Cela me rappelle une insuffisance que j’avais manifestée en tant que rapporteur du projet de loi : j’avais identifié le risque d’un nombre très élevé de listes, dont une partie assez superficielle, mais je n’avais pas eu le « cran », si j’ose dire, de présenter un amendement visant à instaurer, comme l’ont fait pratiquement tous nos voisins européens, un système de filtrage. En effet, si l’on regarde les autres élections, on n’a jamais trente candidatures. Quelle que soit la nature de l’élection, il y a toujours un facteur modérateur : le nombre de candidats à trouver pour les élections municipales, la faible chance d’accéder au tour décisif pour les élections départementales, etc.
Je ne multiplie pas les exemples, mais notons tout de même qu’aux élections législatives, pour lesquelles demeure l’incitation d’additionner les voix pour le financement du parti politique, le simple fait – disposition judicieuse – d’obliger à avoir au moins soixante-quinze candidats ayant obtenu 1 % des voix pour accéder à ce financement modère tout de même le nombre de candidatures, quoique, en milieu urbain, notamment quand la circonscription est importante et apporte plus de voix, on atteigne parfois les dix-huit ou vingt candidats.
À mon sens en tout cas, l’une des réponses – cela a été évoqué par d’autres dans le débat – devrait être de réfléchir à un filtrage pour les candidatures aux élections européennes.
J’ai refait le calcul : sur les trente-quatre listes, quinze ont obtenu moins de 0, 1 % des voix, c’est-à-dire moins d’un électeur pour deux bureaux de vote. À cet égard, la remarque de François Bonhomme sur la confusion et la désorientation de l’électeur susceptibles d’être engendrées par cette profusion de candidatures est parfaitement exacte. Il y a un moment où le pluralisme devient un facteur problématique sur le plan de la démocratie. Il me semble donc qu’il faudra travailler – j’ai l’intention de lancer une proposition en ce sens – pour établir un filtrage citoyen au nombre de listes déposées aux élections européennes.
Je me joins, à l’attention de Mme la ministre, à la remarque du rapporteur, évoquant cette excellente audition que nous avons eue avec tous les professionnels de la logistique électorale : il existe effectivement un risque sérieux de non-faisabilité du transfert aux électeurs, alors qu’ils y tiennent essentiellement, de la propagande électorale pour le deuxième tour des élections régionales, si nous ne conservons qu’un écart de huit jours, c’est-à-dire, en fait, de trois jours et demi, après le dépôt des listes pour ce deuxième tour. Il n’est effectivement pas difficile de prévoir que bon nombre de listes seront modifiées entre les deux tours.
J’en profite aussi – je fais comme pour les murailles de Jéricho – pour rappeler aux représentants du ministère de l’intérieur qui nous font l’honneur d’être parmi nous qu’il faudra rénover le code électoral, ce dernier manquant de cohérence et ne répondant plus aux critères de la codification actuelle. Donc, même si quelques dispositions organiques obligeraient à repasser directement devant le législateur – mais celui-ci peut être de bonne foi et ne pas détourner un débat de codification –, je pense qu’il faudra le faire.
Je conclus en rappelant ce vers de Victor Hugo, que je ne sais plus situer : « À la septième fois, les murailles tombèrent. »