Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière de santé, de travail et de communications électroniques vise à combler le retard de la France dans la transposition de plusieurs directives. En effet, dans ce domaine, notre pays n’est pas un très bon élève puisqu’il se situe au quinzième rang des États membres de l’Union européenne.
Ces retards de transposition ne sont pas sans conséquences. D’autres l’ont rappelé avant moi. Ils créent une forte insécurité juridique, multiplient les risques de procédures contentieuses et, à terme, les risques de sanctions financières lourdes. Surtout, ils fragilisent la position de la France vis-à-vis de la Commission et de nos partenaires.
Quel signal en effet envoyons-nous aux pays candidats ou à ceux qui ont récemment rejoint l’Union européenne et qui ont dû faire des efforts considérables pour absorber l’acquis communautaire afin de satisfaire aux exigences de l’intégration ?
Comment peser dans la négociation d’une nouvelle directive quand la précédente, sur le même sujet, n’est pas encore totalement transposée ?
Ces retards incitent aussi le Gouvernement à recourir aux ordonnances pour transposer rapidement des textes à caractère législatif, sans les garanties qu’apporte bien évidemment l’examen parlementaire. Nous avons eu, dans le passé, à adopter des projets de loi d’habilitation. Le texte que nous examinons aujourd’hui n’échappe malheureusement pas à ce travers, comme en témoigne d’ailleurs l’article 11 sur le troisième paquet télécoms, mais nous y reviendrons.
Dysfonctionnement des administrations placées au service de l’État, manque de volonté politique du Gouvernement ou encombrement chronique de l’ordre du jour des assemblées parlementaires : chacun explique à sa manière les mauvaises performances de notre pays en matière de transposition du droit communautaire. Quoi qu’il en soit, il conviendrait de formuler quelques propositions pour y remédier de manière durable. Pas plus que les ordonnances, le recours aux projets de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire ou la transposition fragmentée dans plusieurs textes ne sont des solutions satisfaisantes.
Je rappelle d’ailleurs que le Sénat avait adopté en 2001, sur l’initiative de notre collègue Aymeri de Montesquiou, deux propositions de loi, l’une imposant au Gouvernement de transmettre au Parlement une étude d’impact sur les projets d’actes de l’Union européenne, ainsi qu’un échéancier de transposition des directives, l’autre visant à réserver une séance par mois à ces transpositions, dont l’ordre du jour serait fixé par le Gouvernement ou, à défaut, par chaque assemblée. Ces textes répondaient à la fois à des obligations juridiques impérieuses et à des considérations pratiques. Il est dommage qu’ils n’aient pas rencontré un écho favorable à l’Assemblée nationale.
J’en viens au projet de loi que nous examinons aujourd’hui. Il est l’exemple même de ce que je viens de regretter. Il s’agit d’un texte « fourre-tout », achevant la transposition de directives d’importance majeure et aussi diverses que la directive Services, la directive Reconnaissance des qualifications professionnelles, la directive Médicament, le troisième paquet télécoms, auxquels s’ajoutent des dispositions qui ne semblent pas être imposées par le droit communautaire. Difficile pour un néophyte de suivre ! Néanmoins, j’aimerais faire quelques remarques.
Sur la directive Services, je mesure le travail considérable réalisé par les administrations concernées pour recenser toutes les réglementations qui n’étaient pas compatibles avec cette directive et concevoir les mesures d’adaptation appropriées. Mais j’avoue que cette transposition interminable, fragmentée dans plusieurs textes, comme la loi de modernisation de l’économie, la loi HPST, ou, plus récemment, la loi relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, conduit à noyer le débat sur un texte pourtant particulièrement sensible.
Chacun se souvient ici des conditions difficiles dans lesquelles la directive a été adoptée et des craintes qu’elle a suscitées chez nos concitoyens. Loin d’être un simple exercice technique, la transposition du texte dans notre droit aurait dû être l’occasion de poser clairement un certain nombre de questions, notamment sur le périmètre concret des services d’intérêt général. Une loi-cadre eût peut-être été préférable pour la tenue d’un tel débat.
Sur le fond, le groupe RDSE a également des réserves. Comme l’a relevé Mme le rapporteur elle-même, certains articles du projet de loi peuvent susciter des craintes parfaitement légitimes. C’est le cas notamment des articles 2, 2 bis et 3, sur lesquels nous avons déposé des amendements de suppression.
Il s’agit de permettre à des organismes établis dans un autre État membre de venir exercer en France pour la certification des dispositifs médicaux et l’évaluation des établissements et services sociaux et médico-sociaux, lesquelles sont aujourd’hui exclusivement le fait d’organismes habilités par l’ANESM, l’Agence nationale de l’évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ou l’AFSSAPS, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé.
Loin de nous l’idée de jeter l’opprobre sur quelque organisme que ce soit ou de nous opposer par principe à la libre prestation de services, mais nous sommes soucieux, dans le domaine social, sanitaire et médical, de garder un haut niveau de qualité, de compétence et de sécurité. Comment nous assurer que les organismes établis dans un autre État membre répondent aux mêmes exigences ?
Nous estimons que la France aurait pu invoquer les « raisons impérieuses d’intérêt général » prévues dans la directive. Nous regrettons donc vivement que les services sociaux d’intérêt général ne soient pas exclus du champ de la directive.
Le Gouvernement nous propose également, madame la secrétaire d’État, la transposition par voie d’ordonnance du troisième paquet télécoms. Certes, il a transmis le projet d’ordonnance. Il n’en demeure pas moins que le Parlement en est réduit à se défaire de ses prérogatives législatives, ce qui est loin d’être satisfaisant.
Notre assemblée a effectué un travail important sur le sujet, comme en témoigne notamment l’adoption en mars 2010 par le Sénat de la proposition de loi visant à mieux garantir le droit à la vie privée à l’heure du numérique et, en décembre dernier, sur mon initiative et celle de mes collègues du groupe RDSE, de la proposition de loi relative aux télécommunications.
Le troisième paquet télécoms contient de nombreuses dispositions qui rejoignent nos préoccupations. Je pense en particulier au principe de neutralité des réseaux, qui vise à empêcher les opérateurs de brider ou limiter l’accès de leurs clients à internet. Je pense aussi à la protection des consommateurs, de leur vie privée.
Tous ces sujets méritaient une véritable discussion, que ne permet pas le recours à une ordonnance. Je reviendrai naturellement sur cette question, comme sur celle de la présence d’un commissaire du Gouvernement auprès de l’ARCEP, au moment de l’examen des articles.
Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe RDSE sera très attentif aux évolutions qui résulteront de nos débats et au sort qui sera réservé à certains de nos amendements pour déterminer son vote final.