Commission des affaires économiques

Réunion du 29 janvier 2020 à 9h30

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Le compte rendu de cette réunion sera publié ultérieurement.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

En application de l'article 13 de la Constitution, nous accueillons ce matin M. Philippe Wahl, président-directeur général du groupe La Poste, en vue de son éventuelle confirmation dans ses fonctions de président du conseil d'administration.

Je rappelle que cette nomination ne sera effective qu'en l'absence d'opposition des commissions parlementaires compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat dans les formes prévues par la Constitution. Si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés, l'État ne pourrait pas procéder à cette nomination. À l'issue de l'audition, nous procéderons immédiatement au vote, ainsi qu'au dépouillement, de manière simultanée avec l'Assemblée nationale, qui vous a entendu plus tôt dans la matinée.

Monsieur le président, vous dirigez le groupe La Poste depuis septembre 2013. C'est le deuxième plus grand employeur public après l'État. Il réalise un chiffre d'affaires de près de 25 milliards d'euros. À la faveur des dispositions de la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi Pacte, le groupe connaît une transformation profonde : c'est désormais la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui est majoritaire, et non plus l'État. Votre nouveau patron est donc le directeur général de la CDC, et non plus le ministre de l'économie ; et les activités financières représentent désormais l'essentiel du bilan de La Poste, puisque l'opération s'est accompagnée d'une prise de contrôle de CNP Assurances par La Banque postale.

Cette réorganisation est la raison pour laquelle vous revenez devant nous de façon anticipée, votre dernière nomination, pour cinq ans, datant du 21 janvier 2016. Notre commission doit exprimer un avis sur l'adéquation entre un candidat et un poste. Manifestement, vous cochez toutes les cases : vous êtes déjà en fonctions depuis bientôt sept ans, vous êtes passé par le secteur financier, et en particulier, par la Banque postale. Avec votre nomination, c'est une solution de continuité qui nous est proposée. Cela revient à nous demander de valider votre bilan comme votre stratégie pour l'avenir du groupe.

Vous pourrez donc nous présenter le bilan de votre action, en particulier au regard des objectifs définis par le plan stratégique « La Poste 2020 », adopté en 2014. Vous pourrez également nous dire quelle nouvelle stratégie vous comptez proposer à La Poste pour les prochaines années. Vous reviendrez sans doute sur le défi que constitue l'opération en cours et vous pourrez nous expliquer quelles en sont les implications pour le groupe La Poste, ses activités et ses 251 000 employés, qui sont par ailleurs déjà confrontés à de nombreux changements depuis ces dernières années.

Cette opération constitue sans doute l'acte de diversification d'activité le plus important jamais réalisé par La Poste. Il vous permet d'atteindre l'objectif que vous vous étiez fixé s'agissant du courrier, à savoir que celui-ci ne représente plus que 20 % du chiffre d'affaires du groupe ! La diversification des activités du groupe est une stratégie offensive, que vous défendez depuis votre entrée en fonctions. L'équation est connue : le repli du courrier, qui s'accélère, affecte les comptes du groupe, qui a vu son résultat d'exploitation plonger de 12 % en 2018. La croissance du commerce en ligne permet de développer le marché du colis, mais La Poste a aussi investi dans le secteur de la santé à domicile, sur le marché des seniors, et elle accélère sa percée dans les services numériques. Pourtant, le rapprochement avec CNP Assurances semble indiquer que l'État s'est résolu à ce que le statut de La Poste vienne surtout des services financiers. Cette situation me conduit à vous poser la question suivante : face aux difficultés à faire émerger des services de proximité divers et rentables, la banque est-elle le seul moyen de sauver La Poste ? Ou, de façon plus polémique, à l'avenir, La Poste ne sera-t-elle plus qu'une banque ?

Par ailleurs, La Poste reste une entreprise publique sur laquelle pèsent certaines obligations. La diversification des activités ne doit pas se faire au détriment du service universel postal. Certains maires se sont publiquement plaints des dysfonctionnements récurrents dans leurs communes. Vous nous direz sans doute comment redresser la barre.

Enfin, estimez-vous que La Poste peut apporter, par ses missions de service public, et au-delà - je pense notamment aux maisons France services - une solution à la dévitalisation de certains territoires, question à laquelle nous sommes particulièrement sensibles, et qui est revenue sur le devant de la scène à la faveur des mouvements sociaux récents ?

Debut de section - Permalien
Philippe Wahl, candidat proposé à la présidence du conseil d'administration de La Poste

C'est un honneur pour moi de venir vous demander votre confiance dans le cadre de ce processus de nomination. Vous m'invitez, Madame la Présidente, à présenter le bilan et la stratégie que je propose pour votre Poste, pour notre Poste.

Notre plan stratégique « La Poste 2020 : conquérir l'avenir » a été mis en oeuvre dans un contexte très difficile. La baisse du courrier a été légèrement supérieure à ce que nous avions anticipé - et nous avions pourtant été très prudents. Elle a représenté, sur la période, une perte de 3,6 milliards d'euros de chiffre d'affaires pour La Poste. Alors que 18 milliards d'objets et lettres étaient distribués en 2008, nous n'en avons convoyé que 9 milliards cette année. À cette difficulté, que nous avions anticipée, est venue s'ajouter la baisse continue des taux d'intérêt, qui pèse sur notre banque - jusqu'aux taux d'intérêt négatifs qui existent depuis le début de l'année 2019. Les marges du colis, qui est une activité en forte croissance, sont sous pression, au niveau des prix et au niveau des coûts en raison d'Amazon et des e-commerçants. Enfin, la fréquentation de nos bureaux de poste, comme celle de tous les commerces, diminue avec la révolution numérique.

Ainsi, notre entreprise a fait face, au cours des cinq dernières années, à un contexte plus difficile que jamais. Et pourtant, nous avons poursuivi notre plan stratégique, et nous nous sommes adaptés.

Quelques chiffres, d'abord. Pendant cette période, notre chiffre d'affaires sera passé, malgré le choc des 3,6 milliards d'euros que j'évoquais, de 22 milliards à 26 milliards d'euros. Notre résultat d'exploitation, même s'il connaît un infléchissement en fin de période, est passé de 790 millions d'euros à 898 millions d'euros. La Poste a toujours gagné de l'argent pendant cette période, et nous avons pu investir massivement. Même si nous n'avons pas atteint tous les objectifs financiers que nos deux actionnaires, l'État et la CDC, nous avaient fixés, nous leur avons continûment, au cours de ces années, payé notre dividende.

Considérons à présent notre indicateur de diversification. Notre stratégie est une stratégie de conquête et de diversification, pour investir dans des secteurs en croissance, alors même que nous sommes confrontés à l'attrition historique et puissante de notre métier de base. En 1990, 70 % du chiffre d'affaires de La Poste était fourni par le transport des lettres ; en 2010, cette proportion était de 40 %, contre 28 % en 2018, et notre objectif est de passer à moins de 20 % à la fin de 2020. Si nous réussissons cette diversification, La Poste ne réalisera plus qu'un cinquième de son chiffre d'affaires dans ce qui était son activité historique, la lettre.

J'en viens à l'exécution des missions de service public que vous nous avez confiées en matière de service du courrier. La qualité de service, telle que mesurée par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), a été dans les clous pendant toute la période, si l'on intègre des événements exogènes, comme le fait l'Arcep. Nous aurons investi plus de 2 milliards d'euros en matière d'aménagement du territoire et de rénovation de nos bureaux de poste. Notre banque, enfin, est la première banque des personnes en situation de fragilité, la première banque des exclus. Au-delà de nos missions de service public, la Banque postale a créé les assises de la banque citoyenne et, dans la crise de financement des collectivités locales qui a sévi entre 2011 et 2013, nous avons construit une banque des collectivités locales à partir de rien, sur le fondement du mandat que vous nous avez accordé.

Enfin, alors que toute l'industrie postale vient de prendre un très grand engagement, en juin dernier à Bonn, sur le fait qu'elle serait neutre en carbone en 2040, La Poste l'est déjà depuis 2012 : nous sommes déjà des leaders de la décarbonation. Au-delà de la qualité statistique, nous avons installé une mesure de notre qualité telle que vue par nos clients. C'est souvent sévère - vous vous en faites également les porte-paroles ! Le service qui est préféré par les clients, avec un score de 72 %, c'est le passage du code de la route à La Poste. Pour le courrier, le score n'est positif que de 14, ce qui montre que nous pouvons faire mieux, mais il est tout de même positif.

Dernier indicateur : l'indicateur social. Nous faisons vivre un pacte social avec les postières et les postiers. Tout ce que je vous ai décrit aurait été impossible sans le courage, la résilience et l'engagement des postières et les postiers, que je veux remercier devant vous. Sans eux, nous ne parviendrions pas - et nous ne parviendrons pas - à transformer La Poste ! Ils ont été extraordinaires d'engagement et de dévouement, et nous en tenons compte dans notre pratique sociale. Nous avons bien sûr signé des milliers d'accords sociaux, ce qui est logique puisque nous sommes plus de 250 000, avec des milliers d'établissements. Il y en a trois, en particulier, dont nous sommes fiers. Le premier s'appelle « un avenir pour chaque postier » et a accompagné notre plan stratégique. C'est un accord majoritaire. Le deuxième est un accord sur les bureaux à priorité sociétale dans les zones urbaines sensibles, qui donne des moyens supplémentaires - et des salaires supplémentaires - aux postières et aux postiers qui viennent y travailler. Le troisième accord est celui qu'on a appelé « Facteur 2017 », et qui redéfinit la journée du facteur. En effet, nous avons pris à bras-le-corps la vraie difficulté tenant au fait que la journée traditionnelle des facteurs est bousculée par les nouvelles technologies. Cet accord, signé avec nos syndicats, permet 30 000 promotions sur les 70 000 facteurs : il est gagnant-gagnant. Notre méthode est le dialogue social et la signature d'accords. D'ailleurs, j'ai moi-même très régulièrement un dialogue stratégique avec chacune des fédérations syndicales de notre groupe pour poser les problèmes stratégiques, les écouter, et les convaincre.

Le plan stratégique que je vous présente aujourd'hui a encore besoin d'être travaillé et approfondi.

Le contexte des cinq années à venir sera difficile : les taux d'intérêt négatifs vont continuer à peser sur la banque et menacer aussi CNP Assurances. En ce qui concerne le volume de courrier, nous avions 9 milliards d'objets en 2019, nous n'en aurons plus que 5 milliards à la fin de l'année 2025 : c'est dire qu'une perte de 2 milliards d'euros s'annonce encore. Mais nous allons faire face ! D'abord, en posant un acte, qui est notre plan stratégique « La Poste 2030 ». Ce plan comporte, bien sûr, un premier jalon en 2025, qui est la raison de ma présence devant vous, puisque je vous le soumets et que je vous demande votre confiance. Mais il nous a semblé que, d'un point de vue stratégique, il fallait aller jusqu'en 2030 pour définir, entre nous, postiers, et avec vous, élus, ainsi qu'avec les clients et l'ensemble des parties prenantes de La Poste, ce que serait La Poste en 2030.

Il s'agira fondamentalement d'une entreprise publique en croissance et rentable, qui mettra sa puissance en termes de proximité et de confiance au service des gens par des services qui leur simplifieront la vie, et qui aidera notre société à affronter les grands défis que sont le défi territorial, le défi du vieillissement et le défi digital. La Poste est une entreprise de solutions au service des politiques publiques de l'État, des collectivités locales, de notre futur premier actionnaire - la CDC et de la société dans son ensemble. Mais nous devons d'abord réussir sa transformation. Le plan stratégique précédent a engagé cette transformation, mais celle-ci n'est pas terminée. Nous allons donc maintenant devoir la réussir.

Pour ce faire, nous devons poursuivre la diversification, avec une seule solution : investir massivement dans les technologies, dans l'appareil de production, les usines à colis, les drones, l'intelligence artificielle, et ce grâce à nos profits et à des augmentations de capital, que nos deux actionnaires pourraient nous consentir dans les années à venir. Soyons clairs : il n'y a pas de transformation sans investissements massifs. Pour faire pivoter le modèle stratégique de La Poste, il faut qu'en 2025, par ses profits et sa capacité d'investissement propres, La Poste soit capable d'assurer l'ensemble de l'équilibre de son modèle stratégique. Nous avons progressé, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

Par ailleurs, nous devons être capables de faire évoluer les modèles de chacune de nos activités. Actuellement, nos deux activités majeures sont la logistique et les services financiers. Dans la logistique, nous allons poursuivre notre internationalisation. Nous ne sommes pas une banque et nous n'avons pas l'intention de devenir uniquement une banque, madame la présidente ! Je joins les chiffres à la parole : en 2013, le chiffre d'affaires de GeoPost, notre leader du colis express international, était de 4,4 milliards d'euros ; à la fin de l'année 2020, il sera de 10,1 milliards d'euros. Ainsi, en sept ans, dans une compétition terrible avec les intégrateurs et les grands e-commerçants, nous nous sommes montrés capables de faire plus que doubler le chiffre d'affaires de GeoPost, qui devrait, en 2020, être notre premier secteur d'activité.

Même si la banque, notamment avec CNP Assurances, est beaucoup plus rentable, la logistique est cruciale, et l'expansion internationale va nous amener en Inde, en Asie du Sud-Est, en Afrique et en Amérique latine. Nous sommes déjà le leader européen du colis, notamment grâce à l'acquisition, il y a quelques semaines, de l'entreprise Bartolini, une entreprise familiale du nord de l'Italie, qui est le leader du courrier dans son pays. Notre grande priorité sur le territoire national est ce que nous appelons la logistique décarbonée. Nous avons signé des accords avec 19 des 22 métropoles françaises pour diffuser un transport complètement décarboné des marchandises dans ces métropoles. Une fois que ces métropoles auront avancé avec nous, nous irons vers les grandes villes, les moyennes villes, les petites villes. C'est une grande priorité pour notre plan stratégique.

Pour les services financiers, il faut réussir l'articulation entre la Banque postale et CNP Assurances. Ce rapprochement a été voulu par le ministre de l'économie et des finances, Bruno Le Maire, que je remercie à la fois de son soutien et de sa décision. Il a été rendu possible grâce à la Commission de surveillance de la CDC et à son directeur général, qui nous ont fait confiance. Nous le devons aussi aux parlementaires que vous êtes, puisque c'est un amendement à la loi Estrosi de 2010 qui nous permet de faire cette opération. Nous attendons encore quelques autorisations réglementaires, mais le résultat sera la treizième banque de l'Union européenne - en 2005, nous n'étions même pas une banque ! C'est dire le chemin parcouru par les postières et les postiers, par nos actionnaires et par les parlementaires, qui, à plusieurs reprises, nous ont accompagnés : en 2005, en 2010 par la loi Estrosi, puis par la loi Pacte. Nos deux grandes priorités seront d'être exemplaires en matière de banque citoyenne - être la banque de tous dans ce monde digital - et d'être exemplaires en matière d'écologie et de développement durable.

Cette année, nous allons installer deux nouveaux moteurs de croissance puissants au sein de La Poste. En effet, dans notre modèle stratégique, nous considérons qu'il faut être multiactivités : ni totalement logistique, comme la Poste allemande, ni principalement financiers, comme la Poste italienne. Le modèle multiactivités est plus stable et correspond aux souhaits des parlementaires et des territoires, ainsi qu'aux intérêts des postières et les postiers par la mobilité interne qu'il leur permet. Ces deux moteurs de croissance répondent à deux immenses défis de notre temps : le vieillissement de la population et la digitalisation.

Quelques chiffres parlent d'eux-mêmes : il y aura 1,3 million de nonagénaires dans notre pays en 2030, et 10 millions de personnes de plus de 70 ans en 2040. Qui peut imaginer une seconde que ces mouvements démographiques ne vont pas totalement bouleverser notre pays ? C'est pourquoi nous croyons à l'essor du service à domicile, en lequel nous investissons. En 2019, notre chiffre d'affaires des nouveaux services, tout compris, aura représenté 484 millions d'euros, contre zéro en 2013. Vous avez raison de souligner que c'est encore insuffisant pour absorber les 2 milliards d'euros que nous allons encore perdre. Mais, à 494 millions d'euros, ce n'est plus ni une anecdote ni un caprice du PDG ! Les élus, les présidentes et présidents de centres communaux d'action sociale (CCAS) nous disent qu'il y a un besoin de proximité considérable. La Poste est là pour y répondre. C'est loin d'être évident, mais, avec 494 millions d'euros en 2019, je pense que nous sommes au rendez-vous, nous sommes même au-delà de nos objectifs.

La vraie reconnaissance ne vient pas simplement des trois millions de jeunes qui ont été enchantés de passer leur code de la route dans des locaux postaux ; elle ne vient pas simplement des personnes âgées à qui nous allons livrer tous les jours des repas fabriqués à travers les CCAS : elle vient de l'extérieur du monde postal. Ainsi, dans le département des Landes, le président du conseil départemental a créé avec La Poste une société d'économie mixte pour construire un village Alzheimer et mettre en place une structure d'accueil des seniors. Nous sommes très fiers de ce choix. Nous avons également été associés par le professeur Bruno Vellas, un grand gérontologue, à son travail pour l'Organisation mondiale de la santé et pour le plan de Mme Buzyn sur la prévention des difficultés du grand âge, pour que les facteurs soient des intervenants dans cette politique de proximité. S'il nous a choisis, c'est qu'il pense que La Poste est l'acteur le plus efficace. Enfin, l'équipe du professeur Marescaux, à l'Institut de recherche contre les cancers de l'appareil digestif de Strasbourg, qui est un pôle d'excellence de technologie médicale, nous a fait signe pour nous confier l'ensemble de ses données sur ses patients. Pourquoi ? Parce qu'il pense que, à La Poste, ces données intimes seront bien gardées.

Deuxième défi : devenir le tiers de confiance dans la société numérique, être un acteur universel et neutre qui conserve les données des personnes. Nous sommes déjà le premier hébergeur de données de santé en France. Le système de l'Ordre des pharmaciens - le fameux dossier pharmaceutique personnel, qui permet de suivre les ordonnances - est géré et conservé par La Poste. Et ce n'est pas un hasard si les pharmaciens nous ont choisis. La semaine dernière, nous avons encore affirmé notre rôle de protection de l'identité numérique puisque l'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (ANSSI) nous a décerné un certificat de valeur substantielle de l'identité postale, qui va permettre à des millions de Français d'acquérir une identité numérique. C'est un très grand succès. Nous protégeons également les données de la vie intime des gens, grâce à Digiposte, notre base confidentielle et notre boîte aux lettres électronique. Enfin, nous pensons que nous avons un rôle clé à développer, avec les élus, en matière d'inclusion numérique. La transformation va très vite, et nous devons réduire autant que possible la part de la population qui en est exclue.

Il y aura donc, dans La Poste de 2030, quatre moteurs de croissance : la logistique, les services financiers, les services à domicile et les services de protection numérique. De plus, nous vivons avec l'impératif et la volonté d'être utiles à la société tout entière, par nos missions de service public et au-delà.

Le service universel postal, le courrier postal, est en déficit depuis 2018, d'après les chiffres de l'Arcep. Il va nous falloir le rétablir, et pas simplement par la hausse des prix. Notre priorité sera de conserver le « six jours sur sept », à la différence d'autres postes. De plus, nous nous engageons à garder 17 000 points de contact et à rester présents dans les territoires. Mais, dans une France qui se transforme, qui se digitalise, qui se polarise géographiquement, ce ne sera pas possible sans une mutualisation avec les collectivités locales. Nous aurons deux vecteurs de mutualisation avec celles-ci. D'une part, la présence postale territoriale fera l'objet d'un accord tripartite État-La Poste-Association des maires de France (AMF) que nous allons signer la semaine prochaine avec Mme Gourault et M. Baroin pour en redéfinir, dans les trois années à venir, les conditions de cette présence. D'autre part, la mutualisation sera aussi le maître-mot dans le cadre des maisons France Services, dont nous allons être un acteur majeur. Enfin, notre banque va négocier avec la Commission européenne les nouvelles conditions de l'accessibilité bancaire dans les cinq années à venir.

Nous sommes donc engagés dans les missions de service public, et nous les défendons. Nous souhaitons même aller au-delà. Nous le faisons en matière de décarbonation : nous voulons construire le leader du transport décarboné de marchandises en France et en Europe. Nous avons déjà pris de l'avance en étant neutres en carbone. Même si, en 2020, nous allons distribuer 2 milliards de colis, nous voulons le faire en produisant moins d'émissions carbonées. Ce travail de décarbonation va peser sur l'ensemble de nos activités comme une ardente obligation et un impératif. De même, en matière financière, la Banque postale et CNP vont s'efforcer d'être exemplaires dans le traitement des clientèles fragiles et dans les investissements durables. La Banque Postale Asset Management sera d'ailleurs le seul gestionnaire d'actifs qui sera 100 % ISR - investissement socialement responsable - en 2020. Nous sommes la seule banque au monde qui ait cette caractéristique ! C'est la preuve de notre engagement au service de la société.

Toute cette transformation est faite par et pour les postiers. Nous sommes une entreprise de 250 000 personnes, avec 10 000 personnes supplémentaires prévues en 2020 : 5 000 venant d'Italie et 5 000 de CNP Assurances. Nous allons continuer à investir massivement dans la formation. Déjà, nous investissons plus de 4 % de notre masse salariale en formation, et 80 % des postiers suivent une formation chaque année. Mieux former les postiers à leur nouveau métier, c'est leur donner confiance dans l'avenir ; c'est assurer de bonnes conditions de travail et un avenir professionnel, ce qui est une exigence pour nous. Nous voulons aussi investir massivement dans les méthodes de formation. Dans les cinq années qui viennent, si l'évolution du modèle stratégique est favorable, nous procéderons à une ouverture du capital aux postiers, comme la loi que vous avez votée nous le permet.

En ce moment même, 48 000 tournées sont en train d'être réalisées par nos quelque 70 000 facteurs. Elles ne sont pas toutes parfaites, certes. Il faut bien dire que les réorganisations sont complexes, en ville comme dans les territoires. Mais nous sommes à votre écoute. C'est par et pour les postiers que nous voulons cette transformation.

Notre vision est celle d'une entreprise de proximité humaine, d'inclusion digitale, au service de millions de personnes ; une entreprise fidèle à ses missions de service public et qui veut représenter des objectifs de cohésion sociale et d'impératifs écologiques ; une entreprise qui s'efforce de réussir sa bascule stratégique complète. Bref, une entreprise publique en croissance et durable, et une entreprise qui travaille à l'épanouissement de ses centaines de milliers de salariés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Procaccia

Sur les problèmes de distribution du courrier, vous venez de dire que vous êtes à notre écoute. Dans le Val-de-Marne, vous l'êtes sans doute, mais rien ne change ! Sur la diversification, vous avez évoqué nombre de points importants. Vous êtes opérateur de téléphonie, et je fus cliente de La Poste. Quelle part La Poste Mobile représente-t-elle dans le chiffre d'affaires ? Avez-vous des retours des clients ? Pour ma part, je viens de résilier mon abonnement. Il y a un très important retard en matière de numérique : on ne peut même pas gérer son compte à partir du compte client ! Vous êtes, en somme, un opérateur un peu moins performant que les autres.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Gremillet

Vous avez mentionné la signature d'une convention avec la ministre et le président de l'AMF, mais des élections municipales auront lieu dans quelques semaines. Comme d'habitude, entre 30 et 40 % des mairies changeront de titulaire. Or il peut être difficile de comprendre les nouveaux aménagements. Pourtant, l'expérience montre que ce qui a été fait rend service à la population, avec parfois une amplitude horaire encore plus vaste. Qu'allez-vous faire pour favoriser une bonne appropriation ? La mutualisation signifie-t-elle qu'on s'éloigne du maire pour aller un peu plus vers la structure intercommunale ?

Je me réjouis de ce que vous avez dit sur le numérique, dont 15 % des Français sont aujourd'hui exclus. Outre l'appropriation, il faut de l'accompagnement, et les données sont très personnelles... Sur les maisons des seniors, un travail sénatorial avait été fait, avec des positions très fortes. Allez-vous les limiter aux conventions avec les collectivités, ou envisagez-vous des partenariats avec le privé ?

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Renaud-Garabedian

Vous êtes un visionnaire en développant ainsi l'aspect multimétiers de La Poste ! Sur vos 270 000 salariés, 37 000 d'entre eux sont à l'international. Plus d'un quart du chiffre d'affaires est réalisé à l'étranger. La filiale GeoPost réalise plus de 80 % de son chiffre d'affaires en dehors de la France. Pouvez-vous revenir sur la politique de votre groupe en matière de développement à l'international ? Quels sont les principaux projets d'expansion ? Est-il prévu que le marché international du groupe devienne encore plus important que ce qu'il est aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Estrosi Sassone

Dans les communes rurales des Alpes-Maritimes, les bureaux de poste n'ont pas fermé. Pour autant, leurs amplitudes horaires ont été réduites ou modulées. Est-ce une stratégie nationale ? Ou bien est-ce à chaque direction départementale de gérer ses bureaux en fonction de leur volume de fréquentation ?

Le réseau France Services a été lancé le 1er janvier dernier. Le Gouvernement nous dit qu'il faudra deux agents d'accueil - cela me semble tout à fait légitime - pour aider les Français dans leurs démarches administratives, cinq jours sur sept. Or, comme me l'a confirmé Mme Gourault, l'État ne financera qu'un seul de ces agents d'accueil. Le deuxième va donc être financé par les collectivités. Ne pourrait-il l'être par des opérateurs, dont La Poste, qui est une figure majeure, avec la SNCF, ou les opérateurs mobiles ? Quel pourrait être l'apport budgétaire de La Poste ? Les maisons de services au public (MSAP), créées en 2015, seront réduites en conséquence, et l'État cessera de les financer le 31 décembre 2021. Quid de l'après ?

L'identité numérique de La Poste pourrait-elle être adoptée par d'autres entreprises - banques, assurances, mutuelles -, qui demanderaient à leurs clients d'effectuer les démarches administratives en ligne ? Quel sera le gage de sa sécurité ? Cette identité numérique est valable pour cinq ans. Avez-vous anticipé ses modalités de renouvellement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le rapprochement entre CNP Assurances et La Poste va permettre à la CDC de détenir plus de 50 % du capital de La Poste, l'État devenant actionnaire minoritaire. Même si La Poste reste une entreprise détenue à 100 % par des capitaux publics, il n'est pas interdit de s'interroger sur sa future gouvernance et sur la future stratégie de cette entreprise lorsque la CDC sera son actionnaire majoritaire. Tout investisseur public qu'elle est, la CDC exigera un retour sur investissement. Quelles seront les incidences sur l'emploi, sur les salaires, sur les conditions de travail et sur le service public ? N'est-ce pas, comme le craignent certains syndicats, une porte qui s'ouvrirait vers une certaine forme de privatisation ? Quelles garanties pérennes sur les missions de service public, et sur leur qualité ? Bref, y aura-t-il compatibilité entre la recherche de rentabilité du pôle financier et les missions de service public ? Enfin, quelles sont les garanties que la transformation de La Poste se fera en respectant le principe de présence territoriale ? Quand La Poste a été transformée en société anonyme, on nous avait garanti que l'État resterait actionnaire majoritaire. Or, ce n'est plus le cas. Reconnaissez que l'on peut se poser des questions sur la suite !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Decool

Nous entendons et lisons partout que l'ambition du groupe La Poste est de devenir le leader des services publics de proximité humaine. Nous ne demandons qu'à y croire, comme nous espérons que les maisons France Services seront une version plus aboutie, et plus performante, des MSAP précédentes. Cette ambition passe notamment par vos quatre missions de service public. Vous avez, en vertu de l'article L. 518-25 du code monétaire et financier, une mission générale d'accessibilité bancaire, par la mise à disposition d'un produit d'épargne de base à toute la population sans aucune restriction. Cette mission générale d'accessibilité bancaire pourrait être complétée d'une mission d'accessibilité du public aux espèces, car le secteur bancaire traditionnel a tendance, ces dernières années, à déserter les zones rurales et les distributeurs automatiques de billets et à s'éloigner, à l'instar des services publics, des habitants. C'est une préoccupation forte dans le Nord-Pas-de-Calais, ou en Corrèze, ou dans d'autres territoires de la République. Nous comprenons que le modèle économique des distributeurs automatiques de billets empêche leur maintien dans certaines zones, mais nous nous interrogeons sur le rôle que pourrait jouer La Poste pour améliorer l'accessibilité du public aux espèces dans le cadre de partenariats avec les territoires. Êtes-vous prêt à prendre des initiatives sur ce dossier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Tissot

C'est la troisième fois que nous nous rencontrons. À chaque fois, vous tenez un discours dynamique, enthousiaste, optimiste. Mais force est de constater que, quand on redescend sur nos territoires, on n'a pas tout à fait le même son de cloche. Sur le territoire français, 5 000 bureaux de poste ont été fermés depuis dix ans. Outre ces fermetures, le volume horaire des bureaux de poste se réduit considérablement, et ne garantit plus à l'usager une présence postale de qualité. Dans mon département, comme dans d'autres, il y a eu des cas de fermetures sans que les élus locaux y soient associés parce que le contexte ne leur permettait pas d'utiliser leur droit de veto. Et la simple prise d'avis du maire me paraît bien mince face à cette décision. Les nombreux échanges avec la commission départementale de présence postale territoriale n'ont pas été très efficaces parce que cette commission n'est pas très associée à la réflexion. On peut avoir un discours général et partager votre avis, dire que vous êtes un visionnaire, et même un bon stratège. Mais, quand on descend sur le territoire, c'est plus compliqué. Imaginez-vous une réflexion plus approfondie pour associer les élus locaux ? Vous avez évoqué votre filiale Urby à propos de la décarbonation. Vous dites que vous avez signé des contrats avec 19 des 22 métropoles, dont Saint-Étienne. Mais j'observe que rien ne suit, en pratique, la signature de ces contrats. Comment allez-vous les faire vivre ? Concernant les livraisons de colis, j'ai constaté par moi-même que les facteurs ne sonnent même plus à la porte du destinataire. Ils se contentent de déposer un avis de passage. Le travail n'est pas si bien fait que ça !

Debut de section - PermalienPhoto de Agnès Constant

J'admire votre dynamisme et votre enthousiasme, mais sur le terrain, dans l'Hérault, les MSAP qui se sont installées dans certaines Postes ne remplissent pas le contrat. Vous dites que vous êtes engagés dans les missions de service public et que La Poste est une entreprise solution pour les services publics. Quel a été l'accompagnement auprès de vos postiers ? On me dit que les guichetiers n'ont absolument pas été formés ni mis au courant, et qu'ils ne souhaitent pas faire ce métier. Que prévoyez-vous pour les former ? Si une MSAP doit offrir un service public à des personnes en difficulté, et que les élus, sans concertation, apprennent que La Poste ne sera ouverte que de 14 heures à 16 heures en plein été, ce n'est pas cohérent.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Noëlle Lienemann

Je m'interroge sur l'avenir de la logistique. Votre premier client est Amazon, qui est aussi votre premier concurrent ! Comment envisagez-vous la gestion de cette contradiction ? J'imagine qu'Amazon fait pression sur les prix. Comment pensez-vous reconquérir des parts de marché dans ce domaine ?

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Garder durablement cette présence postale est essentiel. Sur les 17 000 points de contact, 10 000 sont des bureaux de poste de plein exercice. Le problème, sur les territoires, c'est le non-remplacement de postiers qui partent dans un bureau plus important. Pourquoi ne pas faire de ces points de contact des points numériques de haut niveau ? Avec la fibre, la question des usages va se poser avec une acuité particulière.

Sur l'assurance emprunteur, je vous ai écrit : il semble que La Poste ait du mal à faire en sorte que, lorsqu'on veut la renégocier, on obtienne une réponse.

Tous ces changements peuvent avoir un impact sur la santé au travail. Quel est le climat social ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Cuypers

J'ai bien écouté votre présentation et les orientations que vous donnez au groupe que vous présidez depuis 2013. Merveilleux, fabuleux, c'est une belle entreprise ! Mais revenons sur le terrain : la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, je vous ai signalé ma ruralité, à 65 kilomètres de Paris, et le dysfonctionnement permanent, qui s'aggrave même depuis un an, dans la distribution du courrier. Cela ne peut plus continuer. Nous recevons les nouvelles avec huit jours de retard, sans parler des colis. Ce dysfonctionnement est lié à l'organisation de la distribution. Les jeunes qui arrivent ne connaissent rien, vont sur les réseaux et ne savent pas où sont les boîtes aux lettres : ils passent devant, ils s'en vont... Voilà la ruralité !

Debut de section - PermalienPhoto de Élisabeth Lamure

Concernant la distribution des colis, vous avez indiqué une forte tension sur les prix. Pour y répondre, vous vous dirigez vers des investissements et une ouverture du capital. Le fait que La Poste se soit bien engagée dans le développement durable, est-ce un argument auprès de vos clients ?

Debut de section - PermalienPhoto de Serge Babary

Vous avez mentionné les impératifs écologiques de décarbonation du transport, en particulier dans une vingtaine de métropoles françaises, et vous dites que vous vous intéresserez ensuite aux villes moyennes et aux plus petites villes. Quand allez-vous mettre en oeuvre ce dernier kilomètre, qui est celui qui intéresse tout le monde, en particulier dans les villes moyennes et petites ?

Debut de section - PermalienPhoto de Pierre Louault

Je serai beaucoup moins critique que mes collègues. Pour avoir présidé une association de maires pendant dix ans, je sais que, à chaque fois qu'il y a eu une adaptation ou une fermeture de bureau de poste, nous avons toujours trouvé un interlocuteur sérieux, et des solutions. Dans ma commune, une agence fermée depuis trente ans vient de rouvrir grâce à une autre, qui a contribué à l'investissement et qui apporte un financement mensuel pour ce service public. Le travail que vous faites est positif, même s'il reste encore quelques marges de manoeuvre, notamment sur l'accessibilité aux espèces, pour laquelle votre système semble obsolète. C'est vrai aussi que les colis ne sont pas toujours bien distribués.

Debut de section - PermalienPhoto de Sylviane Noël

Entre 2015 et 2019, plus de 2 400 communes françaises ont fusionné pour donner naissance à 754 communes nouvelles, ce qui a causé quelques bouleversements dans la distribution du courrier. Dans mon département de la Haute-Savoie, depuis le début du mois d'octobre, la commune nouvelle de Talloires-Montmin n'est quasiment plus distribuée. Pendant plusieurs mois, les habitants ne recevaient quasiment plus de courrier, ou alors avec un retard considérable, ce qui a engendré des difficultés importantes. Je vous avais alerté sur ce cas, et vous avez agi localement, ce dont je vous remercie, mais des difficultés persistent. Je suppose que d'autres communes nouvelles verront le jour dans les mois à venir. Le groupe La Poste a-t-il réfléchi à des solutions techniques pour faire face à ces difficultés ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Buis

J'ai longtemps été président de la commission départementale de présence postale territoriale dans la Drôme. Nous avions pu financer, grâce au fonds de péréquation, la mise en place de distributeurs automatiques de billets dans les communes qui en étaient dépourvues. Se pose désormais la question du fonctionnement de ces distributeurs, car leur approvisionnement coûte assez cher. Serait-il envisageable d'en financer aussi une partie ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Montaugé

Je souscris aux propos tenus par l'ensemble de mes collègues sur la nécessité de la présence territoriale. J'aurais aimé que, dans votre présentation, vous indiquiez ce que coûte aux collectivités leur contribution à votre présence territoriale. Cela se compte en centaines de millions d'euros, d'investissement et de fonctionnement.

Sur les données de santé, je regrette qu'un sujet aussi fondamental ne fasse pas l'objet d'un débat impliquant le Parlement. La manière dont vous avez présenté les choses interroge sur l'évolution du capital de votre entreprise, comme l'a souligné M. Roland Courteau. Cela soulève des questions de souveraineté et de liberté pour l'ensemble des citoyens français, sans parler des enjeux commerciaux gigantesques. J'ai ouï dire que vous envisagez de vous engager dans des market places, à l'instar d'autres entreprises qui font de la distribution de produits marchands. Si c'est le cas, envisagez-vous des partenariats avec les commerçants locaux qui parsèment nos territoires, pour qu'ils ne soient pas victimes de cette démarche et qu'ils puissent au contraire en bénéficier ?

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Vous avez dit que le plan stratégique 2030 devrait être partagé par tous les acteurs. Pouvez-vous confirmer que l'accord préalable des maires sera toujours pris en compte pour toutes les transformations à venir ? Il peut s'agir de la transformation des bureaux de poste, mais aussi de changements d'horaires, qui peuvent être une arme redoutable pour réduire la fréquentation. Nos administrés ont de plus en plus de mal à se procurer des espèces. Dans le cadre de la multiactivités, que vous appelez de vos voeux, la création du grand pôle de banque et assurance publique ne pourrait-elle pas apporter une réponse ?

Debut de section - PermalienPhoto de Franck Menonville

Vous avez évoqué la signature d'une convention entre l'AMF et le ministère de la cohésion des territoires. Quelles sont les pistes de mutualisation ? Dans le milieu rural, la mise en place des agences postales communales avait dégagé des synergies intéressantes et permis aussi l'élargissement des permanences des secrétariats de mairie. Cette dynamique sera-t-elle prolongée ? Quelles garanties pouvez-vous nous donner sur la répartition des coûts et sur l'engagement financier de La Poste dans ces mutualisations ?

Debut de section - PermalienPhoto de Henri Cabanel

Je vais enfoncer le clou : la qualité des services n'est pas toujours au rendez-vous. Quant au bien-être de vos salariés, êtes-vous sûr que les postiers, surtout dans les communes rurales, sont heureux de faire ce qu'ils font ? Votre activité de courrier est en baisse, certes, mais est-il indispensable d'augmenter le prix du timbre, comme vous le faites régulièrement ?

Debut de section - PermalienPhoto de Marc Daunis

Vous savez mon attachement viscéral à La Poste. Je confirme la dichotomie décrite par mes collègues. Pour autant, nous sommes en train de réussir à sauver La Poste, ce qui n'était pas gagné. Gratitude, donc. Des orientations stratégiques qui ont été prises s'avèrent pertinentes et doivent être consolidées. J'ai apprécié le mot que vous avez eu pour les salariés de La Poste, car rien n'aurait été possible sans une implication extraordinaire de son personnel. Le prix qui a été payé par ce personnel pour que nous maintenions une entreprise telle que La Poste est important. Cela nous impose de revoir dans toute la nouvelle architecture la part que l'État doit prendre à vos côtés pour consolider ce maillage territorial stratégique et faire en sorte que l'accès au service public soit garanti pour nos concitoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Christine Chauvin

Vous avez affirmé votre volonté de conserver la distribution du courrier six jours sur sept, et je vous en remercie, parce que c'est très important en milieu rural. Pour la distribution, quand nous avons notre facteur attitré, tout se passe très bien. Mais quand ce précieux facteur est absent, dans le meilleur des cas, il y a un remplaçant ou une remplaçante, et alors, cela ne se passe pas toujours très bien. Est-ce un problème de recrutement du personnel ? De formation ?

Debut de section - Permalien
Philippe Wahl, candidat proposé à la présidence du conseil d'administration de La Poste

Nous avons connu beaucoup de problèmes dans le Val-de-Marne et dans l'Essonne, c'est vrai. Pourquoi ? Parce que les réorganisations ont été ratées, ce qui arrive aussi ! Dans ce cas, il faut un an pour tout reconstruire, et nous sommes en train de le faire, par de nombreuses réunions avec les préfets et les maires de ces deux départements.

La Poste Mobile est devenue importante pour notre groupe, avec une contribution supérieure à 60 millions d'euros, et 1,8 million de clients, contre zéro en 2011. Je regrette vraiment que nous vous ayons perdue, madame la sénatrice, et je nous fixe comme objectif d'essayer de vous récupérer comme cliente ! Cela nous intéresse toujours de savoir pourquoi les clients nous quittent. Cela dit, nous en avons 200 000 de plus que l'année dernière. En tout cas, c'est une diversification qui fonctionne.

Vous avez évoqué notre présence territoriale. Il est logique qu'il y ait un écart entre la vision stratégique et ce qui se passe sur le terrain. Je ne l'organise pas, bien sûr, mais lorsque vous tracez pour une immense entreprise ses orientations et ses priorités, vous devez vous efforcer de faire en sorte qu'elles soient enthousiasmantes, positives et claires. Mais, dans la réalité, comme il y a 250 000 personnes, 46 000 tournées, 18 000 implantations, la complexité arrive. Je crois donc que nous devons changer notre système, comme nous l'avons fait depuis cinq ans, mais je crois aussi à tout le système d'alerte et de partenariat. Associer les élus, c'est avoir un dispositif d'alerte. Dans nos process postaux, c'est une obligation professionnelle d'avoir averti les élus. Les commissions départementales de présence postale territoriale fonctionnent, avec des élus extrêmement engagés. Il est vrai que le non-cumul des mandats pose une difficulté, puisque nous n'avons plus de parlementaires. Je serais tout à fait prêt, cela dit, à accueillir dans ces commissions un représentant du Sénat et un représentant de l'Assemblée nationale. Tout ce qui nous permet de traiter les sujets avec vous est une bonne chose. Anticiper la saisine des élus est une obligation professionnelle !

Vous m'interrogez sur la mutualisation. Ce qui se passe dans notre pays, c'est la polarisation des activités et la digitalisation. Résultat : les points de contact sont moins fréquentés. Or, ce qui détermine les heures d'ouverture, c'est la fréquentation. Comme il y a 17 000 points de contact, il peut y avoir des dysfonctionnements : merci de nous le signaler ! Mais nous avons des procédures, que nous respectons. Le nouvel accord avec l'AMF prévoit, notamment, des obligations très précises sur les fermetures estivales : si nous fermons un bureau de poste pendant plus de quinze jours, il faut toujours qu'un autre bureau du même bassin de vie reste ouvert.

La transformation a eu lieu, et il y a à peu près une moitié de bureaux de poste et une moitié de points de partenariat. Avec un point de partenariat, on perd la possibilité d'avoir un conseil financier dans l'endroit en question. Mais ce qu'on gagne, c'est l'extension des horaires d'ouverture ! L'accord signé avec l'AMF de François Baroin - et qui le sera avec Mme Gourault la semaine prochaine - prévoit que le retrait et le dépôt de cash pourront passer de 350 à 500 euros. Et nous sommes prêts à utiliser le fonds départemental de présence postale territoriale pour cofinancer des distributeurs de billets non rentables, à condition que leur coût de fonctionnement soit aussi couvert. L'un de vos collègues s'était d'ailleurs engagé sur ce sujet, à travers le dépôt d'une proposition de loi. Nous sommes à vos côtés pour trouver une solution. Les horaires d'ouverture doivent faire l'objet d'un consensus, dans la mesure du possible, mais La Poste reste une entreprise. Clairement, les points de partenariat permettent souvent une extension considérable de ceux-ci, notamment en secteur urbain.

Sur la logistique urbaine, nous avons déjà signé avec 19 des 22 métropoles françaises. Dès le mois d'avril, après les élections municipales, nous allons engager un Tour de France de la logistique urbaine pour dire aux maires ou aux présidents de ces métropoles que nous souhaitons réaliser avec eux, d'ici à 2026, la décarbonation de la totalité de leur transport de marchandises. Certains voudront 100 %, d'autres 50 % : nous nous adapterons. Ensuite, nous diffuserons ces pratiques dans les villes moyennes et petites. Il nous faut commencer là où c'est rentable, pour accumuler des résultats positifs plutôt que des pertes. Mais le but est bien de décarboner la totalité de la logistique. Pour la logistique rurale, il faudra que nous trouvions des solutions. Vous avez été nombreux à souligner que, comme La Poste passe partout, elle pourrait transporter autre chose que les colis. Nous faisons déjà du transport de médicaments sous pli scellé. Ce matin, à l'Assemblée nationale, on nous a proposé de distribuer du pain en zone rurale. Si nous sommes payés pour le faire, nous le ferons !

Quant à notre expansion internationale, le chiffre d'affaires de cette année atteint 10,1 milliards d'euros. Au-delà de l'Europe, nous allons nous développer en Asie du Sud-Est, grâce à une participation minoritaire dans un opérateur qui est actif à Singapour et dans l'Asie du Sud-Est. Nous sommes présents auprès d'une famille indienne, en Inde : nous avons 45 % du capital, et la famille en a 55 %. Nous nous sommes implantés au Brésil, et nous allons rayonner dans l'Amérique latine. Nous commençons aussi à nous implanter progressivement en Afrique, car nous pensons qu'il y a beaucoup de potentiel sur ce continent. En termes de chiffres d'affaires, nous étions à moins de 5 milliards l'année dernière, à plus de 10 l'année dernière, en 2025, nous devrions être très sensiblement au-dessus de ces 10 milliards. Nous sommes déjà, grâce à GeoPost, le premier opérateur de logistique français, et de très loin. Nous tenons demain à Berlin un forum avec tous ses managers.

Vous m'interrogez sur la prise de majorité par la CDC. Il y avait deux actionnaires de La Poste, il y aura les deux mêmes. Comme la CDC est un établissement public sui generis contrôlé par le Parlement, cela reste assez puissamment public. Bref, je ne trouve pas de trace, même homéopathique, d'intérêts privés dans le capital de La Poste à ce stade. Bien sûr, la CDC est plus financière, dans son approche - tout en restant publique - que l'État, qui a des responsabilités politiques et régaliennes. Mais, dans la mesure où l'État reste au capital, où il préside le comité des services publics, où il reste culturellement l'État en France, je ne suis pas inquiet sur les missions de service public, d'autant que la CDC y trouve un intérêt économique, puisqu'elles sont compensées, et non surcompensées, comme le vérifie régulièrement la Commission européenne. De plus, la grande priorité de la CDC d'Éric Lombard est de lutter contre les fractures territoriales. J'attends de mes actionnaires qu'ils contribuent à notre développement, y compris par des augmentations de capital à venir.

Pour l'accessibilité des métiers bancaires, nous utilisons le Livret A gratuit pour tout le monde, et nous avons accru la collecte et le retrait de 350 euros à 500 euros.

Vous avez évoqué le climat social. Nous sommes une très grande entreprise, qui connaît de temps en temps des conflits sociaux, d'autant que nous sommes en pleine transformation. Nous résolvons à chaque fois ces conflits par la négociation. Les postiers participent massivement aux élections professionnelles : 75 % de participants aux dernières élections. Ils sont engagés dans le mouvement que nous impulsons. Nous n'avons pas de grève générale même si les participations aux journées d'action ont été significatives, sans pour autant troubler le service universel postal. En tout cas, nous donnons la priorité au dialogue social, nous passons des accords sociaux et nous associons nos syndicats à la réflexion stratégique sur notre avenir. Ainsi, nous allons lancer le 27 février prochain, dans le cadre de notre journée sur les résultats de La Poste en 2019, une grande démarche participative sur notre plan stratégique « La Poste 2030 ». Nous allons consulter les 220 000 postières et postiers français dans le cadre de l'organisation de plus de 15 000 tables rondes, en leur demandant de se prononcer sur ce que nous allons faire. Vos facteurs vont se réunir pendant une heure et ils vont répondre à des questions. Et si vous m'invitiez à vous présenter le résultat de ces consultations, je viendrais avec plaisir. Nous travaillerons aussi avec l'AMF, l'Association des départements de France et Régions de France. Et nous allons consulter les clients. Nous nous préparons à devenir une entreprise avec une raison d'être, une mission, et un comité des parties prenantes.

Dans les communes nouvelles, pour La Poste, il est compliqué d'avoir cinq places de la République, six rues de La Poste et quinze places du général de Gaulle - sans parler des squares de l'église : pour parler franchement, ce n'est pas de la tarte !

Sur le numérique, nous sommes un acteur public qui garantit la souveraineté nationale. Nous avons un accord de certification numérique pour cinq ans.

Tout ce que nous faisons avec les territoires, nous le faisons dans le cadre des institutions que vous avez vous-même créées, et notamment de l'Observatoire national de la présence postale territoriale, fondée par un sénateur. La commission supérieure du numérique et des postes est également présidée par un sénateur !

Je termine avec le prix du timbre. Nous perdons chaque année 600 millions d'euros de chiffre d'affaires. Le prix du timbre nous compense à peu près la moitié. Sans cette moitié, je ne sais pas comment nous ferions. Tous les pays d'Europe le font, et ils ont commencé bien avant nous ! Les plus malins dans cette affaire ont été les postiers allemands, qui ont procédé au début de leur transformation à des hausses considérables du prix du timbre, ont amassé des profits et les ont utilisés pour la réaliser. Il n'y a pas d'alternative à la hausse du prix du timbre. Tant que nous n'avons pas fait pivoter notre modèle, nous allons poursuivre, avec l'Arcep - car ce n'est pas nous qui le décidons -, la hausse du prix du timbre.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Merci. Nous allons procéder au vote.

Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Nous avons procédé à l'audition de M. Philippe Wahl, dont la nomination est envisagée par le Président de la République pour exercer les fonctions de président du conseil d'administration de La Poste.

Nous allons à présent procéder au vote, qui se déroulera à bulletins secrets comme le prévoit l'article 19 bis de notre Règlement. En application de la loi du 23 juillet 2010, il ne peut y avoir de délégation de vote.

Nous procéderons ensuite au dépouillement ; nous sommes en contact avec la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale afin de procéder de manière simultanée.

L'article 13 de la Constitution dispose que le Président de la République ne pourrait procéder à cette nomination si l'addition des votes négatifs de chaque commission représentait au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés dans les deux commissions.

La commission procède au vote puis au dépouillement du scrutin sur la proposition de nomination, par le Président de la République, de M. Philippe Wahl aux fonctions de président du conseil d'administration de La Poste.

Voici le résultat du scrutin :

nombre de votants : 34

pour : 31

contre : 3

La commission donne un avis favorable à la nomination de M. Philippe Wahl aux fonctions de président du conseil d'administration de La Poste.

La réunion est close à 12 h 30.