soit marié avec la mère crée une présomption de paternité. En revanche, un homme qui n’est pas marié à la femme ayant accouché de l’enfant est dans l’obligation de faire une démarche pour reconnaître celui-ci. Parle-t-on de discrimination entre ces deux pères ? Non : les règles applicables sont différentes parce que les situations sont différentes.

Il ne faut pas mentir, disait M. Meurant : ce serait un mensonge institutionnel que de prétendre reconnaître que deux femmes ont pu participer à la procréation d’un enfant. Utilisons les outils qui existent et qui correspondent à la réalité de la filiation. Ne fragilisons pas le droit de la filiation, car si la reconnaissance a l’avantage de la simplicité, elle en présente aussi, s’agissant d’un droit d’ordre public, le danger. Imaginez que les liens de filiation se créent par l’effet de la simple volonté et qu’il suffise d’aller déclarer devant notaire que l’on veut être parent d’un enfant : il me semble que la structure de la société s’en trouverait très largement fragilisée, car ce que la volonté fait, la volonté peut le défaire.

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