Monsieur le président, madame la secrétaire d’État chargée de la santé, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis vise à adapter notre législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques.
Je me bornerai, dans mon intervention, à évoquer ceux des volets du texte qui sont consacrés à la santé et au travail.
En effet, l’examen au fond des articles consacrés aux communications électroniques a été délégué à la commission de l’économie ; celle-ci a désigné Bruno Retailleau comme rapporteur pour avis.
Catherine Morin-Desailly nous présentera ensuite l’avis qu’elle a établi au nom de la commission de la culture, dont l’expertise, en matière de communications et de professions artistiques, enrichira sans nul doute nos débats.
Pour introduire notre discussion, je crois qu’il n’est pas inutile de rappeler le cadre institutionnel dans lequel nous agissons.
Vous savez qu’un État membre ne transposant pas une directive s’expose à être condamné à des amendes et des astreintes dont le montant peut atteindre plusieurs dizaines de millions d’euros.
Malheureusement, la France a accumulé un retard important en matière de transposition. Elle risque d’être condamnée si elle ne remédie pas rapidement à cette situation. M. le ministre Ollier nous a rappelé que l’ensemble du processus devrait être achevé avant le mois de juin 2011, c’est-à-dire dans un peu plus de trois mois.
Le retard concerne tout d’abord la directive Services, dont la transposition aurait dû être achevée dès le mois de décembre 2009. Cette directive vise deux objectifs principaux : lever les obstacles à la liberté d’établissement au sein de l’Union européenne et favoriser la libre prestation de services à l’intérieur du marché unique.
Les mesures de transposition qui doivent encore être adoptées présentent un caractère sectoriel. Le ministre a déjà mentionné les principales activités concernées : les débits de boissons, les organismes de certification des dispositifs médicaux, les entrepreneurs de spectacles vivants, les agences de mannequins et les organismes d’évaluation des établissements sociaux et médico-sociaux.
La directive Services impose, pour plusieurs professions, de remplacer un régime d’autorisation a priori par un régime déclaratif, qui s’accompagnera bien entendu de contrôles.
Les débats animés que nous avons eus en commission des affaires sociales démontrent que les inquiétudes que la directive Services avait fait naître sont loin d’être entièrement dissipées.
Dans sa version définitive, la directive est pourtant bien différente du projet initialement élaboré par la Commission européenne. Le principe du pays d’origine a été abandonné et des garanties ont été apportées pour préserver nos propres services publics.
Néanmoins, la perspective de faciliter l’accès au marché français à des prestataires de services étrangers suscite encore craintes et interrogations. Il en sera question lors de l’examen des amendements. Je ne doute pas que les précisions que vous aurez l’occasion d’apporter, madame la secrétaire d’État, répondront à bien des préoccupations.
J’insiste cependant sur le fait que l’allègement des formalités administratives imposées aux prestataires de services européens devra s’accompagner d’un véritable renforcement tant des contrôles sur le terrain que de la coopération entre administrations nationales, afin d’assurer le maintien du meilleur niveau de sécurité et de qualité pour les consommateurs.
Plusieurs articles du projet de loi visent à achever la transposition dans notre droit d’autres directives. C’est ainsi qu’un article modifie le calendrier d’enregistrement simplifié des médicaments traditionnels à base de plantes. Deux autres sont destinés à parfaire la transposition de la directive du 7 septembre 2005 relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles.
Le projet de loi a été substantiellement enrichi au cours de son examen par l’Assemblée nationale, souvent d’ailleurs sur l’initiative du Gouvernement.
Je ne m’attarderai pas sur les mesures très ponctuelles qui ont été adoptées, et sur lesquelles nous aurons l’occasion de nous pencher lors de la discussion des articles.
Je souhaite en revanche mentionner les deux articles d’habilitation que l’Assemblée nationale a introduits dans le texte sur le fondement de l’article 38 de la Constitution.
Le premier permet de légiférer par ordonnance en vue d’harmoniser notre droit avec le règlement européen du 30 novembre 2009 relatif aux produits cosmétiques. Le second autorise la transposition, par voie d’ordonnance, de la directive du 6 mai 2009 réformant le régime du comité d’entreprise européen.
Je sais que certains de mes collègues sont, par principe, opposés au recours aux ordonnances. Je sais aussi que la qualité de la loi pâtit souvent de l’absence d’intervention du législateur.
Toutefois, la commission a jugé que ces deux demandes d’habilitation étaient acceptables, compte tenu du caractère ponctuel, et assez consensuel, des mesures devant être prises. J’ajoute que l’encombrement de l’ordre du jour parlementaire plaide également en faveur d’une telle solution.
Outre ces deux mesures d’habilitation, l’Assemblée nationale a adopté un article visant à adapter au droit communautaire l’encadrement des médicaments issus de technologies innovantes.
Pour le dire franchement, cet article, dans sa rédaction initiale, ne nous avait pas vraiment convaincus : il allait bien au-delà de ce que l’adaptation au règlement exigeait et il aurait autorisé les établissements de santé à se livrer à des activités de production, de prescription, d’utilisation et de commercialisation de médicaments de thérapies innovantes.
En d’autres termes, les établissements de santé auraient pu se transformer en laboratoires pharmaceutiques, alors que, jusqu’à présent, notre législation distingue nettement ces deux activités. Il nous a semblé peu rassurant qu’une même personne puisse fabriquer, commercialiser et prescrire des médicaments, surtout dans le contexte actuel de doute sur la sécurité sanitaire.
Le ministère de la santé a, fort heureusement, entendu nos arguments, de sorte que l’amendement déposé par le Gouvernement permet de répondre à nos objections : il vise à interdire aux établissements de santé de devenir des laboratoires pharmaceutiques, tout en tenant compte du cas particulier d’organismes à but non lucratif comme le Généthon ; il tend à encadrer rigoureusement la fabrication de médicaments de thérapie innovante « à façon », c’est-à-dire pour un malade particulier dans le cadre des établissements de santé. À mon sens, nous pourrons donc finalement trouver un point d’accord sur cette question.
En conclusion, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je soulignerai que ce projet de loi, en dépit du caractère technique d’un grand nombre de ses dispositions, consolide deux grands principes, affirmés avec force tout au long de la construction de l’Union européenne : la libre prestation de services et la liberté de circulation des travailleurs en Europe. Il aura pour effet de simplifier les formalités devant être remplies par les prestataires européens qui souhaitent s’établir en France ou y proposer leurs services de façon temporaire et occasionnelle.
Naturellement, cette liberté doit être encadrée. La suite de nos débats montrera, pour chaque secteur, l’équilibre qui a été trouvé, entre l’obligation pour la France de se conformer à ses engagements européens et la nécessité d’offrir à nos concitoyens toutes les garanties qu’ils sont en droit d’attendre en matière de santé, de sécurité, de qualité de services ou de normes sociales.