Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat doit aujourd’hui se prononcer sur le projet de loi relatif à deux conventions avec le gouvernement du Burkina Faso : l’une portant sur l’entraide judiciaire en matière pénale et l’autre sur l’extradition. Ces conventions ont pour objet de remplacer les précédentes, qui datent de 1961, en les rénovant et en les améliorant. À cette époque, encore celle de la République de Haute-Volta, elles faisaient explicitement référence à la colonisation. Force est de constater que, depuis cette période, les relations diplomatiques entre nos deux pays – heureusement – ont évolué, tout comme le contexte international, à la fois judiciaire et militaire.
Ces deux conventions sont conformes aux standards français et européens. Elles ne soulèvent donc aucun problème particulier au regard de notre droit. Je ne reviendrai pas sur le détail de celles-ci, comme l’a fait M. le secrétaire d’État et, excellemment comme à chaque fois, M. le rapporteur, le présent projet de loi tendant à leur ratification ayant été adopté à l’unanimité en commission, comme cela a été rappelé. Je veux souligner la nécessité d’adapter ces enjeux à la lutte contre le terrorisme.
C’est le groupe de travail G5 Sahel, qui travaille notamment sur les questions de lutte contre le terrorisme, qui a évoqué la nécessité de rénover et de renégocier ces accords bilatéraux.
Au Burkina Faso, la criminalité est liée au terrorisme. Il est important – c’est l’enjeu de ces conventions – de s’attaquer au financement du terrorisme, lequel touche d’ailleurs l’ensemble des pays de la bande sahélo-saharienne.
Le Burkina Faso est dans une situation d’extrême urgence. L’influence terroriste se fait maintenant sentir dans une grande partie du nord du pays, et les attaques contre les civils s’accentuent : il y a encore quelques jours, trente-six civils en ont été victimes lors d’une attaque d’un marché. On le voit bien, les populations civiles sont très largement impactées par le terrorisme.
Notre République a engagé ses troupes au Burkina Faso, dans le cadre de l’opération Barkhane, anciennement opération Serval, qui avait été engagée sous le précédent quinquennat. Je veux à mon tour saluer l’engagement, le courage et le professionnalisme de nos troupes, ainsi que le sacrifice des hommes et des femmes qui sont tombés au combat pour défendre à la fois les populations, ces pays, le nôtre, notre démocratie, face à cette idéologie islamiste qui fait tant de dégâts dans le monde. Notre engagement vise à appuyer les forces armées des pays partenaires concernés, à renforcer la coordination des moyens militaires internationaux et à empêcher la reconstitution de foyers terroristes dans la région.
Je veux également saluer le fait que nous ayons dans notre hémicycle un débat sur l’opération Barkhane, non pas pour la condamner – telle n’est pas la position de mon groupe –, mais pour débattre de la réadaptation nécessaire et permanente de nos dispositifs, de notre théorie militaire d’intervention compte tenu de la grande complexité de la situation. Il ne faudrait pas, d’ailleurs, que les populations locales vivent durement notre intervention, ce qui est parfois le cas.
Notre engagement s’inscrit dans une stratégie 3D : un axe diplomatique, un axe de défense et un axe de développement. Je ne peux que regretter à cet égard la baisse des autorisations d’engagement de l’AFD (Agence française de développement), qui mériteraient plutôt d’être augmentées.
J’en viens maintenant, en quelques mots, au fond de ces deux conventions.
Premièrement, je salue le fait que l’accord de 2018 permette de transmettre par voie diplomatique les archives françaises déclassifiées relatives à la mort, en 1987, du Président Thomas Sankara. Je remercie le Gouvernement de cette décision.
Deuxièmement, comme l’a dit le rapporteur, se pose la question de l’extradition de François Compaoré, à la suite de son arrestation et des décisions à la fois de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel. Celui-ci est aujourd’hui mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat, en 1998, du journaliste Norbert Zongo. Chaque 13 décembre, des milliers de Burkinabés se rassemblent pour lui rendre hommage. Il serait effectivement important pour nous que la justice burkinabée puisse trancher. C’est aussi de la liberté de la presse qu’il est question dans cette affaire.
Troisièmement, j’observe que le système judiciaire du Burkina Faso a connu des changements – voire une révolution – quant à l’échelle des peines applicables. Un nouveau code pénal a été promulgué, le 21 juin 2018, abolissant la peine de mort. Toutefois, celle-ci est toujours prévue par le code de justice militaire, ce qui doit nous interpeller, même si, depuis 1988, aucune exécution n’a eu lieu.
Pour conclure, je veux souligner que la convention exclue toute possibilité d’extradition liée à des délits d’opinion, de nationalité, de race ou de religion. Il est important de le rappeler. De même, aucune extradition n’est possible, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, quand pèsent des risques sur la vie des personnes.
Nous considérons que ces deux conventions doivent permettre à la fois de renforcer l’amitié entre nos deux pays, nos deux peuples, et de renforcer l’État de droit au Burkina Faso. Mon groupe votera donc ce projet de loi.