Intervention de André Reichardt

Réunion du 30 janvier 2020 à 10h30
Conventions avec le burkina faso — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de André ReichardtAndré Reichardt :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis du retour à la procédure d’examen normal de ces conventions entre la France et le gouvernement du Burkina Faso, décidé à la demande de mon groupe, car la situation de ce pays doit assurément nous mobiliser. Les enjeux et les risques, tant pour le continent africain que pour l’Europe, méritent en effet un débat et l’expression des parlementaires.

On le sait, le Burkina Faso est dans l’œil du cyclone, tragiquement au bord du gouffre. Cible d’attaques répétées de la part de groupes djihadistes depuis 2016, ce pays est l’une des clés de la stabilité pour l’avenir de la paix dans toute l’Afrique de l’Ouest. Je n’hésite pas à dire que, si le Burkina Faso venait à tomber entre les mains des terroristes, c’est toute la côte guinéenne qui serait menacée, puis tous les autres territoires.

Il est donc primordial d’analyser les événements et de réagir, certes avec une vision régionale, mais aussi en étant conscient que les conséquences se feront sentir au niveau du continent africain, d’abord, européen, ensuite. C’est dans cet état d’esprit que nous travaillons au sein du groupe d’amitié sénatorial France-Afrique de l’Ouest que j’ai l’honneur de présider.

D’ailleurs, la question posée ce matin n’est pas celle de la pertinence de la poursuite de l’opération Barkhane ni celle du rôle de la France au sein du G5 Sahel. Il faut rappeler, tant aux citoyens français qu’africains, que la priorité numéro un est la lutte contre l’enracinement de l’État islamique au Grand Sahara. En réalité, si cette région est concernée, toute l’Afrique puis l’Europe sont également des cibles.

Au Levant, les cendres de Daech sont brûlantes : l’Irak et la Syrie demeurent des poudrières dans lesquelles des civils meurent chaque jour depuis des années. Il faut éviter de répéter un tel scénario en Afrique et en Europe.

En 2015, j’ai présidé la commission d’enquête sur l’organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en France et en Europe. En 2020, cinq après, je suis de nouveau membre d’une commission d’enquête relative à la radicalisation islamiste et aux moyens de la combattre, dont la rapporteure est ma collègue Jacqueline Eustache-Brinio. Je peux vous affirmer que, sans action durable à long terme là-bas, notre travail ici n’aura que peu d’utilité.

Les conventions que nous examinons ce matin sont importantes et sont l’aboutissement d’un groupe de travail issu du G5. Elles s’inscrivent dans la logique de l’article 5 de la convention ayant créé le G5 Sahel, qui dispose notamment que ce dernier contribue à la mise en œuvre d’actions de sécurité et de développement en mettant en œuvre les conditions d’une meilleure gouvernance.

Une bonne gouvernance, c’est la force de la loi et la garantie de son application. C’est l’antithèse, et je dirai même l’antidote, au chaos recherché par les terroristes.

Empêcher la diffusion de l’idéologie des terroristes islamistes passe aussi par une réponse judiciaire ferme s’inscrivant dans un cadre légal et par la répression de leurs actes ici et là-bas.

De fait, la renégociation de ces conventions bilatérales en matière d’entraide judiciaire et d’extradition élargit le champ de la convention de 1961, aujourd’hui désuète. L’objectif est d’améliorer les échanges d’informations, en particulier pour les enquêtes liées au terrorisme dans lesquelles la France ne peut agir seule. Celle-ci a besoin de renseignements et d’une coopération avec tous les pays de la zone. Je pense aussi, par exemple, à l’Algérie et au Maroc.

Aujourd’hui, en dépit de la présence d’un magistrat de liaison à Dakar, dont le rôle est de faciliter la prise en compte des demandes françaises et leur exécution, les délais de traitement peuvent atteindre des années, alors que nos organisations judiciaires sont en fait assez similaires. Cela est dommageable pour tout le monde.

La promulgation d’un nouveau code pénal en 2018, la réforme de la garde à vue et l’instauration du contrôle judiciaire sont des signes positifs, qui participent de la réaffirmation de l’État de droit. Par ailleurs, le renforcement du pôle spécialisé dans la lutte contre le terrorisme est une absolue nécessité.

Nous savons que le financement du terrorisme est lié au grand banditisme, dont les activités vont du trafic de drogue à celui des êtres humains. Dans ce dernier secteur d’activité, les trafics représentent plusieurs milliards de dollars selon Interpol. Ils alimentent les flux de personnes déplacées, augmentent les risques d’affrontements communautaires et déstabilisent un peu plus les États.

Dans ce type d’enquêtes sur les filières, le recueil de preuves est extrêmement difficile. De fait, la possibilité de procéder par visioconférence, prévue par la convention, constitue une avancée majeure, mais à la condition, bien entendu, que les parties soient équipées techniquement.

De même, les dispositions relatives aux interceptions de télécommunications et aux opérations d’infiltrations témoignent de la volonté de tendre vers des conditions optimales de l’exercice légal de la justice.

Mes chers collègues, c’est donc sans surprise que le groupe Les Républicains du Sénat votera ces conventions.

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