Oui. La société à l'étranger n'a pas à dire pour quels projets elle a besoin de cet argent ! Le lui emprunter ensuite est tout à fait légal. Seul le moyen d'abus de droit fait échec à ces opérations. En l'espèce, nous avions montré qu'il s'agissait d'un simple jeu d'écriture, que l'argent n'était pas sorti des caisses et que la structure du capital de l'entreprise n'avait subi aucun changement.
D'autres produits, appelés Repurchase agreement operations (Repo), consistent en un prêt à une filiale américaine ou anglaise, qui confie en gage des titres dont les dividendes se substituent aux intérêts à verser. Ceux-ci auraient été imposables, alors que les dividendes, entre société-fille et société-mère, sont exonérés et n'ont pas à être déclarés en France.
En Belgique, les centrales de trésorerie jouissent du régime très favorable des intérêts notionnels : elles bénéficient d'une déduction forfaitaire fictive qui annule le bénéfice dégagé. Une société en France emprunte à une banque, place l'argent en parts de capital de la centrale en Belgique, qui lui consent un prêt en retour. Cela crée deux charges financières pour la société française et le produit versé en Belgique fait l'objet d'une déduction. C'est une double non-imposition !
Une société peut aussi emprunter, non pas directement à sa société-mère au Canada ou au Japon par exemple, mais auprès d'une entité située dans un paradis fiscal dans laquelle la mère a déposé de l'argent : le produit n'en sera pas taxé. Elle peut aussi sous-capitaliser des filiales créées dans certains États, et leur accorder des abandons de créances ou des subventions, qui n'y sont pas imposées. La charge est en France et le produit, à l'étranger, n'est pas taxé... Une disposition législative prise l'an dernier devrait mettre fin à cette pratique.
Nous avons une cinquantaine de dossiers en cours sur de tels montages qui procurent un avantage direct aux entreprises qui les utilisent et donc pas aux banques qui prêtent et qui parfois conseillent.
S'agissant plus particulièrement des banques, ma direction comprend une trentaine de spécialistes qui contrôlent les banques et les institutions financières ; nous menons chaque année environ 150 contrôles dans ce secteur. Les banques ont ces dernières années enregistré des déficits considérables, elles n'ont donc pas besoin de recourir à des montages et sauf rares exceptions elles ne sont pas sur le terrain de l'optimisation fiscale agressive ces toutes dernières années ! Un point cependant. Les succursales en France de banques étrangères sont souvent sous-capitalisées. Elles empruntent à l'étranger, ce qui leur crée des charges financières considérables : elles ne paient quasiment pas d'impôts en France. Nous considérons qu'elles devraient avoir le même ratio d'endettement que l'entité mère.
Un mot de nos moyens. J'ai été blessé d'entendre, lors d'une de vos précédentes auditions, un membre de votre commission juger les vérificateurs « incapables » de procéder à des rappels en matière de prix de transfert. C'est injuste et inexact. Nos résultats démontrent l'inverse. Nous avons mis en place une analyse de risque qui repère les points de fragilité des dossiers. Dès mon arrivée, j'ai créé des liaisons avec les administrations de contrôle de la DGFIP, avec l'Urssaf, les douanes. Nous utilisons tous les moyens qui sont à notre disposition, nous allons jusqu'aux perquisitions, montées avec la direction nationale des enquêtes fiscales. A partir du 1er janvier, nous disposerons des comptabilités des entreprises sous forme dématérialisée, ce qui nous facilitera le travail : nous en aurons fini avec les listings papiers difficiles à déchiffrer. Nous n'aurons cependant toujours pas accès aux comptabilités analytiques, comme l'Inspection général des finances l'a relevé dans un rapport récent. De grandes entreprises vont jusqu'à nous refuser des copies de documents, puisque le contrôle fiscal se fait sur place et sans emport de document.