En application de l'article 13 de la Constitution, nous accueillons ce matin M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste, en vue de son éventuelle confirmation dans ses fonctions de président du conseil d'administration.
Je rappelle que cette nomination ne sera effective qu'en l'absence d'opposition des commissions parlementaires compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat dans les formes prévues par la Constitution. Si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, l'État ne pourrait pas procéder à cette nomination. À l'issue de l'audition, nous procéderons immédiatement au vote, ainsi qu'au dépouillement, de manière simultanée avec l'Assemblée nationale, qui vous a entendu plus tôt dans la matinée.
Monsieur le président, vous dirigez le groupe La Poste depuis septembre 2013. C'est le deuxième plus grand employeur public après l'État. Il réalise un chiffre d'affaires de près de 25 milliards d'euros. À la faveur des dispositions de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, le groupe connaît une transformation profonde : c'est désormais la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui est majoritaire, et non plus l'État. Votre nouveau patron est donc le directeur général de la CDC, et non plus le ministre de l'économie ; et les activités financières représentent désormais l'essentiel du bilan de La Poste, puisque l'opération s'est accompagnée d'une prise de contrôle de CNP Assurances par La Banque postale.
Cette réorganisation est la raison pour laquelle vous revenez devant nous de façon anticipée, votre dernière nomination, pour cinq ans, datant du 21 janvier 2016. Notre commission doit exprimer un avis sur l'adéquation entre un candidat et un poste. Manifestement, vous cochez toutes les cases : vous êtes déjà en fonctions depuis bientôt sept ans, vous êtes passé par le secteur financier, et en particulier, par la Banque postale. Avec votre nomination, c'est une solution de continuité qui nous est proposée. Cela revient à nous demander de valider votre bilan comme votre stratégie pour l'avenir du groupe.
Vous pourrez donc nous présenter le bilan de votre action, en particulier au regard des objectifs définis par le plan stratégique « La Poste 2020 », adopté en 2014. Vous pourrez également nous dire quelle nouvelle stratégie vous comptez proposer à La Poste pour les prochaines années. Vous reviendrez sans doute sur le défi que constitue l'opération en cours et vous pourrez nous expliquer quelles en sont les implications pour le groupe La Poste, ses activités et ses 251 000 employés, qui sont par ailleurs déjà confrontés à de nombreux changements depuis ces dernières années.
Cette opération constitue sans doute l'acte de diversification d'activité le plus important jamais réalisé par La Poste. Il vous permet d'atteindre l'objectif que vous vous étiez fixé s'agissant du courrier, à savoir que celui-ci ne représente plus que 20 % du chiffre d'affaires du groupe ! La diversification des activités du groupe est une stratégie offensive, que vous défendez depuis votre entrée en fonctions. L'équation est connue : le repli du courrier, qui s'accélère, affecte les comptes du groupe, qui a vu son résultat d'exploitation plonger de 12 % en 2018. La croissance du commerce en ligne permet de développer le marché du colis, mais La Poste a aussi investi dans le secteur de la santé à domicile, sur le marché des seniors, et elle accélère sa percée dans les services numériques. Pourtant, le rapprochement avec CNP Assurances semble indiquer que l'État s'est résolu à ce que le statut de La Poste vienne surtout des services financiers. Cette situation me conduit à vous poser la question suivante : face aux difficultés à faire émerger des services de proximité divers et rentables, la banque est-elle le seul moyen de sauver La Poste ? Ou, de façon plus polémique, à l'avenir, La Poste ne sera-t-elle plus qu'une banque ?
Par ailleurs, La Poste reste une entreprise publique sur laquelle pèsent certaines obligations. La diversification des activités ne doit pas se faire au détriment du service universel postal. Certains maires se sont publiquement plaints des dysfonctionnements récurrents dans leurs communes. Vous nous direz sans doute comment redresser la barre.
Enfin, estimez-vous que La Poste peut apporter, par ses missions de service public, et au-delà - je pense notamment aux maisons France services - une solution à la dévitalisation de certains territoires, question à laquelle nous sommes particulièrement sensibles, et qui est revenue sur le devant de la scène à la faveur des mouvements sociaux récents ?