Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 19 février 2019 à 15h00
Polynésie française : modification du statut d'autonomie et dispositions institutionnelles — Explications de vote communes

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, répondant à une revendication exprimée de longue date par les Polynésiens, ces deux projets de loi renforcent le statut d’autonomie de la Polynésie en permettant un réajustement équilibré des compétences entre l’État et les institutions polynésiennes. Cette modernisation représente une avancée décisive, et nous ne pouvons que nous féliciter de ces mesures.

Surtout, nous saluons le symbole fort de la reconnaissance par l’État français du rôle joué par la Polynésie française dans le développement de la politique française de dissuasion nucléaire. Ces expérimentations nucléaires ont affecté l’environnement et la santé des Polynésiens pendant plus de trente ans. Ce lourd tribut a longtemps été minimisé par les politiques publiques ; la mesure déclarative dont il s’agit constitue donc un grand progrès.

Toutefois, cette reconnaissance dénuée de réelle portée normative contraignante nous interpelle. Les réglementations en matière d’ouverture à l’indemnisation des personnes victimes des rayonnements nucléaires ne sont pas optimales ; en atteste notamment le fait que, entre 2010 et 2017, seules 42 indemnisations ont été obtenues pour 1 245 dossiers déposés.

Pour 2018, le rapport de la commission de cadrage de la loi d’indemnisation des victimes des essais nucléaires a abaissé le seuil d’exposition aux rayonnements en vigueur, qui constituait un frein dans le traitement des demandes, permettant ainsi d’accorder des indemnisations à 75 dossiers supplémentaires.

Cette nouvelle mesure constitue un progrès, mais n’est, hélas, pas pleinement satisfaisante. Nous appelons donc de nos vœux la levée totale des obstacles majeurs aux demandes d’indemnisation. Les Polynésiens ont déjà trop attendu et doivent obtenir une juste réparation.

Le silence règne également s’agissant de l’intervention de l’État pour assurer la dépollution des atolls affectés par les essais nucléaires, lesquels ont été profondément touchés par la pollution liée aux métaux lourds. Nous regrettons que le texte ne fasse pas mention d’un véritable investissement de l’État afin de réparer les nombreux préjudices écologiques subis dans les îles.

Sur le plan environnemental, le texte présente une autre lacune : l’absence de normes protectrices de la biodiversité encadrant les activités d’exploration et d’exploitation minière des eaux intérieures polynésiennes. Ces activités, notamment l’exploitation mercantile des gisements de « terres rares » – ces métaux utilisés pour la fabrication de produits de haute technologie –, appauvrissent les fonds marins de l’océan Pacifique. Les explorations marines doivent se faire dans le strict respect de nos engagements internationaux. À l’article 9 de ce texte, lequel précise le cadre juridique de l’exploitation des terres rares, auraient dû être inscrites les mesures contraignantes de nos conventions internationales en la matière.

La commission a réalisé un important travail sur le projet de loi portant diverses dispositions institutionnelles en Polynésie, consacrant des avancées positives en matière de droit des successions. La Polynésie était en proie à d’importantes difficultés foncières, car des lacunes au niveau de l’état civil et du cadastre ne permettaient pas l’identification claire des ayants droit. Durant de nombreuses générations, ces difficultés se sont traduites par une absence de règlement des successions.

Nous saluons donc les nouvelles dispositions, dérogatoires au droit commun, qui instaurent plus de souplesse dans les sorties d’indivision et protègent les conjoints survivants grâce à l’usufruit.

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