Intervention de Vincent Delahaye

Réunion du 30 janvier 2020 à 10h30
Accord fiscal avec le botswana — Adoption d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Vincent DelahayeVincent Delahaye :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous examinons ce matin un avenant à la convention fiscale entre la France et la République du Botswana, avenant ayant été signé le 27 juillet 2017. Il revient en effet au Parlement d’autoriser, ou non, sa ratification.

Le Gouvernement ne saurait se lier à des conventions internationales comportant des droits et des obligations pour nos concitoyens et nos administrations sans que la représentation nationale en approuve les principes et les dispositions. S’il est ainsi possible d’examiner les conventions internationales en procédure simplifiée, c’est rarement le cas pour les conventions fiscales, à la demande de certains groupes – je pense notamment au groupe CRCE.

Alors, certes, le pouvoir du Parlement dans ce domaine est limité. Nous ne pouvons qu’accepter ou rejeter cet avenant. Il reste néanmoins que nous avons la possibilité, et le devoir, d’en souligner les avantages et les éventuelles faiblesses, et de rappeler que le Parlement sera vigilant sur ses conséquences.

Cet avenant à la convention fiscale entre la France et le Botswana vise à rendre conforme aux derniers standards de l’Organisation de coopération et de développement économiques, l’OCDE, notre dispositif d’échange de renseignements.

La convention ayant été conclue en 1999, ses dispositions ne sont plus « à jour ». Comme vous le savez, mes chers collègues, les normes internationales en matière de transparence fiscale et d’assistance administrative ont effectivement profondément évolué au cours des dernières années. Le Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, auquel participent plus de 150 pays, définit les normes internationales dans ce domaine et évalue leur respect par les États parties.

Les travaux de l’OCDE fournissent ainsi des modèles de convention qui sont les plus à même de garantir la transparence fiscale et la lutte contre l’évasion fiscale. Le présent avenant en reproduit l’article 26.

J’en viens ainsi au contenu et aux conséquences de ce texte.

Il permet tout d’abord d’étendre l’échange à tout renseignement jugé vraisemblablement pertinent, et non plus seulement « utile ». Il l’étend également à toutes les impositions recouvrées par la France ou le Botswana, et non plus exclusivement à celles qui sont couvertes par la convention. Ainsi modifié, l’article 26 définit par ailleurs plus clairement les conditions dans lesquelles les renseignements transmis peuvent être utilisés à des fins autres que fiscales, par exemple dans le cadre d’une procédure contentieuse. Enfin, avec cette nouvelle rédaction, il est explicitement interdit à un État de se prévaloir du seul secret bancaire ou professionnel pour refuser de transmettre certaines informations.

Ce sont donc des changements considérables, que nous devons soutenir.

Les dispositions de l’avenant s’appliquent depuis le 1er janvier 2018 en France et depuis le 1er juillet 2018 au Botswana. Cette portée « rétroactive » permet d’éviter que les opérations antérieures à la ratification de l’avenant n’échappent aux administrations fiscales des deux pays.

Je regrette toutefois, mes chers collègues, de n’avoir aucune information à vous communiquer sur les conséquences financières de cette modification de la convention entre la France et le Botswana. Je peux simplement préciser que le volume de nos échanges économiques est faible et que peu de contribuables sont concernés par son application : il y aurait une soixantaine de Français au Botswana et une vingtaine d’entreprises. Par ailleurs, au cours des dernières années, la France n’a adressé aucune demande de renseignements aux autorités botswanaises. Le retour d’expérience est donc mince, voire inexistant.

S’il est impossible de chiffrer les bénéfices éventuels en matière de recouvrement ou de prévention de la fraude fiscale de cet avenant, ces derniers devraient être très limités. Il s’agit avant tout d’une mise à jour technique, avec pour principale conséquence de conduire au retrait du Botswana de la liste française des États et territoires non coopératifs. Mise à jour par un arrêté du 6 janvier 2020, cette liste comprend encore treize États ; le Botswana y figurait depuis 2012.

Nous avons regretté, en commission, que le Parlement soit si peu informé des critères et des conditions présidant à sa mise à jour. J’espère, monsieur le secrétaire d’État, que vous pourrez nous en dire un peu plus à ce sujet. Je rappelle que l’inscription sur cette liste entraîne l’application de sanctions fiscales, par exemple des retenues à la source alourdies sur les flux financiers, des obligations déclaratives plus contraignantes ou encore l’exclusion de l’application du régime mère-fille.

Il me semble que la raison de l’inscription du Botswana sur la liste française était avant tout juridique : tous les États n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative doivent être inscrits sur la liste. Le Botswana n’est pas considéré comme un paradis fiscal au même titre que peuvent l’être des pays comme les Bahamas ou le Panama. D’ailleurs, nous avions refusé de ratifier la convention avec le Panama, estimant qu’elle ne permettait pas de défendre les intérêts de nos concitoyens de manière satisfaisante. A contrario, le Botswana n’est inscrit sur aucune autre liste noire.

Je tiens ici à souligner les progrès réalisés par ce pays au cours des dernières années. Un premier projet d’avenant à la convention avait été proposé en 2010, avant que la France ne suspende les négociations du fait de la mauvaise notation du Botswana par le Forum mondial. Nombre d’éléments n’étaient alors pas en place et nécessitaient des améliorations structurelles.

Depuis, la notation du Botswana par le Forum mondial a fortement progressé. En 2016, celui-ci lui a octroyé la note de « largement conforme », ce qui a conduit la France à rouvrir les négociations sur ce projet d’avenant.

J’admets toutefois que certaines interrogations demeurent quant à la capacité opérationnelle du Botswana à répondre aux demandes de renseignements à des fins fiscales, ainsi qu’à la tenue de ses engagements. En effet, depuis la signature de cet avenant, la notation du Botswana par le Forum mondial a été dégradée, passant de « largement conforme », la note que je viens d’évoquer, à « partiellement conforme ». Mais les termes de référence servant d’indicateurs lors des évaluations ont été renforcés, et c’est ce qui explique cette révision de la notation. Cette évolution s’appuie notamment sur les difficultés rencontrées par le Botswana pour répondre rapidement aux demandes d’informations qui lui sont adressées. Les autorités botswanaises disposent néanmoins d’un délai pour remédier à ces carences et demander une nouvelle évaluation. Elles peuvent, pour ce faire, recourir à l’assistance technique du Forum mondial.

Je note également un risque de discordance entre les listes française et européenne : si le Conseil de l’Union européenne venait à estimer que le Botswana avait failli à ses engagements, le pays s’exposerait à une inscription sur liste noire. La France devrait alors le réinscrire sur sa propre liste des États et territoires non coopératifs. Je rappelle en effet que, depuis la loi relative à la lutte contre la fraude, la liste française intègre la liste européenne des juridictions non coopératives.

Toutefois, et je le souligne, la signature de cet avenant est en partie rendue possible par les engagements importants pris par le Botswana pour améliorer sa gouvernance fiscale. Ces engagements lui ont permis d’être inscrit sur la liste grise de l’Union européenne, et non sur la liste noire. Cette liste regroupe l’ensemble des juridictions ayant indiqué qu’elles se conformeraient aux critères européens d’ici à la fin de l’année 2019.

Le Botswana s’est ainsi engagé à ratifier la convention concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale ou, à défaut, à mettre en place un réseau d’accords couvrant l’ensemble des États membres de l’Union européenne. Le 30 octobre 2019, les autorités botswanaises ont demandé à l’OCDE de pouvoir prendre part à ce dispositif d’assistance administrative mutuelle. C’est un processus qui pourrait être long et exigeant.

J’ajoute enfin que le Gouvernement conserve la possibilité de replacer le Botswana sur la liste. En effet, avoir conclu avec la France une convention d’assistance administrative ne garantit aucune « immunité » en la matière. Au critère du dispositif juridique s’ajoute celui de son effectivité : si l’administration fiscale n’a pas pu obtenir les renseignements nécessaires à l’application de la législation fiscale française, la juridiction peut être replacée sur la liste des États et territoires non coopératifs. Le Panama et Anguilla en sont aujourd’hui des exemples.

Je conclurai en rappelant que, si cet avenant ne concerne pas l’échange automatique d’informations, le Botswana n’ayant pas encore fixé de date pour mettre en œuvre ce dernier, cela doit pourtant être l’horizon de notre coopération. Néanmoins, le texte dont il nous est demandé d’autoriser la ratification constitue déjà un progrès important dans notre coopération fiscale avec le Botswana. Ainsi, sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances du Sénat vous propose d’adopter le projet de loi.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion