Séance en hémicycle du 30 janvier 2020 à 10h30

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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Sommaire

La séance

Source

La séance est ouverte à dix heures trente.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle l’examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure d’examen simplifié.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie relatif aux services aériens (ensemble trois annexes), signé à Paris le 30 janvier 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens (ensemble une annexe), signé à San José le 23 mars 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique (ensemble une annexe), signé à Maputo le 3 mai 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérale démocratique d’Éthiopie relatif aux services aériens, de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Costa Rica relatif aux services aériens et de l’accord relatif aux services aériens entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Mozambique (projet n° 732 [2018-2019], texte de la commission n° 261, rapport n° 260).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens (ensemble une annexe), signé à Ndjamena le 9 février 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola relatif aux services aériens (ensemble une annexe), signé à Luanda le 1er mars 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je mets aux voix le texte adopté par la commission sur le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Tchad relatif aux services aériens et de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République d’Angola relatif aux services aériens (projet n° 733 [2018-2019], texte de la commission n° 263, rapport n° 262).

La commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées est favorable à l’adoption de ce texte.

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso (projet n° 705 [2018-2019], texte de la commission n° 191, rapport n° 190).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, « la liberté a souvent, hélas ! le goût du sang versé ». C’est par ces mots que, le 2 décembre dernier, le Président de la République ouvrait l’éloge funèbre de treize soldats français morts dans le cadre de l’opération Barkhane.

Permettez-moi d’évoquer quelques instants le Sahel dans sa dimension sécuritaire avant d’en venir au texte qui nous réunit, puisque le Burkina Faso participe pleinement de cet espace parcouru d’un certain nombre de fragilités, traversé de crises et ayant bien des défis à relever.

Le sacrifice de ces héros a suscité l’émoi de toute la Nation. Il a rappelé combien la France prend sa part dans la lutte contre le terrorisme, sur son territoire comme par-delà ses frontières.

Cet événement tragique fut l’occasion pour nos concitoyens de témoigner une fois de plus de leur attachement à l’engagement remarquable de nos soldats dans leur combat pour la liberté. Cette reconnaissance de la patrie a été de nouveau exprimée par le Président de la République lorsqu’il s’est déplacé auprès des forces françaises en Côte d’Ivoire, basées à Port-Bouët et qui sécurisent cette voie sacrée, cet axe logistique de ravitaillement jusqu’à Gao.

En réunissant à Pau, le 13 janvier dernier, les pays du G5 Sahel, le Président de la République a réaffirmé l’engagement militaire de la France dans la région, annonçant l’envoi de renforts, ainsi que de moyens logistiques et de renseignement supplémentaires pour poursuivre cette lutte contre le terrorisme. La France espère que cet effort sera également mis à profit par nos alliés pour permettre le redéploiement de l’État, la reconstruction des appareils de sécurité.

En définitive, comme le rappelait le Président de la République en conclusion de ce sommet, l’objectif politique est la consolidation de l’État, le retour de l’État partout et dans toutes les régions.

Précisément, nous avons évoqué le retour de l’État malien à Kidal, la consolidation de l’État burkinabé. Cet objectif politique est indispensable et complémentaire de l’objectif militaire.

Si l’effort et la coopération militaires sont essentiels à la réaffirmation de la présence des États, la mise en place d’une coopération judiciaire pénale moderne et efficace entre la France et ses partenaires constitue un objectif majeur dans la stratégie française de lutte contre le terrorisme dans la région.

En matière de coopération judiciaire pénale, la France et le Burkina Faso sont actuellement liés par l’accord de coopération en matière de justice signé en 1961 – il a donc cinquante-neuf ans.

Depuis 2014, la France a adressé vingt demandes d’entraide judiciaire en matière pénale au Burkina Faso, principalement pour des faits de terrorisme et d’atteinte aux personnes. La multiplication des attaques terroristes au Burkina Faso, à l’occasion desquelles des ressortissants français ont été tués ou blessés, nécessite en effet la coopération des autorités burkinabées pour les besoins des procédures judiciaires en France.

Au moment où je prononce ces mots, j’ai une pensée toute particulière pour Thierry Gouy, notre compatriote décédé dans l’attaque contre un café-restaurant à Ouagadougou, dans la nuit du 13 au 14 août 2017 et pour toute sa famille.

Les négociations engagées avec le Burkina Faso font suite aux conclusions d’un groupe de travail interministériel piloté par le ministère de la justice français et consacré à l’entraide pénale en matière de lutte contre le terrorisme avec des États du continent africain identifiés comme prioritaires. Ces travaux remontent au dernier trimestre de 2016. Des négociations analogues ont été menées avec le Niger et le Mali.

Les deux conventions qui font l’objet du présent projet de loi ont pour objectif de moderniser le cadre juridique quelque peu obsolète de la coopération judiciaire en matière pénale et de répondre efficacement aux défis posés par la lutte contre la menace terroriste et la criminalité organisée.

Depuis 2014, les autorités burkinabées ont adressé à la France un plus faible nombre de demandes : quatre demandes d’entraide et deux demandes d’extradition. Toutefois, elles sont d’une importance particulière en raison des faits commis. Elles illustrent également le besoin d’une coopération bilatérale efficace entre nos deux pays.

Ces deux conventions prévoient le principe d’une coopération large et efficace.

La convention d’entraide judiciaire crée la possibilité de recourir aux techniques spéciales d’enquête : auditions par vidéoconférence, demandes d’informations en matière bancaire, saisies et confiscations d’avoirs criminels, livraisons surveillées, infiltrations et interceptions de télécommunications. Elle organise de manière claire les modalités de communication et de transmission des demandes, notamment dans les cas les plus urgents. J’ajoute que les échanges sont renforcés pour assurer une exécution plus efficace et plus rapide des demandes d’entraide par l’institution de mécanismes de consultation à différentes étapes de l’exécution des demandes.

En matière d’extradition, la lutte contre la criminalité et l’impunité sera renforcée grâce à des stipulations encadrant très précisément et au plus près des besoins opérationnels la coopération bilatérale. Dans cet esprit, les modalités de l’arrestation provisoire des personnes recherchées pour éviter leur fuite et celles des communications entre les autorités compétentes des deux États méritent d’être soulignées.

Les stipulations de ces deux textes, qui s’inspirent largement des mécanismes standards de coopération judiciaire du Conseil de l’Europe, sont conformes aux plus récents accords signés par la France et à nos engagements européens et internationaux.

À ce titre, conformément aux règles classiques du droit de l’extradition, la convention prévoit plusieurs motifs de refus, notamment lorsque l’État requis considère que la personne recherchée est réclamée pour une infraction politique ou de nature exclusivement militaire, ou encore lorsqu’elle a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinion politique.

Cette nouvelle convention préserve le principe de refus d’extradition des nationaux tout comme elle prévoit un tel refus en cas de prescription de l’action publique ou de la peine, et également en application du principe non bis in idem.

Afin d’assurer le respect de la Constitution de 1958, la convention permet à la France de refuser d’extrader une personne passible de la peine capitale, sauf à ce que le Burkina Faso donne des assurances que notre pays jugera suffisantes. C’est donc à cette aune que nous nous prononcerons. Sur ce point, il doit être relevé que le nouveau code pénal burkinabé, adopté le 31 mai 2018, prévoit la suppression de la peine capitale, qui reste cependant en vigueur dans certaines lois spéciales.

Ce mécanisme est également applicable aux peines contraires à l’ordre public français.

Par ailleurs, et s’agissant de l’exécution d’une demande d’entraide aux fins d’enquête, elle peut être refusée si elle est de nature à porter atteinte à la souveraineté, à la sécurité, à l’ordre public ou à d’autres intérêts essentiels de la France.

Enfin, les deux conventions instituent des garanties pour la protection des données à caractère personnel transmises sur leur fondement, conformément aux engagements européens de la France.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont les grands équilibres, les grandes lignes du projet de loi et des conventions qui sont soumis à votre appréciation ce matin. Je ne doute pas que M. le rapporteur, dans quelques instants, approfondira, avec la sagesse qui est la sienne, l’ensemble de ces éléments.

MM. Robert Laufoaulu et Jean-Claude Requier applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à remercier nos collègues André Reichardt et Philippe Mouiller, du groupe Les Républicains, qui ont souhaité l’examen en séance de cette convention, ce qui nous permet d’aborder la situation dramatique du Burkina Faso.

Comme l’a rappelé M. le secrétaire d’État, les conventions que nous examinons ce matin visent à actualiser le cadre juridique de la coopération franco-burkinabée dans les domaines de l’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition. Le cadre en vigueur, défini en 1961, est devenu obsolète et appelle une révision destinée à y inclure des dispositions plus adaptées au contexte et aux enjeux actuels. La justice française est par ailleurs confrontée à une certaine lenteur des autorités burkinabées à accorder l’entraide judiciaire, ce qui, dans la plupart des cas, vide les demandes de leur substance.

Afin de pallier le défaut de diligence de certains États, la France a entrepris la négociation de nouvelles conventions avec les pays de la bande sahélo-saharienne. Cette démarche a permis la conclusion des présentes conventions avec le Burkina Faso, ainsi que d’instruments similaires avec le Niger, que le Sénat a approuvés le mois dernier. Les négociations conduites à cette fin avec le Mali devraient également aboutir dans les mois à venir.

Les demandes d’entraide judiciaire émanant de nos autorités concernent principalement des dossiers très sensibles, comme des attentats ou des enlèvements de personnes. La triste actualité nous a rappelé à quel point cette région était dangereuse pour les populations locales, mais aussi pour nos compatriotes, et ce depuis plusieurs années déjà. Tout le monde a probablement en mémoire la double attaque djihadiste du 2 mars 2018 qui a frappé l’ambassade de France et l’Institut français de Ouagadougou, ou encore l’opération de récupération d’otages français qui a coûté la vie à deux militaires du commando Hubert le 9 mai 2019. Depuis 2015, le terrorisme a fait environ 750 morts dans le pays et plus d’un demi-million de déplacés.

L’ensemble du territoire burkinabé est désormais déconseillé aux voyageurs par le Quai d’Orsay tant la situation sécuritaire, déjà très préoccupante, se dégrade au fil des semaines.

Les zones frontalières du Mali, du Niger, du Togo et du Bénin font l’objet d’une vigilance soutenue eu égard aux risques très élevés d’enlèvement dans ces régions où les factions terroristes se jouent des frontières poreuses.

Les risques pour nos compatriotes sont réels : plus de 3 600 d’entre eux vivent au Burkina Faso et quelque 10 000 Français s’y rendent chaque année, alors que la situation s’enlise et que le ressentiment envers la présence militaire française sur place, pourtant essentielle au maintien d’une certaine stabilité, ne fait que s’accroître.

Des intérêts étrangers ont par ailleurs été visés en novembre dernier. En effet, une embuscade contre un convoi transportant des employés d’une société minière canadienne a fait une quarantaine de morts et une soixantaine de blessés.

Outre les actes terroristes et les enlèvements de personnes, les pays du Sahel sont confrontés à plusieurs types de trafic qui peuvent avoir des répercussions sur notre pays, comme le trafic de stupéfiants ou encore le trafic d’êtres humains à travers les réseaux de passeurs clandestins.

À ce titre, il est important de rappeler l’imbrication du terrorisme et de la grande criminalité : en tissant des liens avec les narcotrafiquants, les groupes terroristes participent, directement ou indirectement, à ces trafics, qui constituent pour eux une source de financement importante. Par conséquent, le renouvellement du cadre conventionnel vise principalement à lutter contre le terrorisme, son financement et ses conséquences pour les intérêts français dans la région, en renforçant la coopération bilatérale. Cela permettra de fluidifier les échanges entre les parties et d’assurer ainsi une meilleure exécution des demandes d’entraide, notamment lorsqu’il s’agit d’enquêtes visant des infractions terroristes.

Pour ce faire, la nouvelle convention d’entraide judiciaire organise de façon claire les modalités de communication entre les parties, notamment dans les cas les plus urgents, et définit plus précisément les délais d’exécution des demandes.

Elle prévoit en outre la possibilité de recourir à des techniques spéciales d’enquête comme les opérations d’infiltration, les interceptions de télécommunications ou encore les livraisons surveillées, qui consistent à laisser passer certains convois de drogues pour permettre l’identification et l’arrestation des commanditaires ou des destinataires du trafic, sans se contenter des seuls convoyeurs.

Le texte offre enfin de larges possibilités en matière de gel des avoirs et de confiscation des produits et instruments des infractions.

Le Burkina Faso se dote actuellement des outils nécessaires à la mise en œuvre des techniques précitées. Ses magistrats ont été formés à la judiciarisation de ces crimes, notamment par la France, dans le cadre de programmes de coopération. « L’appui au retour de l’État » est d’ailleurs l’un des quatre piliers du nouveau cadre politique, stratégique et opérationnel défini par les chefs d’État lors du sommet de Pau sur la situation dans l’espace du G5 Sahel.

S’agissant, à présent, de la convention d’extradition, le texte retenu correspond au projet soumis par la partie française. Cette convention respecte donc parfaitement nos standards juridiques nationaux et internationaux.

Ainsi, les demandes d’extradition seront systématiquement refusées si elles concernent des infractions politiques ou des raisons tenant aux opinions politiques, à la nationalité ou à la religion de la personne demandée. Lorsque l’infraction est passible de la peine capitale, la demande sera systématiquement refusée. Il faut souligner à ce titre que le Burkina Faso a récemment aboli la peine de mort pour les crimes de droit commun à la faveur d’une réforme de son code pénal. Toutefois, le code de justice militaire prévoit toujours l’application de la peine capitale pour certains crimes.

En matière d’extradition, le volume de demandes est très faible. Au cours des dix dernières années, la France et le Burkina Faso ont ouvert six dossiers, qui, pour l’heure, n’ont pas abouti la remise des personnes aux autorités requérantes. L’une de ces demandes mérite néanmoins d’être signalée, celle qui concerne l’extradition de François Compaoré, frère de Blaise Compaoré, Président du Burkina Faso de 1987 à 2014.

François Compaoré a été arrêté le 29 octobre 2017 à l’aéroport de Roissy sur le fondement d’un mandat d’arrêt émis par un juge d’instruction investiguant sur les assassinats, en 1998, de Norbert Zongo, journaliste, et de ses trois compagnons de voyage. En juin dernier, la Cour de cassation a écarté la question prioritaire de constitutionnalité posée par l’intéressé et a rejeté le pourvoi qu’il avait formé contre l’avis favorable de la chambre de l’instruction. À la lumière de ces arrêts, un décret du Premier ministre accordant l’extradition est en cours de rédaction.

L’ambassadeur du Burkina Faso nous a indiqué que cette décision d’extradition était très attendue par la population burkinabée. Selon lui, il s’agit d’un acte important, de nature à apaiser les ressentiments qui s’expriment actuellement à l’encontre de notre pays, comme le fut la décision du Président de la République, Emmanuel Macron, de déclassifier les archives portant sur l’assassinat de Thomas Sankara. L’un des défis qui se posent aujourd’hui au gouvernement burkinabé est d’ordre mémoriel. Cette décision était heureuse à cet égard ; l’extradition de François Compaoré le sera tout autant.

Mes chers collègues, ces nouvelles conventions répondent au souhait émis par les autorités françaises d’une coopération plus efficace avec le Burkina Faso dans la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée. Elles n’impliquent aucune adaptation de nos dispositions législatives ou réglementaires.

À la lumière de ces observations, je préconise donc l’adoption de ce projet de loi, voté à l’unanimité par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Applaudissements.

Debut de section - PermalienPhoto de Rachid Temal

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat doit aujourd’hui se prononcer sur le projet de loi relatif à deux conventions avec le gouvernement du Burkina Faso : l’une portant sur l’entraide judiciaire en matière pénale et l’autre sur l’extradition. Ces conventions ont pour objet de remplacer les précédentes, qui datent de 1961, en les rénovant et en les améliorant. À cette époque, encore celle de la République de Haute-Volta, elles faisaient explicitement référence à la colonisation. Force est de constater que, depuis cette période, les relations diplomatiques entre nos deux pays – heureusement – ont évolué, tout comme le contexte international, à la fois judiciaire et militaire.

Ces deux conventions sont conformes aux standards français et européens. Elles ne soulèvent donc aucun problème particulier au regard de notre droit. Je ne reviendrai pas sur le détail de celles-ci, comme l’a fait M. le secrétaire d’État et, excellemment comme à chaque fois, M. le rapporteur, le présent projet de loi tendant à leur ratification ayant été adopté à l’unanimité en commission, comme cela a été rappelé. Je veux souligner la nécessité d’adapter ces enjeux à la lutte contre le terrorisme.

C’est le groupe de travail G5 Sahel, qui travaille notamment sur les questions de lutte contre le terrorisme, qui a évoqué la nécessité de rénover et de renégocier ces accords bilatéraux.

Au Burkina Faso, la criminalité est liée au terrorisme. Il est important – c’est l’enjeu de ces conventions – de s’attaquer au financement du terrorisme, lequel touche d’ailleurs l’ensemble des pays de la bande sahélo-saharienne.

Le Burkina Faso est dans une situation d’extrême urgence. L’influence terroriste se fait maintenant sentir dans une grande partie du nord du pays, et les attaques contre les civils s’accentuent : il y a encore quelques jours, trente-six civils en ont été victimes lors d’une attaque d’un marché. On le voit bien, les populations civiles sont très largement impactées par le terrorisme.

Notre République a engagé ses troupes au Burkina Faso, dans le cadre de l’opération Barkhane, anciennement opération Serval, qui avait été engagée sous le précédent quinquennat. Je veux à mon tour saluer l’engagement, le courage et le professionnalisme de nos troupes, ainsi que le sacrifice des hommes et des femmes qui sont tombés au combat pour défendre à la fois les populations, ces pays, le nôtre, notre démocratie, face à cette idéologie islamiste qui fait tant de dégâts dans le monde. Notre engagement vise à appuyer les forces armées des pays partenaires concernés, à renforcer la coordination des moyens militaires internationaux et à empêcher la reconstitution de foyers terroristes dans la région.

Je veux également saluer le fait que nous ayons dans notre hémicycle un débat sur l’opération Barkhane, non pas pour la condamner – telle n’est pas la position de mon groupe –, mais pour débattre de la réadaptation nécessaire et permanente de nos dispositifs, de notre théorie militaire d’intervention compte tenu de la grande complexité de la situation. Il ne faudrait pas, d’ailleurs, que les populations locales vivent durement notre intervention, ce qui est parfois le cas.

Notre engagement s’inscrit dans une stratégie 3D : un axe diplomatique, un axe de défense et un axe de développement. Je ne peux que regretter à cet égard la baisse des autorisations d’engagement de l’AFD (Agence française de développement), qui mériteraient plutôt d’être augmentées.

J’en viens maintenant, en quelques mots, au fond de ces deux conventions.

Premièrement, je salue le fait que l’accord de 2018 permette de transmettre par voie diplomatique les archives françaises déclassifiées relatives à la mort, en 1987, du Président Thomas Sankara. Je remercie le Gouvernement de cette décision.

Deuxièmement, comme l’a dit le rapporteur, se pose la question de l’extradition de François Compaoré, à la suite de son arrestation et des décisions à la fois de la Cour de cassation et du Conseil constitutionnel. Celui-ci est aujourd’hui mis en cause dans l’enquête sur l’assassinat, en 1998, du journaliste Norbert Zongo. Chaque 13 décembre, des milliers de Burkinabés se rassemblent pour lui rendre hommage. Il serait effectivement important pour nous que la justice burkinabée puisse trancher. C’est aussi de la liberté de la presse qu’il est question dans cette affaire.

Troisièmement, j’observe que le système judiciaire du Burkina Faso a connu des changements – voire une révolution – quant à l’échelle des peines applicables. Un nouveau code pénal a été promulgué, le 21 juin 2018, abolissant la peine de mort. Toutefois, celle-ci est toujours prévue par le code de justice militaire, ce qui doit nous interpeller, même si, depuis 1988, aucune exécution n’a eu lieu.

Pour conclure, je veux souligner que la convention exclue toute possibilité d’extradition liée à des délits d’opinion, de nationalité, de race ou de religion. Il est important de le rappeler. De même, aucune extradition n’est possible, comme l’a dit M. le secrétaire d’État, quand pèsent des risques sur la vie des personnes.

Nous considérons que ces deux conventions doivent permettre à la fois de renforcer l’amitié entre nos deux pays, nos deux peuples, et de renforcer l’État de droit au Burkina Faso. Mon groupe votera donc ce projet de loi.

M. Thierry Carcenac applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au-delà de l’intérêt intrinsèque des deux conventions judiciaires qu’il nous est demandé d’approuver aujourd’hui, la situation sécuritaire et humanitaire au Burkina Faso et, plus largement, au Sahel, mérite d’être évoquée tant elle est préoccupante. On constate en effet depuis quelques mois une recrudescence des attentats djihadistes dans la région sahélo-saharienne, le Burkina Faso étant particulièrement touché.

Lundi dernier, c’est une nouvelle attaque qui a été perpétrée dans un village du nord, sur un marché, faisant trente-neuf victimes, qui s’ajoutent aux 600 militaires et civils tués depuis quatre ans. On compterait aujourd’hui plus d’un demi-million de personnes déplacées, un drame qui pourrait accroître les conflits communautaires qui n’épargnent déjà pas le pays.

Je rappellerai aussi qu’il faut s’inquiéter de l’extension de l’arc de crise, le Burkina Faso étant sous le feu des trois principaux groupes terroristes sur son territoire. Deux groupes attachés à Al-Qaïda sèment la terreur au nord, tandis que l’organisation État islamique, dans le Grand Sahara, frappe surtout l’est et le centre est depuis 2018. Pourtant, les autorités nationales, régionales et internationales ne ménagent pas leurs efforts. En octobre dernier, l’intervention de la force Barkhane, en soutien aux unités nationales du Burkina Faso, a permis d’éviter que la ville de Djibo tombe aux mains des djihadistes. Cette opération n’est pas sans rappeler l’assistance portée par la France à l’armée tchadienne l’année dernière, pour empêcher l’incursion au Tchad d’une cinquantaine de pick-up venus de Libye.

À cet égard, je salue l’action de nos 4 500 militaires présents au Sahel – dont l’engagement va, hélas ! parfois jusqu’au sacrifice de leur vie –, qui permet de remporter des succès sur le terrain. Cependant, malgré l’investissement de nos soldats, il faut bien reconnaître que l’insurrection djihadiste ne recule pas. Les groupes s’adaptent et détectent les fragilités sécuritaires pour cibler leurs actions. On le sait, la zone des trois frontières, dans laquelle la majorité des attaques se concentre, est devenue particulièrement dangereuse.

Dans ces conditions, et comme le Président de la République l’a souligné lors du récent sommet de Pau, il est indispensable que le G5 Sahel intensifie ses efforts en matière de lutte antiterroriste. Je ne suis pas partisan du désengagement de la France, car nous sommes en première ligne face au terrorisme.

Au-delà de notre soutien, les acteurs régionaux doivent accentuer leur mobilisation sécuritaire : les États doivent se ressaisir, notamment pour offrir à leurs concitoyens des services publics efficients. Or la fragilité institutionnelle des pays engagés dans l’approche partenariale du G5 Sahel ne facilite pas les choses.

J’ajoute qu’une meilleure appropriation des enjeux de sécurité par les pays africains concernés éviterait peut-être d’exposer la France à l’hostilité des populations locales. Depuis quelques mois, on a vu se répandre au Burkina Faso, ainsi qu’au Mali, un sentiment anti-Français dont il ne faut pas sous-estimer la portée.

À ce titre, la réforme du franc CFA annoncée par le Président de la République…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

… pourrait être un moyen de combattre l’image d’État hégémonique, voire néocolonial, qui colle à notre pays.

Dans le même esprit, la déclassification des archives françaises sur l’assassinat de Thomas Sankara, l’ancien Président charismatique du Burkina Faso, est de nature à construire une autre image de la France.

J’en viens aux deux conventions – la convention d’entraide judiciaire en matière pénale et la convention d’extradition –, qui s’inscrivent également dans la volonté d’établir des rapports de confiance entre la France et le Burkina Faso.

Notre collègue rapporteur l’a rappelé, les autorités françaises et burkinabées ont décidé de moderniser l’accord de coopération en matière de justice ratifié en 1961, afin de fluidifier les échanges entre les parties et d’assurer une meilleure exécution des demandes d’entraide et d’extradition.

Mon groupe soutient ce projet de loi de ratification, tout d’abord en raison du contexte géopolitique que je viens d’évoquer, cela va de soi. Certains dossiers d’enquête visent des infractions terroristes : la France a donc tout intérêt à une coopération judiciaire efficace avec le Burkina Faso. C’est d’ailleurs pourquoi notre pays est le plus demandeur des deux États.

Ensuite, les institutions judiciaires burkinabées, telles qu’elles sont aujourd’hui structurées, devraient faciliter la mise en œuvre des stipulations décidées par les deux parties. En particulier, la réforme du code pénal entreprise en 2018 va dans le sens des standards internationaux. Elle est nécessaire à une coopération judiciaire de qualité, mais aussi respectueuse des droits de l’homme. Il faudra néanmoins être vigilant sur la question de la peine capitale, certes supprimée dans le nouveau code pénal burkinabé, mais encore en vigueur dans certaines lois spéciales touchant au cadre militaire.

Sous réserve de ces quelques observations, le groupe du RDSE votera ce texte.

Applaudissements sur des travées du groupe UC. – M. Robert Laufoaulu applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ces deux conventions d’entraide judiciaire et d’extradition visent à promouvoir une coopération judiciaire bilatérale plus efficace en matière pénale, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, qui est l’enjeu principal de nos relations avec le Burkina Faso. Ce pays est régulièrement la cible d’attaques terroristes. Je pense notamment à l’attaque de l’ambassade de France, événement très grave survenu en 2018.

Lundi dernier, trente-six civils ont été assassinés au marché de Nagraogo. Cette attaque n’est que la énième d’une longue liste d’attentats. L’assaut a eu lieu alors même que le Parlement burkinabé était en train d’adopter une loi permettant le recrutement de volontaires locaux dans la lutte antidjihadiste, des « milices » – au sens noble du terme – d’autodéfense en quelque sorte. La totalité de la communauté française au Burkina Faso vit en conséquence totalement enfermée à l’intérieur de Ouagadougou, ce qui révèle une grande faiblesse.

C’est dans ce contexte de crise que ces conventions sont signées, d’une part, pour réaffirmer tout notre soutien et notre implication dans la lutte contre le terrorisme et, d’autre part, pour permettre une meilleure coordination et une meilleure coopération judiciaire pénale. En effet, c’est en adoptant une politique d’entraide forte entre nos deux pays que nous réussirons à pallier les failles du système judiciaire actuel, qui profitent aujourd’hui aux terroristes.

Il s’agit, en particulier, de lutter contre le financement du terrorisme, qui est la matrice de tout problème. Nous savons bien que le trafic de drogue, le trafic de cigarettes et le trafic d’êtres humains passent par le Burkina Faso : les trafiquants remontent du nord à partir de la Guinée et aboutissent dans ce grand supermarché qu’est devenu le Sahara grâce aux tribus touareg.

La convention est très précise sur les conditions d’extradition. Ainsi, le secret bancaire ne pourra être invoqué, et il sera possible d’obtenir des renseignements sur les comptes détenus dans une banque située sur le territoire de la partie requise par une personne physique ou morale faisant l’objet d’une enquête pénale.

La France apporte un soutien capital au Burkina Faso dans ses efforts de démocratisation depuis l’élection du Président Kaboré en 2015. Elle est d’ailleurs son premier partenaire bilatéral avec plus de 100 millions d’euros par an. Bien qu’insuffisante, cette aide est nécessaire. En effet, la crise humanitaire que traverse le pays est sans précédent. L’accès aux services d’eau et d’assainissement est limité. De plus, près de 300 000 enfants se trouvent privés d’éducation et une partie d’entre eux souffrent de malnutrition. La situation sécuritaire se dégrade aussi de jour en jour.

Je profite de l’occasion pour saluer l’engagement et le sacrifice de nos soldats. J’en profite aussi pour souligner que l’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est que l’armée burkinabée n’est pas à la hauteur de sa tâche. Cela fait soixante ans que nous formons des soldats dans ce pays. Or ces derniers n’ont pas beaucoup progressé.

Depuis 2018, l’état d’urgence est permanent dans quatorze provinces du pays. Malgré les pouvoirs conférés aux forces burkinabées, il leur est difficile d’enrayer les attaques djihadistes. Le terrorisme s’étend sur des zones de plus en plus vastes, tandis que des milliers de personnes fuient les localités ciblées. Pour l’essentiel, il s’agit du nord-est du pays, la zone des trois frontières du Niger, du Burkina Faso et du Mali. C’est là que se réfugient cinq ou six groupes terroristes, structurés différemment, avec des allégeances religieuses et politiques elles aussi diverses.

Cette situation sécuritaire est donc au cœur de toutes les préoccupations françaises et européennes. L’Union européenne a d’ailleurs annoncé en décembre conforter son soutien matériel à la lutte contre le terrorisme au Burkina Faso. On espère d’ailleurs que l’effort profitera bien à cet État et non aux groupes terroristes, comme cela arrive malheureusement trop souvent.

Les conventions d’entraide judiciaire et d’extradition s’inscrivent dans les coopérations en cours – en marche – en matière de sécurité régionale et de lutte contre le terrorisme, notamment la coopération entamée en 1961 au moment de l’indépendance. La convention d’extradition respecte les règles classiques du droit de l’extradition et est conforme aux droits français et européen. Pour ces raisons, notre groupe soutient entièrement la ratification de ces deux conventions.

Applaudissements sur des travées des groupes RDSE et UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Christine Prunaud

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les deux conventions d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale que nous examinons aujourd’hui semblent aller dans le bon sens.

J’évoquerai tout d’abord l’aide apportée par la France au développement administratif et judiciaire du Burkina Faso. Dans le cadre de cet effort de démocratisation, il faut s’attacher à ne pas effectuer, pour la reproduire, un simple copier-coller de notre administration française.

Ces conventions ont une portée relative, puisque l’on ne parle, en matière d’extradition par exemple, que de six dossiers en cours, dont celui du frère de Blaise Compaoré arrêté à Roissy. Il s’agit d’un feuilleton que nous suivons de très près. En effet, François Compaoré a vu une partie importante de ses mandats d’arrêt burkinabés annulée. En parallèle, la Côte d’Ivoire se montre toujours aussi réticente à l’extrader, d’autant qu’il est devenu depuis citoyen ivoirien. La France, au vu de ses relations privilégiées avec les deux pays, pourrait jouer le rôle d’intermédiaire pour permettre à l’ancien Président Compaoré d’être enfin jugé au Burkina Faso. Le plus dur reste donc à faire pour que toute la justice triomphe et que les coupables soient jugés.

Par ailleurs, depuis novembre 2017, à la suite de la promesse faite par le Président de la République à Ouagadougou, les archives françaises relatives à l’assassinat du Président Thomas Sankara sont déclassifiées pour partie. Il s’agit d’une avancée majeure, dont nous nous félicitons, pour que la justice fasse enfin son œuvre.

Ces deux conventions doivent aider le Burkina Faso à perfectionner son système judiciaire. C’est pourquoi notre groupe les votera, tout en ayant des réserves sur la politique générale de la France en Afrique et, plus particulièrement, au Sahel. À ce titre, l’audition du général à la retraite Didier Castres par notre commission a été très éclairante – en tout cas, en ce qui me concerne – sur la gestion des crises et, surtout, sur la prévention des conflits. Il a porté un certain regard critique sur nos positions.

Quelle est la réponse de Paris au développement des mouvements populaires anti-Français et d’un terrorisme islamiste loin d’être éradiqué, et même plutôt tentaculaire, dans les pays du Sahel comme le Burkina Faso ?

À mon avis, en reprochant à des forces étrangères de manipuler l’opinion burkinabée, Emmanuel Macron a minimisé l’implication des armées sahéliennes dans la lutte contre le terrorisme. En effet, tous ces pays du Sahel ne misent pas forcément sur une armée forte pour leur pays. Certains d’entre eux veulent au contraire que leur armée nationale ait le moins d’influence possible sur le gouvernement. Il faut dire aussi que leurs moyens en matériel militaire sont bien inférieurs aux nôtres.

Je souhaiterais évoquer ici l’opération Barkhane.

Les groupes terroristes, très nombreux, continuent de se renforcer. Les soldats français sont de plus en plus souvent leurs cibles. Les événements tragiques s’enchaînent et la situation empire. Résultat : le ressentiment contre la France et, plus encore, contre la politique française en Afrique grandit, sans oublier que des milices locales de la mouvance islamiste complexifient encore davantage la situation dans cette zone.

Comment justifier l’envoi de nouveaux soldats ? Est-ce donner l’image d’une plus grande implication de la France ? Je ne vois pas ce que changera vraiment la mobilisation de 200 soldats français supplémentaires.

Au-delà de ces deux conventions, que nous soutenons, se pose la question des perspectives. Comment aboutir à la paix dans cette région du Sahel ? Il faut probablement une gestion différente de l’aide au développement, tout le monde est d’accord sur ce point. Mais il faut surtout une solution politique : chacun sait qu’il faudra s’y atteler un jour.

M. Éric Bocquet et M. le rapporteur applaudissent.

M. Joël Guerriau applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, « les bons sentiments ne suffisent pas à notre protection. La guerre n’est pas un phénomène “hors-sol”, réservé aux autres : elle vient frapper tous ceux qui refusent de la regarder en face. La sécurité n’existe que pour qui s’en donne les moyens. » Les mots du général Vincent Desportes que je viens de vous lire synthétisaient, avec beaucoup de lucidité, la situation de la France à la suite des attentats de 2015. La menace djihadiste est née et a prospéré dans des territoires où l’État est affaibli, où le règne de la loi n’a plus cours et où les populations sont délaissées.

La géographie du Sahel, qui rend le territoire difficile à maîtriser, a toujours été propice au développement de trafics. La contrebande perdure. Depuis plusieurs années, cette zone connaît en outre la prolifération de groupes terroristes.

En 2013, à la demande des autorités maliennes, la France est intervenue dans l’urgence pour faire barrage aux groupes qui menaçaient directement Bamako. Si la France n’est pas la seule à lutter contre le djihadisme au Sahel, elle est cependant l’une des principales forces à l’œuvre.

Sur un territoire grand comme le continent européen, 4 500 de nos soldats se battent dans des conditions très difficiles. Certains d’entre eux ont perdu la vie au cours de leur engagement pour la paix, pour la défense des intérêts de la France, de l’Afrique et de l’Europe. L’ensemble du groupe Les Indépendants tient à rendre hommage à ces femmes et à ces hommes dont le courage ne peut être que salué.

Les guerres asymétriques, en particulier la lutte contre le terrorisme, nous rappellent que le fait de gagner la guerre, c’est avant tout pouvoir bâtir la paix. Les victoires militaires, seules, ne permettent pas de parvenir à la paix. Pour mettre durablement fin à un conflit armé, on ne peut pas faire l’économie d’une solution politique, quand bien même on disposerait d’une écrasante supériorité militaire.

Afin d’éviter l’enlisement dans des opérations militaires qui ne peuvent en aucune manière apporter une réponse politique, la France a développé la stratégie 3D. Cette stratégie vise à prendre en compte tous les paramètres de la résolution d’un conflit.

Le militaire et la « défense » ne représentent que l’un des trois « D ». Les deux autres rappellent l’importance du dialogue et de la négociation au travers de la « diplomatie ». Le « développement », enfin, est le troisième volet de cette approche globale.

L’apparition de groupes terroristes est un événement multifactoriel. La résorption de ces groupes l’est aussi. La situation du Burkina Faso doit nous interpeller. Le pays connaît une dégradation des conditions sécuritaires, ainsi qu’une aggravation de la crise humanitaire.

Ces deux phénomènes s’autoalimentent et menacent la région dans son ensemble. Si rien n’est fait, il est à craindre que les effets se fassent sentir dans les pays voisins, notamment au Mali et en Côte d’Ivoire. Il est également probable qu’ils se feront sentir plus loin, notamment ici, en Europe.

Le projet de loi que nous examinons actualise les conventions d’entraide judiciaire et offre des avancées concrètes en matière de lutte contre la criminalité, que ce soit en matière de trafic ou de terrorisme. Cette coopération renforcée contribuera à la stabilisation de la région. Nos deux pays, mais aussi nos deux continents, en bénéficieront.

Un double message est ainsi envoyé.

Le premier est adressé aux criminels et aux terroristes : les autorités françaises et burkinabées travailleront plus étroitement et plus rapidement pour que ceux-ci soient traduits en justice. Le second est adressé aux populations : la justice, l’autorité et l’efficacité de l’État sont renforcées par ces conventions.

La route qui mène au rétablissement de l’autorité de l’État et de la paix durable est encore longue. Y parvenir demandera d’autres mesures et une volonté qui s’inscrit dans la durée.

Le groupe Les Indépendants soutient l’adoption de ce projet de loi, qui renforce la sécurité et la stabilité de l’Afrique et de l’Europe. Nous resterons attentifs aux évolutions de la situation au Sahel, car elle a une influence sur la sécurité chez nous et en Europe.

M. Joël Guerriau, M. Éric Jeansannetas et M. le rapporteur applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Reichardt

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis du retour à la procédure d’examen normal de ces conventions entre la France et le gouvernement du Burkina Faso, décidé à la demande de mon groupe, car la situation de ce pays doit assurément nous mobiliser. Les enjeux et les risques, tant pour le continent africain que pour l’Europe, méritent en effet un débat et l’expression des parlementaires.

On le sait, le Burkina Faso est dans l’œil du cyclone, tragiquement au bord du gouffre. Cible d’attaques répétées de la part de groupes djihadistes depuis 2016, ce pays est l’une des clés de la stabilité pour l’avenir de la paix dans toute l’Afrique de l’Ouest. Je n’hésite pas à dire que, si le Burkina Faso venait à tomber entre les mains des terroristes, c’est toute la côte guinéenne qui serait menacée, puis tous les autres territoires.

Il est donc primordial d’analyser les événements et de réagir, certes avec une vision régionale, mais aussi en étant conscient que les conséquences se feront sentir au niveau du continent africain, d’abord, européen, ensuite. C’est dans cet état d’esprit que nous travaillons au sein du groupe d’amitié sénatorial France-Afrique de l’Ouest que j’ai l’honneur de présider.

D’ailleurs, la question posée ce matin n’est pas celle de la pertinence de la poursuite de l’opération Barkhane ni celle du rôle de la France au sein du G5 Sahel. Il faut rappeler, tant aux citoyens français qu’africains, que la priorité numéro un est la lutte contre l’enracinement de l’État islamique au Grand Sahara. En réalité, si cette région est concernée, toute l’Afrique puis l’Europe sont également des cibles.

Au Levant, les cendres de Daech sont brûlantes : l’Irak et la Syrie demeurent des poudrières dans lesquelles des civils meurent chaque jour depuis des années. Il faut éviter de répéter un tel scénario en Afrique et en Europe.

En 2015, j’ai présidé la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. En 2020, cinq après, je suis de nouveau membre d’une commission d’enquête relative à la radicalisation islamiste et aux moyens de la combattre, dont la rapporteure est ma collègue Jacqueline Eustache-Brinio. Je peux vous affirmer que, sans action durable à long terme là-bas, notre travail ici n’aura que peu d’utilité.

Les conventions que nous examinons ce matin sont importantes et sont l’aboutissement d’un groupe de travail issu du G5. Elles s’inscrivent dans la logique de l’article 5 de la convention ayant créé le G5 Sahel, qui dispose notamment que ce dernier contribue à la mise en œuvre d’actions de sécurité et de développement en mettant en œuvre les conditions d’une meilleure gouvernance.

Une bonne gouvernance, c’est la force de la loi et la garantie de son application. C’est l’antithèse, et je dirai même l’antidote, au chaos recherché par les terroristes.

Empêcher la diffusion de l’idéologie des terroristes islamistes passe aussi par une réponse judiciaire ferme s’inscrivant dans un cadre légal et par la répression de leurs actes ici et là-bas.

De fait, la renégociation de ces conventions bilatérales en matière d’entraide judiciaire et d’extradition élargit le champ de la convention de 1961, aujourd’hui désuète. L’objectif est d’améliorer les échanges d’informations, en particulier pour les enquêtes liées au terrorisme dans lesquelles la France ne peut agir seule. Celle-ci a besoin de renseignements et d’une coopération avec tous les pays de la zone. Je pense aussi, par exemple, à l’Algérie et au Maroc.

Aujourd’hui, en dépit de la présence d’un magistrat de liaison à Dakar, dont le rôle est de faciliter la prise en compte des demandes françaises et leur exécution, les délais de traitement peuvent atteindre des années, alors que nos organisations judiciaires sont en fait assez similaires. Cela est dommageable pour tout le monde.

La promulgation d’un nouveau code pénal en 2018, la réforme de la garde à vue et l’instauration du contrôle judiciaire sont des signes positifs, qui participent de la réaffirmation de l’État de droit. Par ailleurs, le renforcement du pôle spécialisé dans la lutte contre le terrorisme est une absolue nécessité.

Nous savons que le financement du terrorisme est lié au grand banditisme, dont les activités vont du trafic de drogue à celui des êtres humains. Dans ce dernier secteur d’activité, les trafics représentent plusieurs milliards de dollars selon Interpol. Ils alimentent les flux de personnes déplacées, augmentent les risques d’affrontements communautaires et déstabilisent un peu plus les États.

Dans ce type d’enquêtes sur les filières, le recueil de preuves est extrêmement difficile. De fait, la possibilité de procéder par visioconférence, prévue par la convention, constitue une avancée majeure, mais à la condition, bien entendu, que les parties soient équipées techniquement.

De même, les dispositions relatives aux interceptions de télécommunications et aux opérations d’infiltrations témoignent de la volonté de tendre vers des conditions optimales de l’exercice légal de la justice.

Mes chers collègues, c’est donc sans surprise que le groupe Les Républicains du Sénat votera ces conventions.

Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains, ainsi que sur des travées du groupe UC. – M. Joël Guerriau applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les conventions entre la France et le Burkina Faso que nous ratifions aujourd’hui, étroitement liées à celles, jumelles, entre la France et le Niger, s’inscrivent dans la stratégie globale de la présence française en Afrique sahélienne. En effet, comme l’a rappelé notre collègue rapporteur Olivier Cigolotti, que je remercie pour ses travaux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cadic

… notre pays est engagé depuis maintenant près de sept ans au Sahel, afin de lutter contre les groupes terroristes.

Les opérations Serval, puis Barkhane sont le fer de lance de notre action dans la région, mais la présence de ces groupes terroristes dans la bande sahélo-saharienne impose d’aller au-delà de la seule action militaire, aussi importante et stratégique soit-elle. En effet, d’autres enjeux sécuritaires s’ajoutent, dans la région, à celui du terrorisme djihadiste.

Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie d’avoir mentionné la disparition de compatriotes lors d’attentats à Ouagadougou. En effet, les menaces sont quotidiennes. Tout peut arriver, à tout instant.

À ce titre, je veux saluer Martine Voron, conseillère consulaire pour le Burkina Faso. Le 2 mars 2018, à Ouagadougou, des terroristes ont attaqué l’état-major de l’armée burkinabée. Le bureau de l’élue consulaire se trouvait à soixante mètres du lieu de l’attentat. Après avoir entendu une grande explosion, celle-ci a tenté de joindre notre ambassade, puis notre consulat, sans résultat, puisque ces deux institutions étaient elles-mêmes attaquées.

Notre ambassadeur, bloqué à l’aéroport, lui a alors délégué ses pouvoirs dans le but de prévenir la communauté française de rester confinée chez elle. Martine Voron, n’écoutant que son courage, a envoyé le plus de courriels possible depuis son bureau au lieu de se mettre à l’abri.

Le bâtiment, dans lequel elle était désormais seule, a commencé à être la cible de tirs d’armes lourdes. Soudainement, un militaire burkinabé des forces spéciales a fait irruption dans son bureau. Il a d’abord tiré, supposant une présence terroriste, avant de réaliser son erreur, fort heureusement, et de l’exfiltrer. Martine sera décorée de la Légion d’honneur.

Je souhaitais saluer son courage exceptionnel, mais aussi, au travers de cet exemple, partager avec vous ce que peut être le rôle d’un élu local représentant les Français de l’étranger.

Au Burkina Faso, de nombreux réseaux de criminalité s’organisent autour des trafics, comme l’orpaillage illégal dans un pays où les recettes tirées des mines aurifères représentaient 71 % des recettes d’exportation en 2017, les trafics de drogue, comme le trafic de cannabis en provenance du Maroc ou le trafic de cocaïne transitant par les pays côtiers, ou encore le trafic de pierres précieuses, en premier lieu les diamants.

Ces exemples montrent que la répression de ces réseaux, par nature transfrontaliers, est notamment rendue possible par la coopération entre administrations française et burkinabée ou nigérienne. Alors que son cadre juridique devient obsolète, sa rénovation, qui vise le maintien de liens étroits avec les pays de la région, et ce dans tous les domaines, est ainsi nécessaire.

Compte tenu de la gravité des enjeux, et alors que la France sollicite beaucoup plus les autorités burkinabées que l’inverse, la question du temps de traitement des demandes est particulièrement cruciale, notamment pour des enquêtes de grande sensibilité portant sur des faits de terrorisme. En effet, malgré la présence d’un magistrat de liaison régional basé à Dakar, qui facilite la prise en compte des demandes françaises et leur exécution, le délai actuel de traitement est généralement supérieur à un an et peut atteindre plusieurs années dans certaines affaires.

Il était donc urgent de remédier à cette situation. C’est pourquoi, notamment, un groupe de travail consacré à l’entraide pénale, piloté par le ministère de la justice français, a été institué. À la lumière de ses conclusions, et afin de pallier le défaut de diligence d’États identifiés comme prioritaires – le Mali, le Burkina Faso, le Niger et la Mauritanie –, des négociations ont été engagées avec chacun d’entre eux, négociations ayant abouti aux conventions dont nous sommes aujourd’hui saisis.

Ces textes, comme ceux qui ont été conclus avec la République du Niger, ont ainsi pour principal objectif de rénover le cadre juridique de la coopération pénale dans le domaine de l’entraide et de la remise des personnes. Le but est ici de favoriser une meilleure exécution des demandes françaises aux autorités burkinabées, dans des délais plus rapides.

Les nouvelles stipulations moderniseront les coopérations bilatérales et fluidifieront les échanges, en particulier dans le cadre des enquêtes visant des infractions terroristes et la criminalité organisée. Largement inspirées des propositions françaises, elles reprennent les mécanismes de coopération de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Elles sont donc conformes aux engagements européens et internationaux de la France, ce que nous saluons.

Le groupe Union Centriste soutiendra donc l’approbation de ces conventions, en souhaitant leur mise en œuvre la plus rapide possible.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Mouiller

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce matin, nous devons nous prononcer sur des conventions d’entraide judiciaire, en matière pénale et d’extradition, avec le Burkina Faso.

Aux yeux du président délégué du groupe d’amitié France-Burkina Faso que je suis, ces accords semblent essentiels et leur portée hautement symbolique. Ils permettront l’approfondissement des relations franco-burkinabées dans le domaine judiciaire et la rénovation du cadre juridique de la coopération pénale.

Cette coopération renouvelée s’inscrit prioritairement dans la lutte contre le terrorisme, dont les ramifications et ressorts sont multiples. L’un des objectifs est d’accélérer les exécutions des demandes françaises, notamment en matière de remise de personne.

Alors que le contexte sécuritaire s’est fortement dégradé – l’ONU considérant désormais le pays comme le nouvel épicentre de la crise –, la signature de ces conventions témoigne de la résilience de l’État burkinabé. C’est la volonté du maintien d’un État de droit et l’affirmation de ses valeurs en matière de justice. Souvenons-nous que, voilà cinq ans, le régime de Blaise Compaoré est tombé, parce que le peuple refusait la modification de la Constitution. Les Burkinabés sont profondément attachés à un État de droit.

À travers ces conventions, c’est donc un triple signal qui est envoyé : à la population, qui doit savoir que l’État continue d’exister et assume son rôle de garant de la justice ; aux terroristes, qui doivent savoir que l’État burkinabé, soutenu par la France, mettra en œuvre les conditions juridiques afin qu’ils répondent de leurs actes là-bas, et en Europe si nécessaire ; aux états voisins, qui, malgré l’inquiétude, constatent que la France et la communauté européenne sont toujours sur place.

Nous le savons, l’enracinement local des islamistes et la propagation du terrorisme, notamment vers l’est du pays, se font à mesure que les structures étatiques se fragilisent. Angel Losada, représentant spécial de l’Union européenne au Sahel, l’a très bien résumé : « Le vide de l’État, c’est l’oxygène du terrorisme. »

Mes chers collègues, j’appelle votre attention sur le fait qu’il ne peut y avoir de sécurité sans politique globale de développement. Pour ce faire, il importe de rappeler plusieurs postulats : il faut élaborer des cahiers des charges et des projets adaptés aux populations, aux cultures et aux traditions ; il est tout aussi nécessaire d’adopter la bonne échelle d’analyse, c’est-à-dire une vision régionale et décloisonnée des crises.

En ce début d’année 2020, Africains et Européens doivent comprendre l’ampleur des besoins, qui dépassent le seul prisme « civilo-militaire ». Il faut mettre en œuvre une coopération plurisectorielle.

J’espère que la France décidera de nouveaux projets pour ce pays, dont la réalisation sera accélérée grâce à la future loi d’orientation et de programmation relative au développement et à la solidarité internationale, que le Parlement attend patiemment.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso, signée à Ouagadougou le 24 avril 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

L ’ article 1 er est adopté.

Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Burkina Faso, signée à Ouagadougou le 24 avril 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi. –

Adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’ensemble du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je constate que le projet de loi a été adopté à l’unanimité des présents.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 15 avril 1999 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu (projet n° 398 [2018-2019], texte de la commission n° 259, rapport n° 258).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Baptiste Lemoyne

Madame la présidente, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous partons maintenant un peu plus au sud, du côté de l’Afrique australe, pour évoquer nos relations avec le Botswana, État indépendant depuis 1966, n’ayant jamais connu de conflits, fier de sa réussite et de sa réputation d’État stable et pacifique. Ce pays est effectivement un modèle de démocratie parlementaire, comme vient encore de le démontrer la très bonne tenue des élections générales d’octobre 2019.

Le Président Mokgweetsi Masisi, qui dispose désormais d’une majorité confortable au sein du Parlement, avec deux tiers des sièges, souhaite inaugurer une politique plus ouverte encore aux investissements étrangers pour accélérer la diversification de l’économie de son pays. Il s’agit de rendre plus attractif le climat des affaires, plus lisible et accessible la fiscalité nationale, pour les investisseurs internationaux.

Disons un mot de cette économie, l’une des plus prospères d’Afrique.

Avec un PIB de 17, 4 milliards de dollars en 2017, de plus de 8 000 dollars par habitant en 2018 – le plus élevé d’Afrique australe –, lié aux richesses minières, notamment en diamants, et à la taille relativement réduite de sa population – 2, 2 millions d’habitants –, le pays a atteint le statut de pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure. Son taux de croissance s’élevant à 4, 8 % entre 2010 et 2018, il s’est fixé comme feuille de route d’atteindre la catégorie des pays développés d’ici à 2036.

Pour autant, ses dirigeants sont conscients de certaines fragilités, notamment la dépendance à son grand voisin l’Afrique du Sud, sa population peu nombreuse et une économie centrée sur la rente diamantifère, représentant 40 % du PIB et 89 % des revenus d’exportations, qui devrait prendre fin dans les années 2040. Tout un travail est donc engagé par le Gouvernement pour réussir la transition vers une économie du savoir.

Le rôle de la France sera naturellement d’accompagner le Botswana dans ses choix de diversification économique, par notre expertise et nos moyens, l’objectif étant de développer les investissements économiques, ainsi que les initiatives au service de la protection de l’environnement et de la biodiversité.

Dans ce nouveau cadre économique, les autorités du Botswana souhaitent mettre en œuvre des réformes en matière de fiscalité pour, encore une fois, rendre le pays plus attractif.

Dans le secteur macroéconomique et financier, il conviendra de suivre la mise en œuvre du plan de développement national et du plan Vision 2036, et la question des listes fiscales, ce que nous ferons dans le cadre du dialogue régulier que nous entretenons avec les institutions économiques et financières botswanaises.

Dans ce contexte de développement économique du pays, le 27 juillet 2017, la France et le Botswana ont signé un avenant à leur convention en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, pour y introduire une nouvelle clause d’assistance administrative en matière d’échange d’informations. Cette clause actualise les stipulations de la convention fiscale relatives à l’échange de renseignements, en les alignant sur les derniers standards de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), et ce afin de renforcer la coopération entre nos deux États dans ce domaine.

Par ailleurs, grâce à des travaux d’expertise menés en 2010 par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales de l’OCDE, la France a estimé que le dispositif interne du Botswana n’était pas encore totalement opérationnel pour permettre la mise en place d’une procédure d’assistance administrative renforcée. C’est à l’issue d’une deuxième évaluation par le Forum mondial qu’elle a changé de position, jugeant le Botswana en capacité d’adhérer à un cadre d’échange d’informations fiscales plus exigeant, dans la lignée des dernières avancées internationales en la matière. Cela a conduit à la signature de cet avenant à la convention bilatérale en 2017.

Sur le plan technique, le présent avenant modifie l’article 26 de la convention fiscale avec le Botswana.

Tout en maintenant le niveau d’exigence de protection des données, il vise à adapter et étendre le champ de la coopération administrative entre nos autorités fiscales respectives pour répondre aux défis soulevés par des pratiques internationales en constante évolution.

Le champ de l’échange d’informations, étendu au-delà des seuls impôts visés par la convention, couvrira désormais les impôts de toute nature. Sous certaines conditions, l’utilisation de ces informations sera permise dans le cadre de la lutte contre le blanchiment, la corruption et le financement du terrorisme.

L’avenant définit aussi l’obligation de moyens incombant aux parties pour la transmission des renseignements, afin de garantir la pleine effectivité de l’assistance administrative.

Bref, cet avenant permettra à la France de se doter d’un outil conventionnel efficace en matière d’échange d’informations avec le Botswana. Il permet également de reconnaître les progrès réalisés par ce pays en termes de transparence, justifiant son retrait de la liste française des États et territoires non coopératifs, par arrêté du 6 janvier 2020.

Telle est, mesdames, messieurs les sénateurs, l’économie du projet qui vous est soumis et qui, je l’espère, recueillera votre approbation.

Applaudissements sur des travées du groupe UC. – MM. Robert Laufoaulu et Jean-Claude Requier applaudissent également.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Vincent Delahaye

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce matin un avenant à la convention fiscale entre la France et la République du Botswana, avenant ayant été signé le 27 juillet 2017. Il revient en effet au Parlement d’autoriser, ou non, sa ratification.

Le Gouvernement ne saurait se lier à des conventions internationales comportant des droits et des obligations pour nos concitoyens et nos administrations sans que la représentation nationale en approuve les principes et les dispositions. S’il est ainsi possible d’examiner les conventions internationales en procédure simplifiée, c’est rarement le cas pour les conventions fiscales, à la demande de certains groupes – je pense notamment au groupe CRCE.

Alors, certes, le pouvoir du Parlement dans ce domaine est limité. Nous ne pouvons qu’accepter ou rejeter cet avenant. Il reste néanmoins que nous avons la possibilité, et le devoir, d’en souligner les avantages et les éventuelles faiblesses, et de rappeler que le Parlement sera vigilant sur ses conséquences.

Cet avenant à la convention fiscale entre la France et le Botswana vise à rendre conforme aux derniers standards de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, notre dispositif d’échange de renseignements.

La convention ayant été conclue en 1999, ses dispositions ne sont plus « à jour ». Comme vous le savez, mes chers collègues, les normes internationales en matière de transparence fiscale et d’assistance administrative ont effectivement profondément évolué au cours des dernières années. Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, auquel participent plus de 150 pays, définit les normes internationales dans ce domaine et évalue leur respect par les États parties.

Les travaux de l’OCDE fournissent ainsi des modèles de convention qui sont les plus à même de garantir la transparence fiscale et la lutte contre l’évasion fiscale. Le présent avenant en reproduit l’article 26.

J’en viens ainsi au contenu et aux conséquences de ce texte.

Il permet tout d’abord d’étendre l’échange à tout renseignement jugé vraisemblablement pertinent, et non plus seulement « utile ». Il l’étend également à toutes les impositions recouvrées par la France ou le Botswana, et non plus exclusivement à celles qui sont couvertes par la convention. Ainsi modifié, l’article 26 définit par ailleurs plus clairement les conditions dans lesquelles les renseignements transmis peuvent être utilisés à des fins autres que fiscales, par exemple dans le cadre d’une procédure contentieuse. Enfin, avec cette nouvelle rédaction, il est explicitement interdit à un État de se prévaloir du seul secret bancaire ou professionnel pour refuser de transmettre certaines informations.

Ce sont donc des changements considérables, que nous devons soutenir.

Les dispositions de l’avenant s’appliquent depuis le 1er janvier 2018 en France et depuis le 1er juillet 2018 au Botswana. Cette portée « rétroactive » permet d’éviter que les opérations antérieures à la ratification de l’avenant n’échappent aux administrations fiscales des deux pays.

Je regrette toutefois, mes chers collègues, de n’avoir aucune information à vous communiquer sur les conséquences financières de cette modification de la convention entre la France et le Botswana. Je peux simplement préciser que le volume de nos échanges économiques est faible et que peu de contribuables sont concernés par son application : il y aurait une soixantaine de Français au Botswana et une vingtaine d’entreprises. Par ailleurs, au cours des dernières années, la France n’a adressé aucune demande de renseignements aux autorités botswanaises. Le retour d’expérience est donc mince, voire inexistant.

S’il est impossible de chiffrer les bénéfices éventuels en matière de recouvrement ou de prévention de la fraude fiscale de cet avenant, ces derniers devraient être très limités. Il s’agit avant tout d’une mise à jour technique, avec pour principale conséquence de conduire au retrait du Botswana de la liste française des États et territoires non coopératifs. Mise à jour par un arrêté du 6 janvier 2020, cette liste comprend encore treize États ; le Botswana y figurait depuis 2012.

Nous avons regretté, en commission, que le Parlement soit si peu informé des critères et des conditions présidant à sa mise à jour. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez nous en dire un peu plus à ce sujet. Je rappelle que l’inscription sur cette liste entraîne l’application de sanctions fiscales, par exemple des retenues à la source alourdies sur les flux financiers, des obligations déclaratives plus contraignantes ou encore l’exclusion de l’application du régime mère-fille.

Il me semble que la raison de l’inscription du Botswana sur la liste française était avant tout juridique : tous les États n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative doivent être inscrits sur la liste. Le Botswana n’est pas considéré comme un paradis fiscal au même titre que peuvent l’être des pays comme les Bahamas ou le Panama. D’ailleurs, nous avions refusé de ratifier la convention avec le Panama, estimant qu’elle ne permettait pas de défendre les intérêts de nos concitoyens de manière satisfaisante. A contrario, le Botswana n’est inscrit sur aucune autre liste noire.

Je tiens ici à souligner les progrès réalisés par ce pays au cours des dernières années. Un premier projet d’avenant à la convention avait été proposé en 2010, avant que la France ne suspende les négociations du fait de la mauvaise notation du Botswana par le Forum mondial. Nombre d’éléments n’étaient alors pas en place et nécessitaient des améliorations structurelles.

Depuis, la notation du Botswana par le Forum mondial a fortement progressé. En 2016, celui-ci lui a octroyé la note de « largement conforme », ce qui a conduit la France à rouvrir les négociations sur ce projet d’avenant.

J’admets toutefois que certaines interrogations demeurent quant à la capacité opérationnelle du Botswana à répondre aux demandes de renseignements à des fins fiscales, ainsi qu’à la tenue de ses engagements. En effet, depuis la signature de cet avenant, la notation du Botswana par le Forum mondial a été dégradée, passant de « largement conforme », la note que je viens d’évoquer, à « partiellement conforme ». Mais les termes de référence servant d’indicateurs lors des évaluations ont été renforcés, et c’est ce qui explique cette révision de la notation. Cette évolution s’appuie notamment sur les difficultés rencontrées par le Botswana pour répondre rapidement aux demandes d’informations qui lui sont adressées. Les autorités botswanaises disposent néanmoins d’un délai pour remédier à ces carences et demander une nouvelle évaluation. Elles peuvent, pour ce faire, recourir à l’assistance technique du Forum mondial.

Je note également un risque de discordance entre les listes française et européenne : si le Conseil de l’Union européenne venait à estimer que le Botswana avait failli à ses engagements, le pays s’exposerait à une inscription sur liste noire. La France devrait alors le réinscrire sur sa propre liste des États et territoires non coopératifs. Je rappelle en effet que, depuis la loi relative à la lutte contre la fraude, la liste française intègre la liste européenne des juridictions non coopératives.

Toutefois, et je le souligne, la signature de cet avenant est en partie rendue possible par les engagements importants pris par le Botswana pour améliorer sa gouvernance fiscale. Ces engagements lui ont permis d’être inscrit sur la liste grise de l’Union européenne, et non sur la liste noire. Cette liste regroupe l’ensemble des juridictions ayant indiqué qu’elles se conformeraient aux critères européens d’ici à la fin de l’année 2019.

Le Botswana s’est ainsi engagé à ratifier la convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale ou, à défaut, à mettre en place un réseau d’accords couvrant l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Le 30 octobre 2019, les autorités botswanaises ont demandé à l’OCDE de pouvoir prendre part à ce dispositif d’assistance administrative mutuelle. C’est un processus qui pourrait être long et exigeant.

J’ajoute enfin que le Gouvernement conserve la possibilité de replacer le Botswana sur la liste. En effet, avoir conclu avec la France une convention d’assistance administrative ne garantit aucune « immunité » en la matière. Au critère du dispositif juridique s’ajoute celui de son effectivité : si l’administration fiscale n’a pas pu obtenir les renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale française, la juridiction peut être replacée sur la liste des États et territoires non coopératifs. Le Panama et Anguilla en sont aujourd’hui des exemples.

Je conclurai en rappelant que, si cet avenant ne concerne pas l’échange automatique d’informations, le Botswana n’ayant pas encore fixé de date pour mettre en œuvre ce dernier, cela doit pourtant être l’horizon de notre coopération. Néanmoins, le texte dont il nous est demandé d’autoriser la ratification constitue déjà un progrès important dans notre coopération fiscale avec le Botswana. Ainsi, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances du Sénat vous propose d’adopter le projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, quand on évoque un pays comme le Botswana, dont l’histoire n’est pas aussi chaotique que son proche voisin, le Zimbabwe, on pense plus à la beauté de ses paysages, telle la réserve de chasse du Kalahari, et à sa nature préservée, avec girafes, guépards, hyènes et autres chiens sauvages, qu’à une austère convention fiscale. Aussi, je reviendrai brièvement sur un sujet dont les enjeux, sans être nuls, peuvent interroger quant à la nécessité d’une procédure d’examen normale.

La France et le Botswana, État enclavé et non francophone, entretiennent des relations cordiales, mais limitées. Le Botswana passe pourtant pour un modèle sur le continent africain : doté d’un régime politique et d’institutions stables depuis son indépendance en 1966, peu ou pas endetté, il est considéré comme un des États les moins corrompus d’Afrique. Avec une superficie comparable à celle de la France, un PIB par habitant d’environ 7 000 dollars et un indice de fécondité de 2, 3 enfants par femme, il s’agit du pays le plus riche d’Afrique australe, notamment grâce à ses ressources naturelles – minerais de nickel, cuivre et autres, diamants, énergies fossiles. Le Botswana fait partie des quelques rares pays récemment sortis de la liste des « pays les moins avancés ».

Toutefois, son bon environnement économique souffre de plusieurs handicaps, tels que l’enclavement géographique et une dépendance au secteur extractif, malgré des efforts de développement du tourisme et de l’agriculture. Surtout, la population réduite – 2, 2 millions d’habitants – souffre, hélas, d’une des prévalences du VIH sida les plus élevées au monde.

La relation bilatérale avec la France est active en matière de diplomatie économique, de développement durable et d’enseignement du français. Les relations commerciales demeurent limitées à quelques millions d’euros par an et passent essentiellement par l’Afrique du Sud. En 2017, le Botswana était le 185e client et le 163e fournisseur de la France… Le pays est même le 8e client de la France pour les équipements militaires, non comptabilisés dans les statistiques du commerce extérieur.

La convention fiscale bilatérale, signée le 15 avril 1999, est entrée en vigueur le 1er juin 2003. Depuis lors, son application n’a pas posé de difficulté particulière.

Mais, depuis la revue en 2010 par le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, le Botswana n’est plus en conformité avec les standards internationaux en matière d’échange d’informations dans ce domaine. La législation française demandait donc de l’inscrire en 2012 sur la liste des États et territoires dits non coopératifs, les ETNC, ce qui a entraîné des sanctions fiscales et administratives et la nécessité de conclure une nouvelle convention d’assistance.

Par ailleurs, le Botswana figure sur la « liste grise » du Conseil de l’Union européenne des quarante-sept États ne remplissant pas tous les critères de bonne gouvernance fiscale.

Le présent avenant reprend en grande partie le modèle standard de convention fiscale bilatérale mis en place en 2014 par l’OCDE, ce qui permet au Botswana de sortir de la liste française des ETNC.

Deux points de l’avenant signé en 2017 me semblent devoir être soulignés.

D’abord, son article 1er prévoit que l’échange de renseignements n’est plus limité au champ de la convention, mais qu’il est étendu à tous les impôts. Les renseignements recueillis sont secrets et, en principe, réservés à des fins fiscales, mais ils peuvent être utilisés à d’autres fins si une loi du pays l’autorise. Il s’agit des renseignements « vraisemblablement pertinents » pour l’application de la convention. Cela répond aux exigences de transparence fiscale formulées depuis la crise de 2008. Toutefois, l’échange d’informations à caractère fiscal doit respecter des règles simples de confidentialité.

Ensuite, le deuxième alinéa de l’article 2 prévoit une application rétroactive des dispositions : pour la France, depuis le 1er janvier 2018, et, pour le Botswana, depuis le 1er juillet 2018. Notre discussion d’aujourd’hui est donc essentiellement formelle.

La mise en œuvre de l’avenant permettra au Botswana, cela a été dit, d’être au niveau des derniers standards internationaux en matière d’échange de renseignements fiscaux, même si la conformité à ce genre de standards avancés représente un véritable défi pour les pays en développement.

Le Botswana, comme cinq autres États, a d’ores et déjà été retiré de la liste des ETNC par l’arrêté ministériel du 6 janvier dernier. La ratification de l’avenant ne fera que confirmer la légalité de ce retrait et l’arrêt des sanctions.

Les membres du groupe du RDSE approuveront donc ce projet de loi de ratification.

Debut de section - PermalienPhoto de Georges Patient

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le préambule de notre débat de ce jour est un paradoxe. En effet, la législation fiscale est une question éminemment nationale, alors que les échanges économiques ont raccourci les distances et interconnecté marchés et services.

Pour répondre à ce paradoxe, donc pour organiser cette concurrence de souveraineté, les États ont décidé de régler leurs relations fiscales à travers un réseau de conventions bilatérales. Il en existe 125 entre la France et des pays tiers, plus de 2 500 dans le monde. Ces conventions ont notamment pour objet de régler les cas de double imposition. Nous sommes en présence de deux souverainetés : l’État source des revenus et l’État de la résidence du contribuable. La plupart de ces conventions sont rédigées en prenant pour base le modèle établi par l’OCDE.

À ce titre, la France et le Botswana ont signé, le 15 avril 1999, une convention en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu. Cette convention est entrée en vigueur le 1er juin 2003 et concerne les revenus perçus à compter de 2004.

Classiquement, elle formalise l’assistance administrative en matière d’échange de renseignements, dans le but de faciliter le recouvrement de l’impôt. C’est l’objet de son article 26, prévoyant que France et Botswana échangent des renseignements utiles pour l’application de la convention et de la législation de nos États en vue de prévenir l’évasion et la fraude. Cette disposition vise les résidents de l’un ou l’autre pays sans que ce critère soit exclusif.

Néanmoins, l’article 26 de la convention en vigueur est en décalage par rapport au modèle OCDE le plus récent. Ainsi, en application de l’article 238-0 A du code général des impôts, le Botswana faisait partie de la liste française des États et territoires non coopératifs. Cette inscription répondait au critère d’absence de convention d’assistance administrative avec la France permettant l’échange de renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale. Le code général des impôts prévoit que, pour que le Botswana puisse sortir de cette liste, la mise en œuvre de la convention doit permettre un échange de renseignements dans les conditions prévues par l’article 26 du modèle OCDE.

Or, depuis 2018, un nouveau modèle de convention multilatérale issu des travaux de l’OCDE de 2015 s’applique par le biais de l’instrument multilatéral qui a modifié la quasi-totalité des conventions fiscales existantes, afin de prévenir l’érosion de la base d’imposition et le transfert de bénéfices.

En conséquence, Paris et Gaborone ont signé en juillet 2017 un avenant à la convention fiscale qui lie nos deux pays. Le présent projet de loi valide cet avenant qui intègre les dispositions du modèle OCDE au sein de la convention franco-botswanaise. Ainsi, la qualification pour les renseignements transmis est élargie aux renseignements « vraisemblablement pertinents ». Autre avancée significative déjà évoquée par le rapporteur, l’ensemble des prélèvements recouvrés par les deux pays sont concernés, et non plus les seuls impôts visés par la convention.

À la suite de la signature de cet avenant, intervenue à la demande de la France en janvier, le Botswana ainsi que d’autres États ont été retirés de la liste des États et territoires non coopératifs.

Je crois que nous pouvons nous féliciter de l’expansion des standards internationaux en matière de transparence et d’échanges de renseignements dans le domaine fiscal.

De la même manière, il faut accueillir avec intérêt les récentes initiatives prises par le Botswana à travers la modification de son réseau de conventions fiscales avec les pays européens ou son adhésion au cadre BEPS (B ase E rosion and P rofit S hifting) de l’OCDE. C’est un premier pas vers l’intégration totale par ce pays des normes fiscales internationales partagées par les économies de la planète.

Cela ne signifie pas pour autant, le rapporteur Vincent Delahaye l’a très bien rappelé, que le Botswana remplisse l’ensemble des critères d’une gouvernance fiscale parfaite : d’une part, ce pays figure sur la liste « grise » de l’Union européenne ; d’autre part, des doutes subsistent sur la mise en œuvre effective de l’échange d’informations.

Cela appelle à mon sens une réflexion sur la place du Parlement et de notre commission dans un suivi plus précis en matière de gouvernance des pays avec lesquels la France s’entend conventionnellement.

En conclusion, chers collègues, nous avions déjà eu l’occasion, lors du vote de l’article de ratification de la convention BEPS, de saluer les avancées, certes toujours insuffisantes, intervenues en matière de coopération fiscale internationale et d’établissement d’un cadre commun. Je réitère ce satisfecit à propos de cet avenant dont le présent projet de loi tend à autoriser l’approbation. Le groupe LaREM votera celui-ci.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, est-il vraiment utile de débattre en séance publique d’une convention fiscale entre la France et le Botswana ? Cette question peut nous traverser l’esprit, car les échanges commerciaux entre les deux pays sont très modestes : le Botswana est le 185e client de la France et ce pays ne représente que 0, 1 % du marché mondial des services financiers offshore.

Malgré cette situation particulière, il nous paraît important, voire essentiel, que le Parlement soit systématiquement associé dès lors qu’il s’agit de prévenir la fraude et l’évasion fiscales en matière d’impôt sur le revenu, comme il devrait l’être aussi s’agissant de la constitution de la liste française des paradis fiscaux. Ce sont des sujets essentiels qui ne devraient pas échapper à l’examen des élus de la Nation, dans la mesure où ils touchent à la perception des moyens financiers des États pour financer les services publics, la justice sociale et notre modèle de société.

Or, précisément, le Botswana a été retiré de la liste française des paradis fiscaux par décision ministérielle le 6 janvier dernier, avant que le Parlement ait à statuer sur cet avenant à la convention entre la France et ce pays. Nous trouvons cette méthode quelque peu méprisante à l’endroit des élus nationaux. Cette décision a été prise sur la base d’un engagement du Botswana de créer les conditions d’une meilleure transparence et d’une amélioration de la transmission d’informations fiscales et financières. Le retrait de la liste des paradis fiscaux aurait dû, selon nous, être conditionné à la mise en œuvre effective de ces engagements, sur laquelle des doutes persistent. J’hésite, à ce stade, entre évoquer saint Thomas, qui ne croit que ce qu’il voit, ou Friedrich Engels, selon qui la preuve du pudding, c’est qu’on le mange.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Éric Bocquet

C’est l’une des raisons qui nous amènent à émettre de fortes réserves sur la signature de cette convention.

Nous partageons d’ailleurs les interrogations, exprimées la semaine dernière en commission des finances par notre rapporteur, Vincent Delahaye, et rappelées par lui ce matin, quant au respect par le Botswana de ses engagements et au fait que ce pays figure aujourd’hui sur la liste « grise » des paradis fiscaux de l’Union européenne. Cette cacophonie nuit, selon nous, à l’efficacité de la lutte internationale contre l’évasion fiscale.

Ces éléments de fond nous font douter de l’efficacité des conventions fiscales bilatérales. La lutte contre l’évasion fiscale doit être traitée, bien évidemment, dans sa dimension internationale. Certes, des avancées réelles ont vu le jour ces dernières années au travers de l’OCDE, mais cette organisation regroupe moins de quarante États. Des discussions ont lieu lors des réunions du G20 et du G8 entre les États les plus riches du monde, mais celui-ci compte environ deux cents États. C’est pourquoi nous défendons toujours l’idée d’organiser une COP de la fiscalité internationale, à l’image de ce qui s’est fait à Paris en 2015 pour le climat. On nous dira que cette idée est utopique ; sa mise en œuvre prendrait du temps, certes, mais redéfinir les quelque 3 000 conventions fiscales liant les États dans le monde nécessiterait des années de travail. Il nous faut ouvrir le chantier de la coopération fiscale et financière internationale au nom de l’intérêt général.

Nous débattons ce matin d’un pays du continent africain, le Botswana. Or cette région du monde est sans doute celle qui est le plus affectée par les pratiques d’évasion fiscale. Si les recettes fiscales représentent en moyenne 34 % du PIB des pays de l’OCDE, leur poids est deux fois moins important dans les pays en développement. Or, pour assurer leur développement et leur autonomie, ces derniers ont besoin d’accroître les dépenses qu’ils consacrent aux infrastructures, aux services de base et aux transferts sociaux. Il leur faut donc accroître leurs recettes fiscales. Or la conférence des Nations unies sur le commerce et le développement a montré voilà quelque temps que, entre 2004 et 2012, les gouvernements n’ont, par exemple, bénéficié que de 17 % à 34 % environ de la rente issue des activités extractives, dominées par de grandes entreprises privées.

Telles sont, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les réserves qui amèneront le groupe CRCE à voter contre l’approbation de l’avenant à cette convention fiscale.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Laufoaulu

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la fiscalité est un puissant levier de l’action diplomatique française. Les négociations entre la France et les États-Unis au sujet de la taxe dite « GAFA » nous l’ont encore rappelé au cours des derniers mois.

Les dispositions fiscales que vote le Parlement constituent ainsi des arguments démocratiques de poids pour faire valoir les intérêts français dans nos relations internationales, que ce soit dans un cadre bilatéral ou multilatéral. Elles portent au-delà du seul débat national : il y va de notre capacité à faire entendre notre voix dans les discussions internationales.

Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit dans cette logique. Certes, son ambition peut paraître modeste compte tenu du poids du Botswana dans nos relations commerciales. En effet, la convention fiscale qui lie les deux pays ne concerne, de part et d’autre, qu’un nombre très restreint de contribuables : une vingtaine d’entreprises et une soixantaine de particuliers français au Botswana, une trentaine de Botswanais en France.

Cependant, ce texte me semble revêtir une importance réelle pour la diplomatie française, tout particulièrement en Afrique, par sa portée symbolique. Il s’agit en effet de donner un satisfecit au Botswana pour le travail réalisé : ce pays sera ainsi en mesure de répondre aux exigences des standards internationaux mis en place par l’OCDE en matière d’échange d’informations entre administrations fiscales.

Il s’agit d’une nouvelle étape dans la collaboration économique entre nos deux pays. Ce processus a naturellement vocation à s’inscrire dans le temps long. Or, depuis qu’une convention visant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion et la fraude fiscales a été signée à Gaborone le 15 avril 1999 et est entrée en vigueur le 1er juin 2003, la qualité des collaborations bilatérales ne suivait plus l’augmentation du niveau d’exigence fixé par les référentiels internationaux.

L’inscription en 2012 du Botswana sur la liste française des États et territoires non coopératifs a sanctionné cette dégradation. Depuis, notre partenaire africain a su rehausser ses exigences et nous a fourni des gages suffisants pour envisager une nouvelle étape dans la coopération fiscale. C’est tout l’objet de cet avenant à l’article 26 de la convention du 15 avril 1999 qui lie les deux pays. À court terme, il aura pour conséquence directe d’extraire le Botswana de la liste des pays qui ne répondent pas aux exigences de l’OCDE. À plus long terme, il doit encourager nos partenaires botswanais à poursuivre leurs efforts en matière d’échange d’informations et de transparence fiscale.

De toute évidence, il ne s’agit en rien d’un blanc-seing que nous donnerions à l’administration fiscale botswanaise : si les efforts entrepris ne sont pas maintenus dans la durée, le Botswana pourrait bien être inscrit sur la liste « noire » de l’Union européenne en matière de coopération fiscale.

Plus globalement, la démarche entreprise par le Botswana de s’aligner sur l’harmonisation des bases fiscales selon les critères de l’OCDE, dans le cadre de sa participation au programme BEPS, contribuera à consolider nos relations diplomatiques sur le fondement d’une collaboration fiscale saine.

Le groupe Les Indépendants approuve cet avenant à la convention fiscale entre la France et le Botswana. Dans la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, il est de notre devoir d’œuvrer à davantage de coopération. Il s’agit de maintenir avec nos partenaires, notamment africains, des relations fondées sur la bienveillance, l’exigence et le respect. Il y va du rôle et de l’influence de la France sur la scène internationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la France a signé ces dernières années de nombreuses conventions bilatérales visant à améliorer l’échange de renseignements fiscaux avec d’autres pays, afin de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales.

La convention avec le Botswana a été signée en 1999 et est entrée en vigueur en 2003. Depuis lors, une convention multilatérale a été signée en 2017, sous l’égide de l’OCDE, et est entrée en vigueur en France en 2019. Elle ne couvre cependant pas la convention signée avec le Botswana, à laquelle un avenant a été signé en juillet 2017. Il s’agit aujourd’hui d’autoriser l’approbation de ce dernier.

Cet avenant va permettre de renforcer la prévention de la fraude et de l’évasion fiscales, en étendant notamment l’échange de renseignements fiscaux à tous les impôts, conformément au modèle de convention fiscale de l’OCDE de 2017. Il n’appelle pas de remarques particulières de la part de notre groupe : il va dans le bon sens et une relation de confiance unit les deux pays.

Le Botswana est un petit pays en termes de démographie, avec 2, 2 millions d’habitants, comparé à ses voisins le Zimbabwe et l’Afrique du Sud.

Debut de section - PermalienPhoto de Antoine Lefèvre

Une soixantaine de nos compatriotes seulement y résident et une vingtaine d’entreprises françaises y sont implantées. Les relations bilatérales devraient cependant pouvoir fortement se développer dans les prochaines années. Sur le plan économique, les opportunités sont importantes, et, sur le plan culturel, l’Alliance française de Gaborone, que le Sénat a soutenue notamment au travers de feue la réserve parlementaire, est très dynamique et contribue fortement à développer notre lien culturel avec ce pays appartenant à la sphère d’influence anglo-saxonne.

En tant qu’ancien président du groupe d’amitié France-Afrique australe, j’ai été amené à visiter ce pays voilà trois ans. C’est un État qui, de mon point de vue, ne suscite pas d’inquiétudes particulières, notamment parce qu’il s’agit d’un des meilleurs élèves de l’Afrique subsaharienne.

Le Botswana peut se prévaloir d’une démocratie et d’institutions stables, d’une croissance plutôt solide – de 4 % à 5 % environ – et d’une inflation maîtrisée – autour de 3 %. Une classe moyenne est en train d’émerger, même si des écarts de richesse et un chômage importants demeurent. En moins de cinquante ans, le PIB par habitant a bondi de 10 000 % et le revenu moyen a dépassé celui de l’Afrique du Sud. Les risques de déstabilisation intérieure des institutions sont faibles, de même que ceux de déstabilisation extérieure, depuis le règlement du conflit territorial avec la Namibie en 1999. Le Botswana a toujours promu la paix et la stabilité dans la région.

En outre, le secteur bancaire botswanien est considéré comme bien capitalisé, stable et bien géré. La stabilité politique, économique et financière du pays permet de limiter la corruption. En 2020, le Botswana conserve ainsi la deuxième place du classement des pays les moins corrompus d’Afrique établi par Transparency International. Il a certes rétrogradé de la première place en 2019, à la suite de problèmes de corruption sous l’ancienne présidence. D’après une étude publiée dans le Jou rnal of C ontemporary A frican S tudies, « la corruption chez les élites a prospéré sous le régime du président Khama, qui en a également été l’un des premiers bénéficiaires, par le biais de l’entreprise de ses frères Seleka Springs ».

Depuis lors, le président Masisi a accédé à la présidence, en avril 2018, à la suite de la démission de son prédécesseur, qui avait atteint la limite des dix ans de mandat. Il a été réélu en octobre dernier à la tête du pays. Le nouveau président est reconnu pour ses mesures anticorruption ; il a par exemple rendu la déclaration de patrimoine obligatoire pour les agents du secteur public.

La mise en œuvre de l’avenant dont nous discutons aujourd’hui permettra de renforcer encore la transparence. Certes, le Botswana était inscrit depuis 2012 sur la liste des États et territoires non coopératifs, mais, comme l’a précisé notre rapporteur, c’était pour une raison juridique, en l’occurrence l’absence de conclusion d’une convention d’assistance administrative bilatérale. À l’époque de la signature de la convention bilatérale, le Botswana n’était matériellement pas en mesure de garantir l’effectivité de l’accès aux informations demandées et de leur échange.

De nombreux efforts ont été réalisés depuis, et l’OCDE a jugé en 2016 qu’il existait suffisamment de garanties. De ce fait, l’approbation de l’avenant de 2017 est désormais rendue possible, et le Botswana s’est engagé à signer la convention d’assistance administrative. Comme l’a dit M. le rapporteur, un courrier a été envoyé à l’OCDE par le gouvernement botswanien en octobre dernier, sollicitant la signature de la convention d’assistance administrative mutuelle en matière fiscale.

Pour toutes ces raisons, l’approbation de l’avenant à la convention fiscale bilatérale ne suscite pas de réelles réserves. En conséquence, le groupe Les Républicains votera ce projet de loi.

Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sylvie Vermeillet applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Carcenac

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi tend à autoriser l’approbation d’un avenant à la convention fiscale du 15 avril 1999 entre le Gouvernement français et la République du Botswana en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales. Il s’agit d’un texte « classique », du moins pour la France, qui découle des travaux de l’OCDE sur cette problématique et de la montée en puissance de la démarche dite « BEPS » conduite par cette dernière.

Cette convention comprend un préambule et plusieurs articles. Elle est construite selon un schéma très classique : de nombreuses conventions sont soumises à l’approbation de la représentation nationale dans la même logique.

Sur le plan politique, le groupe socialiste et républicain du Sénat soutient les initiatives découlant de la démarche BEPS en ce qu’elle sécurise juridiquement les impositions. En l’espèce, il est donc difficile de s’opposer à une harmonisation des pratiques fiscales entre les deux pays. Politiquement, il peut être intéressant de relever le fait que cette convention entraînera de facto de meilleurs échanges entre les administrations fiscales et renforcera, par la mise en place de mécanismes d’évitement des situations de double imposition, la lutte contre des comportements d’évasion et de fraude fiscales, même si, comme l’a précisé M. le rapporteur, « le retour d’expérience est mince » : peu de contribuables ou d’entreprises français sont concernés.

Toutefois, il faut noter que le choix du Gouvernement de retirer, par la voie d’un arrêté du 6 janvier 2020, le Botswana de la liste des paradis fiscaux avant que nous n’en ayons débattu tient à la présentation de ce projet de loi, qui revêt de ce fait une importance symbolique particulière.

Nous relevons que la convention fiscale initiale, signée en 1999 et entrée en vigueur en 2003, n’a encore jamais été mise en œuvre à ce jour. Pour autant, les deux gouvernements ont fait le choix d’en actualiser le contenu pour mieux « coller » aux standards internationaux.

En effet, le Botswana n’ayant pas été jugé suffisamment coopératif en matière de transmission d’informations fiscales, il a été placé par la France sur sa liste des paradis fiscaux en 2012. Pour sa part, le Conseil européen l’a placé sur sa liste « grise » en 2017. Ainsi, le Botswana est demandeur d’un tel avenant, préparé en 2017 et signé à Gaborone en juillet de la même année. Il permettra de sortir le pays d’une situation dommageable pour sa réputation et sa stature internationales.

L’intérêt pour la France de cette démarche demeure incertain : en effet, si la lutte contre la fraude fiscale est indubitablement un objectif politique fort et consensuel, il n’est pas dit que la ratification de cet avenant engendre des retombées fiscales significatives. Il convient de ne pas être naïfs : par exemple, la convention avec le Panama n’a pas empêché l’affaire des Panama papers, qui a conduit à ce que ce pays soit ajouté à la liste française des paradis fiscaux. Bien évidemment, le cas échéant, il en irait certainement de même pour le Botswana, qui ne manquerait pas d’être réinscrit sur la liste des États et territoires non coopératifs.

« Dans le doute, abstiens-toi » : le groupe socialiste et républicain se conformera à cet adage.

Applaudissements sur les travées du groupe UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Olivier Cigolotti

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la convention du 15 avril 1999 entre la France et le Botswana dont il est question aujourd’hui vise à la fois à prévenir les doubles impositions et à lutter contre l’évasion et la fraude fiscales, en facilitant l’échange de renseignements et l’assistance administrative, que ce soit pour le contrôle ou pour le recouvrement de l’impôt.

Or, alors que des efforts importants ont été menés par les pays membres de l’OCDE afin d’accroître la transparence et de soutenir la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, il est apparu que notre convention fiscale avec le Botswana ne respectait plus suffisamment les derniers standards énoncés par l’OCDE. Cette dernière a donc émis de nombreuses recommandations et appelle à modifier cette convention, ainsi que celles qui ont été élaborées sur le même modèle, afin de garantir qu’elles soient en phase avec ces standards.

L’avenant que nous nous apprêtons à approuver aujourd’hui est le produit de ces travaux. Il ne vient donc pas remettre en cause le fond de la convention ; il la rend simplement conforme aux règles internationales les plus récentes, que nous avons d’ailleurs contribué à élaborer.

Pour ce faire, il modifiera l’article de la convention relatif à l’échange de renseignements. En effet, l’assistance administrative et l’échange d’informations entre administrations sont devenus des axes majeurs de la lutte contre l’évasion et la fraude fiscales, qui est au cœur du travail tant de l’OCDE que du G7 et du G20.

Mon collègue rapporteur, Vincent Delahaye, que je tiens à remercier pour ses travaux, a rappelé les progrès importants réalisés par le Botswana ces dernières années. En effet, la notation du pays par le Forum mondial a fortement progressé, jusqu’à atteindre en 2016 la note « largement conforme », soit la deuxième meilleure note. Nous en sommes reconnaissants aux autorités botswanaises, car, sans cela, nous n’aurions pas pu rouvrir les négociations sur le projet d’avenant.

Malgré ces progrès, certaines interrogations demeurent quant à la capacité opérationnelle du Botswana à répondre à nos futures demandes de renseignements à des fins fiscales, ainsi qu’à la tenue de ses engagements.

En effet, depuis la signature de cet avenant, la notation du Botswana par le Forum mondial a été dégradée à « partiellement conforme », ce que nous regrettons.

S’il est impossible d’évaluer a priori ses effets sur notre coopération fiscale avec le Botswana, l’avenant a toutefois une première conséquence importante : le retrait du pays de la liste française des États et territoires non coopératifs, sur lequel il figurait depuis 2012.

Si le retrait d’un pays de cette liste emporte la cessation de l’imposition de sanctions fiscales à son encontre, il n’y avait pas eu de cas suscitant l’application de ces sanctions concernant le Botswana. Son retrait de la liste des ETNC demeure ainsi très symbolique et témoigne des progrès accomplis par la juridiction pour se conformer aux normes internationales.

Grâce aux efforts entrepris depuis cette date et que je mentionnais à l’instant, le Botswana n’est plus inscrit sur aucune liste « noire » de juridictions non coopératives. Il existe toutefois un risque de discordance entre les listes française et européenne ; nous devons rester vigilants sur ce point. Le Botswana est en effet inscrit sur la liste « grise » de l’Union européenne, celle des États qui ont pris l’engagement de se conformer aux critères européens avant la fin de l’année 2019. Cela signifie que si le Conseil de l’Union européenne estimait que le Botswana n’avait pas tenu ses engagements, ce pays pourrait être inscrit sur la liste « noire » de l’Union. La France devrait, alors, le réinscrire sur sa propre liste des ETNC.

Je profite de cette discussion pour attirer l’attention sur le fait que, malgré l’importance de la liste des ETNC, le Parlement n’est absolument pas associé à son établissement. Cela pose question.

Malgré ces réserves, le groupe Union Centriste soutiendra bien entendu l’approbation de cet avenant à la convention de 1999, en souhaitant qu’il soit mis en œuvre le plus rapidement possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion du texte de la commission.

Est autorisée l’approbation de l’avenant à la convention du 15 avril 1999 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu, signé à Gaborone le 27 juillet 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je vais mettre aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Je rappelle que le vote sur l’article vaudra vote sur l’ensemble du projet de loi.

Personne ne demande la parole ?…

Je mets aux voix, dans le texte de la commission, l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention du 15 avril 1999 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Botswana en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Hélène Conway-Mouret

Mes chers collègues, l’ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures vingt-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Philippe Dallier.