Intervention de Marisol Touraine

Commission des affaires sociales — Réunion du 16 octobre 2012 : 1ère réunion
Loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 — Audition de mmes marisol touraine ministre des affaires sociales et de la santé michèle delaunay ministre déléguée chargée des personnes âgées et de l'autonomie dominique bertinotti ministre déléguée chargée de la famille et marie-arlette carlotti ministre déléguée chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion

Marisol Touraine, ministre des affaires sociales et de la santé :

Nous prolongerons sans doute ce débat en séance, car certaines questions sont majeures.

Quand vous vous faites, M. Jeannerot, le porte-parole des présidents de conseils généraux, vous êtes en réalité le porte-parole de l'ensemble des élus locaux. Vous avez rappelé que j'ai occupé cette fonction : il est vrai que nous y sommes pris en tenaille entre les contraintes sociales, que nous acceptons, et la réalité des moyens alloués pour gérer l'ensemble des responsabilités qui sont les nôtres. Vous avez évoqué les collèges, on pourrait évoquer d'autres enjeux moins à la mode, mais non moins utiles dans certains territoires ruraux, comme l'aménagement routier. Nous avons conscience de cette réalité et souhaitons apporter des réponses appropriées sans attendre que la loi de décentralisation fixe un cadre plus pérenne à l'action des différentes collectivités.

S'agissant du financement de l'Apa, il sera organisé dans le cadre de la réforme de la perte d'autonomie. Je ne méconnais pas l'existence de besoins plus immédiats : le Gouvernement y travaille, nos proposerons nos pistes d'orientations.

Je veux dire à Bernard Cazeau que ce PLFSS commence, d'ores et déjà, à modifier le mode de rémunération des médecins : avec le forfait de rémunération en équipe, une part de la rémunération va aux professionnels, non pour les actes qu'ils accomplissent mais pour la mise en coordination d'un travail, la prévention, le suivi, l'accompagnement d'une population. De même, l'expérimentation du parcours de santé, pour les personnes âgées dans un premiers temps, pour les maladies chroniques dans un deuxième temps, doit être l'occasion d'identifier des modes de rémunération non liés à l'acte. Je réponds incidemment à la question d'Aline Archimbaud : la prévention est un enjeu majeur de réduction des coûts et de santé publique, trop largement abandonné au cours des dernières années. Elle suppose des modes de rémunération, de financement et de prise en charge spécifiques.

La question du tiers payant est importante. Pour l'heure, nous n'avons pas pu lever l'ensemble des obstacles, notamment techniques, à sa résolution. Son absence dans le PLFSS est donc délibérée. La difficulté principale consiste à faire en sorte que le médecin soit payé à la fois par la sécurité sociale et par la complémentaire du patient. Si nous n'arrivons pas à lever cet obstacle du côté des complémentaires - cela suppose en effet l'accès à leurs données -, nous le ferons au moins du côté de la sécurité sociale, ce qui limiterait l'avance de frais de la part du patient. Une telle solution ne serait toutefois pas optimale.

La boulimie médicamenteuse est réelle. Nous essayons de peser sur les prescriptions en promouvant, via la formation des médecins, de bonnes pratiques. Nous devons aussi peser sur les pratiques hospitalières : une partie de la dépense de médicament est en effet générée à l'hôpital, qui sert ensuite de base à la dépense ambulatoire. Ces prescriptions ne sont pas toujours éclairées, en raison des programmes expérimentaux dont les hôpitaux peuvent bénéficier.

Vous m'interrogiez sur les mesures précises aboutissant à la réduction de dépenses d'un milliard d'euros : il s'agit des baisses de prix de certains médicaments princeps et génériques ainsi que de certains dispositifs médicaux, de la volonté de mettre en cohérence les prix des médicaments tout au long de leur parcours, d'évaluer le service médical rendu dans certaines spécialités... Nous proposons enfin des mesures de convergence de prix par classe thérapeutique, au sein desquelles se trouvent parfois des différences significatives.

Les praticiens locaux de médecine générale sont des médecins libéraux qui auront fini leurs études depuis deux ans ou plus, qui auront vocation à s'installer dans des lieux sous-dotés identifiés par les ARS, espaces ruraux ou urbains sensibles. Cette proposition est notamment adaptée aux lieux où des médecins prêts à partir en retraite souhaitent transmettre leur savoir et leur cabinet à de jeunes médecins recherchant une garantie de revenus pour s'installer tranquillement. Le dispositif consiste à verser le différentiel par rapport à un objectif de revenus préalablement identifié.

Jacky Le Menn a souhaité savoir quelles mesures spécifiques du rapport de la Mecss j'entendais reprendre. Il y a dans le PLFSS des mesures qui concernent la modulation de la T2A ; j'ai déjà indiqué la mise en place d'une commission transparence et qualité qui, dès le début de l'année prochaine, permettra d'évaluer les mécanismes de financement souhaitables pour l'hôpital public en matière de formation, de recherche, de missions d'intérêt général, mais prenant également en compte le coût des structures, et, éventuellement, la localisation des établissements. Les Migac ne seront donc pas gelées. Nous procéderons à l'inverse à un gel des tarifs hospitaliers pour pouvoir disposer de cette réserve.

Nous voulons en outre engager des investissements grâce au niveau de progression de l'Ondam que nous avons défini et rechercher des financements complémentaires. Je travaille actuellement avec la Banque européenne d'investissement afin engager un plan massif de constitution d'hôpitaux d'avenir. L'hôpital moderne doit l'être au point de vue des structures, mais également de sa conception : les parcours de soins doivent y être mieux définis, les systèmes d'information plus efficaces.

Je réponds à Alain Milon : l'évolution de l'Ondam a été fixée à 2,7 %. Mais l'enjeu n'est pas d'avoir, par principe, une augmentation des dépenses. La tendance spontanée de progression des dépenses étant supérieure à 2,7 %, nous réalisons quand même 2,5 milliards d'euros d'économies. J'ajoute que ce 0,2 % de hausse d'Ondam supplémentaire n'est pas là pour la consommation courante mais pour faire des réformes de structure, favoriser l'investissement immobilier et la mise en place de nouveaux parcours de soins, expérimenter des formes d'organisation. De surcroît, 0,2 % d'Ondam, c'est seulement 350 millions d'euros.

Quant au jour de carence, il ne figure pas dans le projet de loi. La ministre de la fonction publique mène de façon globale les discussions pour les trois fonctions publiques.

Madame Meunier, il n'est pas question que je donne mon agrément à la révision de la convention collective nationale « 1951 » tant que de vraies négociations n'auront pas eu lieu. Je le dis fermement, comme je l'ai indiqué aux représentants des salariés : la négociation doit reprendre et je ne me contenterai pas d'une commission mixte paritaire de façade : qu'elle discute six semaines ou deux mois ne changera rien si elle répète la même chose. Pour aboutir à un compromis, il faut que les gens bougent, et ce n'est pas encore le cas...

Monsieur Teulade, nous sommes en effet à un moment charnière de la réorganisation du système de santé. Notre système socialisé doit répondre aux besoins de la population : si nous voulons réussir, il faut responsabiliser ses acteurs, ce qui passe notamment pour les professionnels par des mécanismes de rémunération plus adaptés.

Monsieur Fischer, restructurer pour restructurer ne sert à rien ; c'est ce que nous montre le rapport de l'Igas « Fusions et regroupements hospitaliers : quel bilan pour les quinze dernières années ? » : en se cantonnant à des objectifs purement financiers, on obtient des résultats catastrophiques. Interrogeons-nous plutôt sur les besoins de santé d'un territoire : comment les structurer, comment y répondre, comment les articuler ? A la fin des années 1990, je n'ai pas attendu la loi HPST pour procéder à une restructuration entre deux hôpitaux, signer une convention entre un hôpital local et le CHU dans mon département. Nous avons sauvé l'hôpital local en permettant à des chirurgiens du CHU d'y intervenir ponctuellement. Au total, nous avons mieux répondu aux besoins de la population et à ceux du territoire, mieux structuré l'offre hospitalière et amélioré la qualité du service. C'est dans cette perspective que nous devons travailler.

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